22 février 2009

121. Jewison : In the Heat of the Night


Dans la chaleur de la nuit

Film américain réalisé en 1967 par Norman Jewison
Avec Sidney Poitier, Rod Steiger, Warren Oates

Revu le jour de la visite de Barak Obama à Ottawa.
Quel est le lien possible entre Obama et Virgil Tibbs, le détective afro-américain (quel affreux mot, en français) de In the Heat of the Night?

Le concept d'Oréo
Une partie de la communauté noire accuse Obama d'être un "oréo" (biscuits au chocolat dont le centre est fourré d'un suspect produit blanc appelé crème) ou un "whippet" (même explication). En gros, un noir très scolarisé qui a réussi à faire son chemin dans les arcanes de l'administration publique, de l'éducation ou de la finance (qui a réussi socialement, quoi!). À cause de cette réussite, on le considère comme un traître à sa race.

Une scène du film nous montre clairement cette situation : Le regard des travailleurs noirs d'un champ de coton dirigé avec animosité vers Tibbs, en complet veston, qui passent près d'eux, assis en avant (voilà l'abîme entre eux et Tibbs) dans la voiture du sheriff blanc.

Sur le même sujet :
La veille de la visite d'Obama, Spike Lee avait donné une conférence à l'université Concordia de Montréal au cours de laquelle il a dénoncé vigoureusement cette mentalité de dénigrement de la réussite.

Extrait de la conférence de Spike Lee :
« Si tu parles un bon anglais et que tu obtiens de bonnes notes, on t'ostracise, déplore Spike Lee. On te traite de vendu, d'Oreo. Mais si tu fumes un gros joint, si tu bois un 40 onces en tâtant tes couilles et en criant Bitch!, t'es un gangsta, un vrai. Ce que ces gens oublient, c'est qu'ils restent des putains d'ignorants. »

Lorsque Lee habitait à Brooklyn, la réussite scolaire était perçue positivement. La chose aurait changé avec l'épidémie de crack, soutient le réalisateur. Il blâme aussi une certaine mouvance hip-hop. Cela constitue à ses yeux une trahison «criminelle» des générations précédentes.

« Durant l'esclavage, si on te surprenait à lire ou à enseigner, on te fouettait, castrait ou pendait. Les mauvais jours, on faisait les trois en même temps. Malgré tout, des esclaves risquaient leur vie. L'éducation était la clé de leur libération, ils le savaient. Alors pourquoi l'abandonne-t-on aujourd'hui? »

Revenons au film :
"They call me Mister Tibbs."
En 2005, considérée la 16ème réplique la plus célèbre de l'histoire du cinéma américain par American Film Institute entre "E.T. phone home" et "Rosebud".

Pour des raisons géopolitiques, le film dont l'action se passe dans la petite ville de Sparta au Mississippi a été, plutôt tourné, à Sparta, Illinois, durant l'automne de 1967 après le fameux Hot Summer de 1967 durant lequel il y eut plusieurs émeutes dans les ghettos noirs dont, plus particulièrement, ceux de Newark et de Détroit qui firent 69 morts. Après cet été turbulent et, surtout, connaissant l'attitude franchement hostile des Blancs du Sud vis-à-vis l'émancipation des Noirs, il était hors de question de tourner ce film dans le "Deep South".

Deux films sur le racisme en compétition pour les Oscars de 1968, l'autre étant Guess Who's Coming to Dinner de Stanley Kramer dans lequel joue également Sydney Poitier. C'est quand même bizarre que Poitier ne fut même pas mis en nomination comme meilleur acteur dans aucun des deux films. Une belle occasion ratée de montrer que la discrimination raciale n'était le fait que des "rednecks" du "Deep South". J'exagère peut-être un peu pour faire de la rhétorique. En fait, Sydney Poitier avait déjà gagné l'Oscar du meilleur acteur 4 ans auparavant dans le film Lilies of the Field et Rod (chewing gum) Steiger défonce carrément l'écran dans In the Heat of the Night, ce qui lui valut l'Oscar du meilleur acteur.

Mais la réalité est quand même du côté de la discrimination. En 80 ans de remise de Oscars : seulement 4 acteurs noirs ont obtenu l'Oscar du meilleur acteur : Sydney Poitier, Denzel Washington, Jamie Foxx et Forest Whittaker et une seule actrice noire : Halle Berry.

Suites à In the Heat of the Night :
They Call Me MISTER Tibbs! (1969) de Gordon Douglas. 6.0 sur 10 selon IMDB
The Organization (1971) de Don Medford. 6,0 sur 10 selon IMDB
Dans les deux films, on y retrouve Sydney Poitier en Virgil Tibbs.
Pas sûr que j'aie le goût de voir ça. Vous connaissez mon horreur des "suites".

Oscars 1968 : Cinq statuettes : Film. acteur (Rod Steiger). montage, son. scénario tiré d'un autre média.

Visionné, la première fois, le 6 mars 1976 à la télévision à Montréal.
Vu, au cinéma, le même jour, un film qui m'a beaucoup touché et auquel je repense régulièrement mais que j'ai peur de revoir. Il m'est arrivé si souvent de voir un de ces films marquants, démoli par un nouveau visionnement; je préfère ne pas les revoir et les laisser à l'abri, bien au chaud dans ma mémoire. L'important, c'est d'aimer d'Andrzej Zulawski est un de ces films dont le visionnement est attachée à une période très bouleversante de ma vie et le revoir dans une autre période, disons plus calme pour ne pas dire plus sage, le banaliserait peut-être.
Mon 121ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 1er février 2023

14 février 2009

120. Ashby : Harold and Maude


Film américain réalisé en 1971 par Hal Ashby
Avec Ruth Gordon, Bud Cort

Plein d'appréhensions avant de revoir ce film enterré depuis longtemps dans ma mémoire de cinéphile. Disons que l'affiche "flower power style" n'annonçait rien de bon, pour moi, qui n'ai aucunement la nostalgie de cette période à la réputation largement surfaite. Cette période, c'était mon adolescence, et comme disait Paul Nizan (qui n'a vraiment rien à voir avec le cinéma ) dans son célèbre ouvrage Aden Arabie:
« J'avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie. »

Mais, surprise, beaucoup de plaisir à revoir cette improbable histoire d'amour entre cette mémée shootée à l'EPO (ou tout simplement souffrant de démence sénile, selon le point de vue) et ce freluquet, amateur de suicides. On nous rejoue Love Story façon Six Feet Under avec le cirage mélodique de Cat Stevens (Yusuf Islam depuis 1978) comme toile de fond. 

En fait, l'utilisation de chansons pour enchaîner les séquences et faire du "métrage" est une reproduction presqu'à l'identique de ce qu'a fait Mike Nichols dans son Graduate, quatre ans auparavant, avec les chansons de Simon and Garfunkel. Technique que nous reverrons des milliers de fois dans beaucoup de comédies romantiques depuis cette époque et pendant les 150 prochaines années.

Amusant, sans plus. N'y cherchez surtout pas une critique percutante de la société américaine à l'ère Nixon comme plusieurs critiques de l'époque tentaient de nous faire croire. Le succès du film, à sa sortie, tenait plus à l'immoralité de la relation entre un adolescent et une grand-mère qu'à sa critique sociale; la suprématie des fleurs sur les militaires, c'était déjà d'un "ringard" !

La Volkswagen Beetle bleue poudre de Maud : c'est la réplique de ma première voiture, achetée d'occasion. Elle avait plus de 120 000 km au compteur et probablement beaucoup plus sous le capot parce qu'un piston a cramé quelques mois après son acquisition. Heureusement, j'ai pu la vendre à deux étudiants sans le sou qui débarquaient du Laos et qui parlaient à peine le français. Pas fier, mais vendue quand même. J'étais jeune et ma sensibilité au tiers-monde partait vraiment du mauvais pied. Heureusement, quelques années plus tard, j'allais être emporté intellectuellement par le courant tiersmondiste, fer de lance de la gauche occidentale dans son combat contre le néo-colonialisme et l'impérialisme. C'est pas beau ça !

Lecture cinéphilique
Godard et la société française des années 1960 de Jean-Pierre Esquenazi.
Enfin terminé. C'était un dernier effort pour me réconcilier avec Godard que j'ai toujours détesté, hormis quelques séquences dans quelques films et, évidemment, À bout de souffle. Ce livre m'a impressionné par son accessibilité, par sa clarté, par sa démarche structurée et hautement pédagogique. Œuvre rare dans le milieu de la cinéphilie qui traite de cette époque.

Ce livre ne m'a pas appris à aimer Godard, il m'a juste expliqué pourquoi je détestais son œuvre et je l'en remercie.

Une des démarches du livre est de décrire et d'expliquer la répudiation par Godard de la culture industrielle (la culture populaire) auquel il adhérait au début de sa carrière et son passage à la culture classique (celle de la future élite de gauche) qui réagit fortement à toutes les productions culturelles adoptées par la majorité de la population qui, évidemment, est décrétée aliénée par cette élite condescendante. C'est ce qu'on appelait en langage marxiste, l'avant-garde du prolétariat. Interdit de rire.

Que je n'aime pas le cinéma de Godard et encore moins le personnage public, carrément imbuvable, ne m'empêche pas de penser que sa démarche artistique fut une des plus importantes de toute l'histoire du cinéma. Il fallait Godard.

Visionné, la première fois, le 29 février 1976 au cinéma Outremont à Montréal
Mon 120ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 1er février 2023

07 février 2009

119. Spielberg : Jaws


Les Dents de la mer

Film américain réalisé en 1975 par Steven Spielberg
Avec Roy Scheider, Richard Dreyfuss, Robert Shaw, Lorraine Gary

J'ai le goût de commencer par ceci :
Vous connaissez ce que l'on appelle les romans d'été. Le bouquin qu'on apporte à la plage pour se donner l'impression de ne pas bronzer idiot et que, une fois terminé, l'on abandonne au camping ou bien que l'on enterre dans sa bibliothèque ou, encore mieux, que l'on va revendre à la boutique de livres usagés de la rue Mont-Royal (à Montréal, au cœur de la République du Plateau).

Alors, transposez cela pour Jaws.
Un sacré bon thriller. Mais une heure après le visionnement, une sensation de vide. Du moins, c'est l'impression qu'il m'est resté lorsque je l'ai revu dernièrement. C'est un film qui résiste mal à de multiples visionnements, contrairement, au premier film important de Spielberg, Duel, que je revois avec toujours autant d'excitation et qui, lui, "tient bien la route", si je peux dire.

Spielberg a employé la stratégie que Hitchcock a utilisé tout le long de sa carrière de maître du thriller psychologique. Hitchcock disait : "A bomb is under the table, and it explodes : That is surprise. The bomb is under the table but it does not explode : That is suspense". Alors Spielberg garde le requin au-dessous de la table pendant toute la première heure; alors, lorsqu'il apparaît inopinément pour attraper l'appât tenu négligemment par Hooper (Richard Dreyfuss) à l'arrière du bateau, un tsunami secoue les spectateurs.

Le premier blockbuster estival de l'histoire du cinéma mais un sale coup pour les plages américaines qui ont vécu une baisse de fréquentation momentanée.

Pendant l'été, dans un restaurant de Cape Cod (le film a été tourné à Martha's Vineyard), lieu de prédilection de mes vacances estivales lorsque ma fille était enfant (plus particulièrement au camping North of the Highland, à la pointe du cap, près de Provincetown) on pouvait voir sur le menu "Get even. Eat fish".

Jaws ou l'hystérie de l'interprétation 
Un tel requin ne pouvait pas être, tout simplement, un requin. Il fallait le surcharger de sens.
Un requin polysémique, rien de moins.

Liste (incomplète) : peur de la sexualité, la guerre du Vietnam, la terreur ancestrale, la mauvaise conscience, le vagin denté (les Cahiers du Cinéma, évidemment !), la société des Grands Blancs (encore les Cahiers), le capitalisme, l'impérialisme américain, le dieu Pan en colère. Sous l'eau calme de la Pax Americana se terrent tous les condamnés de la Terre.

Et pour finir, le chef d'œuvre : Tiré de Pascal Bonitzer, les Cahiers du Cinéma, mars-avril 1976. No.265. "De quoi s'agit-il en définitive? Jaws, c'est la morsure du sexe qu'il s'agit de conjurer, et de la grande secousse dont elle panique le corps." Alléluia !

L'histoire du USS Indianapolis ou "Jaws" en folie"
" Après avoir livré la première bombe atomique sur la base aérienne de l'île de Tinian le 26 juillet 1945, le USS Indianapolis repart aussitôt déchargé mais, afin de garder le voyage secret, il emprunte une route loin des caps habituels et n'a aucune escorte. L'Indianapolis est torpillé deux fois le 30 juillet par un sous-marin japonais en mer des Philippines, trois cents marins sur 1 196 périssent pendant l'attaque. L'US Navy met plusieurs jours à s'apercevoir du naufrage. Les rapports mentionnent que les requins attaquent les naufragés nuit et jour durant plusieurs jours. Sur les 900 survivants du naufrage seuls 316 sont sauvés." (Wikipédia)

Jaws fait des petits
Ce qui fit naître le Mouvement pour la Stérilisation des Films-Catastrophes.
Voyez l'évaluation de la descendance de Jaws telle qu'elle apparaît sur IMDB
Jaws 2. 1978. 5,6 sur 10
Jaws 3-D. 1983. 3,3 sur 10
Jaws : The Revenge. 1987. 2,5 sur 10
Cruel Jaws. 1995. 3,4/10
Etc,
Mais qu'est-ce que j'ai du temps à perdre !

Oscars 1976. Trois statuettes : John Williams pour la musique originale (sans quoi, le film perdait la moitié de son potentiel d'horreur), montage. son.

Visionné, la première fois, le 28 février 1976 au cinéma Champlain à Montréal
Mon 119ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 1er février 2023

02 février 2009

118. Schlesinger : Midnight Cowboy


Macadam cowboy

Film américain réalisé en 1969 par John Schlesinger
Avec Jon Voight, Dustin Hoffman, Sylvia Miles, Brenda Vaccaro

Texas-Bus-New York-Bus-Miami.
De pèquenot à urbain ou la perte de l'innocence.
Quand Joe Buck (on ne peut pas croire un nom pareil. Buck = orignal mâle et, aussi, dollar en argot américain), à la fin du film, jette à la poubelle ses bottes et ses vêtements de cow-boy quelque part lors d'un "bus stop" en Floride, la transformation est complétée. Ratso, (Dustin Hoffman qui, apparemment, a raté son mariage avec la belle Katharine Ross et se retrouve encore dans une histoire d'autobus, qui se termine mal cette fois-ci; voir la fin de The Graduate, pour celle qui se termine bien ou pas) peut mourir. Joe n'a plus besoin de tuteur pour affronter le monstre urbain.

Mais pour que la recette fût réussi, il a fallu y mettre les ingrédients suivants : les rues sales de New York, un appartement chic de la 5ème avenue (en fait, 72ème rue Est) avec madame-au-petit-chien-blanc-que-je-balancerais-par-la-fenêtre-vite-fait (le petit chien, pas la dame, quoique!), la 42ème rue (disparue à jamais) avec ses putes de tous les sexes, le squat dans un immeuble abandonné du Bronx, la partouze dans un chic appartement de Greenwich où on s'attendrait à rencontrer Andy Warhol sans oublier les séances de cinéphilie des après-midis glauques de novembre.

Notre Joe se farcit la totale mais il en ressort purgé de sa naïveté et urbanisé à jamais.

J'aime beaucoup toute la partie qui précède l'arrivée de Joe Buck à New York, les dix premières minutes du film.

Les villes nordaméricaines sont au milieu d'une des périodes les plus noires du développement urbain. Les années 50 et 60 sont la période du "urban renewal", période durant laquelle on laissait se dégrader le cœur des villes pour mieux les détruire afin d'y installer des tours à bureaux et des tours résidentielles ainsi que des voies rapides pour accélérer les transitions entre la ville et la banlieue. Une catastrophe urbaine visible dans la majorité des villes nord-américaines et qu'on peut voir à Paris avec la voie rapide de la rive droite et la tour Montparnasse (quartier qui l'a échappé belle dans les années 70 puisqu'on devait y faire passer une autoroute, la radiale Vercingétorix, afin de relier le Périphérique au cœur de la cité).

La main street est en perdition; partout elle est mise en échec par le développement des banlieues résidentielles et de ses shopping centers.

Dans cette première partie du film, si on scrute bien le paysage urbain que traverse Joe, on a une vue imprenable sur l'état délabré des petites villes américaines.

Avec le temps, on oublie un peu l'histoire de Midnight Cowboy, assez loufoque et mal fagotée (l'ambiguïté et l'utilité, par exemple, des flash-backs ?), mais pas les deux performances inoubliables de Jon Voight et de Dustin Hoffman, tous les deux nominés pour l'Oscar du meilleur acteur.

Le doublage en français de ce film atteint des profondeurs abyssales de niaiseries. De temps à autre, à titre de curiosité, je fais un tour du côté de la version doublée pour conforter mon choix de toujours visionner les films en version originale.

Ce que j'apprécie le plus pour les films de langue anglaise, quand c'est possible, c'est de sélectionner la version pour malentendants qui reproduit exactement la langue du film.

"Midnight Cowboy" signifie prostitué mâle. Alors, comment en est-on arrivé à cet insignifiant tire français Macadam cowboy ? (l'Oscar de l'insignifiance des titres mal traduits étant attribué à Vol au-dessus d'un nid de coucous ex-aequo avec 400 Blows). Oui, oui, je sais, on voulait dire cowboy des villes... mais perte de sens, quand même.

À quand un site qui ferait le répertoire des horreurs de la traduction des titres de films ?

Oscars 1970 : Meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario
Berlin 1969. Prix de l'Organisation internationale catholique du cinéma.

Visionné, la première fois, le 11 janvier 1976 au cinéma à Paris
Décembre 1975. Mon premier voyage en France. Paris en hiver : brouillards matinaux, nuageux, froid et humide, faibles chutes de neige et, surtout, jamais le soleil. Mais Paris est une fête surtout après en avoir si longtemps rêvé et y avoir vécu à travers mille personnages de roman. Un coup de foudre dont je ne me suis jamais remis. Mon premier chez-moi à Paris : l'hôtel St-André-des-Arts sur la rue du même nom dans le 5ème arrondissement : un hôtel culte, qu'on disait.
Mon 118ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 1er février 2023

26 janvier 2009

117. Vigo : Zéro de conduite



Films français réalisé en 1933 par Jean Vigo
Avec Jean Dasté, (carrière sur 7 décennies) Gérard de Bédarieux (un seul film), Gilbert Pruchon (un seul film ), Louis Lefèvre (deux films)

" Les enfants s'enfuient sur les toits, vers les cieux sereins, garants d'une nouvelle liberté. "

Film interdit de projection publique en France pendant 12 ans, jusqu'à la Libération en 1945.

Vigo, c'était le grand péril pour l'ordre bourgeois.
Dans ce film, les figures de l'autorité passent à la casserole, des surveillants de collège au préfet, en passant par les professeurs, le principal et le curé.

Il est vrai que son père, dont le pseudonyme Miguel Almeyreda, anagramme de "y a la merde", fut incarcéré pendant la Grande guerre à cause de ses idées anarchistes. Ça la foutait mal pour la progéniture aux yeux des autorités. Alors, avec Zéro de conduite, grande tarte à la crème au visage des institutions républicaines, il était certain que Vigo serait immédiatement mis au pilori par l'ordre établi.

En tout et pour tout, Vigo, décédé à 29 ans, n'a réalisé que 165 minutes de cinéma : seulement deux œuvres de fiction et un seul long métrage, L'Atalante. Pourtant, Vigo est devenu une majestueuse icône de la cinématographie française en plus de tracer la voie à tous ceux qui allaient aborder l'univers concentrationnaire des pensionnats scolaires.

Deux exemples : 
1. Dans le film de Truffaut, Les quatre cents coups, un clin d'œil à Vigo, dans la séquence où les élèves, qui suivent leur professeur qui les guide dans les rues du quartier, progressivement l'abandonne et prennent la clé des champs.

2. Dans le film de Lindsay Anderson, If, la conclusion du film, dans laquelle des étudiants se réfugient sur le toit de l'école et canarde la troupe des dignitaires de la ville réunie pour célébrer la fin de l'année scolaire, est un vrai plagiat de la conclusion de Zéro de conduite.

Caméraman : Boris Kaufman.
Il commence sa carrière avec Vigo dont il tourne tous les films.
Récipiendaire d'un oscar pour On the Waterfront.
Frère de Dziga Vertov, pseudonyme de Denis Kaufman.

Visionné, la première fois, en 1975 à la télévision à Montréal
En préparation (ce qui n'a rien à voir avec ce site) : trekking dans les Alpes italo-suisse. Le tour du mont Cervin : 180 kilomètres de randonnée avec trois cols au-dessus de 3000 mètres. En septembre 2009.
Mon 117ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 31 janvier 2023

20 janvier 2009

116. Schaffner : Papillon



Film américain réalisé en 1973 par Franklin J. Schaffner
Avec Steve McQueen et Dustin Hoffman

Que de belles choses dans ce film.
Une histoire d'amitié, d'amour (?) entre deux hommes (Papillon et Dega) qui se développe sur une période de 14 ans.

Une superbe balade en voilier dans une des plus belles mers du monde (les Caraïbes)

Des lépreux avec le cœur sur la main-à-prendre-avec-des-pincettes.

Une île tropicale (l'île du Diable) à la végétation luxuriante, comme prison.
Bon, d'accord, quelques gardiens de prison assez chiants viennent régulièrement ruiner le party mais ils sont les entubés de l'affaire. À la fin, Papillon s'échappe et Dega coule des jours heureux dans sa maison, au cœur d'un des plus beaux paysages maritimes qui soient.

J'aime bien cette phrase de Roger Ebert qui résume mon point de vue sur ce film : "When Steve McQueen finally escapes from Devil's Island we're happy more for ourselves than for him : Finally we can leave, too." Il est vrai qu'il est tentant, quelquefois, aux dépends de l'objectivité, de céder aux fleurs de la rhétorique; le grand spécialiste en la matière étant le réputé chroniqueur du quotidien La Presse, Pierre Foglia. On n'est pas toujours d'accord avec ce qu'il affirme mais on (disons, je) s'amuse toujours de la façon péremptoire dont il le dit.

Le roman Papillon d'Henri Charrière est la source à partir de laquelle Dalton Trumbo et Lorenzo Semple Jr. ont élaboré le scénario du film.

Henri "Papillon" Charrière fut expédié au pénitencier de St-Laurent en Guyane française en 1931. Après plusieurs tentatives, il réussit à s'en évader en 1941.

Mais, dès la sortie du livre en 1969, l'aspect autobiographique a été contesté. Le véritable Papillon s'appellerait Charles Brunier, né le 31 mai 1901 (décédé en 2007 à l'âge de 105 ans !). Henri Charrière aurait amalgamé dans son roman plusieurs épisodes d'évasion de différents prisonniers dont les siennes mais le personnage principal serait ce Charles Brunier.


Hutte d'Alfred Dreyfus à l'île du Diable. Il y séjournera de 1895 à 1899

Ayez une pensée pour Dalton Trumbo, un des dix d'Hollywood, qui fut banni du cinéma pendant 13 années suite à son refus de témoigner "correctement" à la House Committee on Un-American Activities. À la première occasion, visionnez le seul film qu'il réalisa, Johnny Got His Gun, le film le plus anti-guerre qu'il m'ait été donné de voir (frissons garantis).

Lecture cinéphilique en cours
Godard et la société française des années 1960 par Jean-Pierre Esquenazi.
Livre "savant" qui aborde les 15 films que Godard a tourné entre 1959 (À bout de souffle) et 1968 (Week-end) à partir d'une grille d'analyse à 4 entrées :
1. L'espace social dans lequel évolue l'auteur de films
2. Les ressources disponibles pour la production du film
3. Le dessein du cinéaste, son projet.
4. L'interprétation du film par les différents publics : critiques et spectateurs.

Les habitués de ce site doivent se demander ce qui me prend tout à coup de m'intéresser à Godard, lui que j'ai toujours aimé détester.

Premièrement, peut-être pour me conformer à l'adage qu'un de mes amis répétaient souvent : "What you hate is what you need" (Je cherche toujours l'origine de cet adage. Si vous le trouvez, faites-moi signe).

Deuxièmement, les années 1960 c'est la plus formidable décennie du 20ème siècle en plus d'être celle de mes 20 ans.

Troisièmement, par le premier chapitre qui me séduit par sa critique de l'idéologie anti-américaine de l'intelligentsia française qui ronronne depuis 80 ans. On pense souvent que cet anti-américanisme est apparu à l'époque de la guerre froide mais, déjà, en 1931, un des plus grands philosophes français de ce siècle, Robert Aron, publiait, Le Cancer Américain.

Visionné, la première fois, en 1975 au cinéma à Montréal
Mon 116ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 31 janvier 2023

15 janvier 2009

115. Lang : M


M le maudit

Film allemand réalisé en 1931 par Fritz Lang
Avec Peter Lorre, Otto Wernicke, Theodor Loos

M = mörder = meurtrier

Seule musique du film : un extrait de Peer Gynt d'Edvard Grieg, sifflé par le meurtrier (en fait, par Fritz Lang lui-même)

Peter Lorre : à partir de ce film, à jamais associé à la marginalité, à la psychopathologie.

Plan inusité, incongru, très surprenant: à partir du dessous de son bureau, une vue en contre-plongée de l'entre-jambe du commissaire !!!

Visionné, la première fois, en 1975 à l'hôpital psychiatrique Mastaï à Québec
Ça ne s'invente pas.
Non, je n'étais pas patient, ça viendra peut-être, plus tard, comme me dit ma conjointe, vue la quantité industrielle de films que je visionne depuis que j'ai commencé ce site, il y a deux ans. En fait, seulement 475 films, l'année dernière, même pas 1000 heures de cinéma en une année, y a pas de quoi péter les plombs. Si ?
Visionné avec mon regretté ami, Robert Cloutier, avec qui j'ai parcouru de belles montagnes dans les White Mountains de l'État du New Hampshire.
Mon 115ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 31 janvier 2023

07 janvier 2009

114. Demy : Les Demoiselles de Rochefort



Film français réalisé en 1966 par Jacques Demy
Avec Catherine Deneuve, Françoise Dorléac, George Chakiris, Jacques Perrin, Michel Piccoli, Gene Kelly, Danielle Darrieux

Affiche du film : belle application du concept wysiwyg (what you see is what you get).
Des couleurs "coco de Pâques", des chanteuses, des danseurs, de la bonne humeur, une blonde, une brune, un Demy avec ça?
Une comédie musicale française à son meilleur.
Demy joue la carte du bonheur à tout prix.
Une comédie musicale à son meilleur? Pas sûr.
C'est dommage, mais quand je vois George Chakiris danser dans les Demoiselles, je ne peux pas m'empêcher de penser à West Side Story et là, ça dérape. J'ai le goût de changer de galette et de me replonger dans ma comédie musicale préférée.
Constat : Musique et danse des Demoiselles sont un cran ou deux plus bas que celles de West Side Story.

Allons voir ce qu'en dit mon critique préféré des années 60-70, Jean-Louis Bory. Un vrai feu d'artifice que cette critique, intitulée Tutti frutti (clin d'œil à Little Richard), paru dans le Nouvel Observateur du 8 mars 1967. Courez aux archives de votre bibliothèque préférée et régalez-vous ; bon, je sais y a plus rigolo qu'un sous-sol empoussiéré d'une bibliothèque.

Un extrait pour se faire plaisir :
"Rochefort! C'est à ne pas croire. Je connaissais un peu Rochefort avant ce cyclone de ripolin et je ne voudrais faire à quiconque nulle peine, même légère, mais enfin Rochefort, oui, bon, je veux bien, je connais plus joli même en Beauce. Or merveilles! ô saisons ô châteaux! La baguette de Merlin l'Enchanteur est passée par là ; Rochefort, c'est le palais de Dame Tartine où l'on navigue entre un sorbet à la fraise et une cassate napolitaine."

En gros, Bory aime bien à cause de cette bouffée de joie que ce film apporte dans un monde en perdition. (En fait, le monde est toujours en perdition, et çà, depuis des lustres; demandez à votre dinosaure favori.). Mais, comme la majorité des critiques, il souligne la faiblesse de la chorégraphie de Norma Maen (une pâle imitation de celle de Jerome Robbins dans West Side Story) ainsi que la monotonie générale des chansons.

Projet initial : Brigitte Bardot et Audrey Hepburn avaient été approchées pour jouer les rôles interprétés par les presque-jumelles Dorléac (un an les sépare). Merci Audrey Hepburn d'avoir refusé ce rôle nous permettant ainsi de voir, une dernière fois à l'écran, la pétillante Françoise Dorléac qui allait mourir dans un accident d'auto le 26 juin 1967 au début de ce qu'on a appelé le Summer of Love que Les demoiselles de Rochefort annonçait si bien.

Lecture cinéphilique
Reçu en cadeau : The Ingmar Bergman Archives
La totale. Sept kilogrammes de Bergman : un festin pour les fans finis de Bergman.



Visionné, la première fois, en 1975 au cinéma à Montréal
Borne biographique. En août de cette année 1975, début de ma carrière d'enseignant en Géographie dans un collège (équivalent Classes terminales dans le système français) de Montréal : le Collège de Maisonneuve
Mon 114ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 30 janvier 2023

04 janvier 2009

113. Pontecorvo : La Bataille d'Alger



Film italo-algérien réalisé en 1965 par Gillo Pontecorvo
Avec Brahim Hadjadj, Jean Martin, Yacef Saâdi (rédacteur du récit à l'origine du film), Sarnia Kerbash

C'était le temps des certitudes pour les progressistes de ce monde.
D'un côté, un pays colonisateur, la France, qui n'hésite pas à se mettre à l'école nazie pour étouffer toute velléité d'indépendance politique.
D'un autre côté, un peuple dominé et exploité depuis plus d'un siècle, les Musulmans d'Algérie (Arabes et Berbères), qui essaie, avec des moyens restreints mais qui annoncent des décennies d'horreur, d'atteindre la libération politique. 
Alors, le choix était simple si on n'était pas Français. Vive l'Algérie. Mort aux colonialistes.

Quand j'ai vu ce film, la première fois, 10 années après sa réalisation, les choses étaient encore simples ; les Américains remplaçant les anciens colonialistes européens dans le rôle du méchant. Puis, au cours des décennies suivantes, les certitudes allaient se liquéfier surtout avec la découverte des catastrophes humanitaires de tous ces régimes qui nous promettaient des "lendemains qui chantent".

Lorsque j'ai vu La Bataille d'Alger, je connaissais peu de choses de la guerre d'Algérie; alors vous dire le choc reçu lors du visionnement de ce film. S'ensuivit un appétit insatiable pour tout ce qui concernait l'Algérie. Je me suis jeté sur l'œuvre d'Yves Courrière, La Guerre d'Algérie (4 tomes en livre de poche) que j'ai dévoré en quelques semaines. (On peut voir sur You Tube un documentaire de Yves Courrière intitulé La Guerre d'Algérie). Puis, un projet de voyage en Algérie prit forme.

Pendant l'été 1977, avec ma conjointe, nous sommes partis pour Paris où nous avons loué une voiture puis, après avoir traversé la France, l'Espagne et le nord marocain (le superbe Rif) nous avons parcouru tout le nord de l'Algérie pendant deux semaines (limite du visa) : peu de touristes, un accueil sympathique, le Sahara, l'Aurès (découverte du chanteur Idir, inoubliable A Vava Inouva, sur les bords d'un oued), la Kabylie, Oran, la Casbah d'Alger, visitée avec un moudjahidine à la retraite.

Le film : la guérilla urbaine, mode d'emploi.
Utilisé à titre de formation politique par des groupes aussi divers que les Black Panthers, l'IRA irlandaise, la Bande à Baader et même le Pentagone. Ce dernier organisa une projection pour son Directorate for Special Operations le 27 août 2003.
Un document accompagnant cette projection se lisait comme suit :
"How to win a battle against terrorism and lose the war of ideas. Children shoot soldiers at point-blank range. Women plant bombs in cafes. Soon the entire Arab population builds to a mad fervor. Sound familiar ? The French have a plan. It succeeds tactically, but fails strategically. To understand why, come to a rare showing of this film."

Le film que la France ne voulait pas voir
Le gouvernement français a tout fait pour empêcher, sans succès, que ce film fasse partie de la sélection officielle du Festival de Venise de 1966.

Un extrait d'une chronique de mon critique préféré, Jean-Louis Bory, publié dans le Nouvel Observateur du 14 septembre 1970 :
" On mesure la stupidité de l'interdiction qui pèse depuis 1966 sur ce film. Il faut avoir la cervelle coincée par une médaille militaire ou par des nostalgies compréhensibles mais désormais anachroniques pour étiqueter ce film comme francophobe. "

Banni pendant 5 ans en France, ce n'est qu'en 1971 qu'il a pu être visionné grâce aux efforts de Louis Malle.

À quand des films français critiques sur la guerre d'Algérie équivalents à ceux que les Américains ont réalisé sur la guerre du Vietnam ? À quand un Né un 1(4) juillet ou autre Platoon ? Ils me semblent assez discrets, les producteurs et les réalisateurs français au sujet de cette époque sombre de l'histoire de France.

Un film de Laurent Heinemann, La Question, traitant de la torture pratiquée pendant la guerre d'Algérie et tiré du livre d'Henri Alleg, réalisé en 1977, est-il accessible en France ?

" Dans La Question, Henri Alleg raconte sa période de détention et les sévices qu'il y subit, en pleine guerre d'Algérie. Tout d'abord publié en France aux Éditions de Minuit, l'ouvrage est immédiatement interdit. Nils Andersson le réédite en Suisse, quatorze jours après l'interdiction le frappant en France en mars 1958. Malgré son interdiction en France, ce livre contribue considérablement à révéler le phénomène de la torture en Algérie " Wikipédia.

Venise 1966. Lion d'or, prix de la ville de Venise, prix de la critique internationale.

Visionné la première fois le 13 octobre 1975 à la télévision à Montréal
Mon 113ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 26 février 2023

26 décembre 2008

112. Hawks : Red River



Film américain réalisé en 1946 par Howard Hawks
Avec John Wayne (Dunson), Montgomery Clift (Matt), Joanne Dru, Walter Brennan, John Ireland (Cherry Valance)

Franchement, pour vous dire la vérité, j'avais pas vraiment envie de revoir ce film que, par ailleurs, j'avais complètement oublié. Les westerns, c'est pas vraiment mon pot de confiture. Je suis plutôt du côté de Bergman, Dreyer, Bresson, du côté "lourd, le film". Alors, les westerns, pfuitt. Mais si vous grattez un peu, vous verrez que j'aime aussi Spielberg, Zemeckis et même Adrian Lyne !

Un des 5 plus grands westerns de l'histoire du cinéma. Les autres : The Searchers, Once Upon a Time in the West et... je vous laisse le choix des deux autres.

Hawks met la hache dans le modèle traditionnel du cowboy au grand cœur et à la gâchette justicière. Dès les premières séquences, on découvre un John Wayne inattendu. Tout à coup il ne joue plus le personnage stéréotypé du cowboy magnanime. Lorsqu'il voit au loin des charriots en flamme parmi lesquels se retrouve sa fiancée qu'il a quittée quelques heures auparavant et qu'il dit à son compagnon qui l'incite à retourner pour lui porter secours qu'il ne sert à rien d'y aller parce qu'ils arriveraient trop tard, on reste bouche bée, d'autant plus qu'aucun signe d'émotion ne parcourt son visage. Cette séquence nous annonce des remises en question du western traditionnel.

En effet, le déroulement de l'histoire nous entraîne dans un tout autre chemin que celui habituellement tracé par les histoires de Far West. Imprévisible que cette histoire d'affrontement entre Dunson (figure paternelle) et Matt (fils adoptif) dans laquelle John Wayne et Montgomery Clift nous rejouent la mutinerie du Bounty transposée dans les prairies américaines.

Mais, malheureusement, cette œuvre qui devenait épique sera complètement bousillée par l'introduction d'un improbable personnage féminin (Joanne Dru) et par une séquence finale du plus pur happy-end hollywoodien merdique! C'est à pleurer.

En marge
Soixante ans avant Brokeback Mountain, une relation homosexuelle entre deux cowboys.
Montgomery Clift et John Ireland manifestent leur homosexualité à l'écran (manifestation subtile sinon le film aurait été bloqué par le code Hays) et derrière l'écran.

Montgomery Clift, dont l'orientation sexuelle (gay) était connue dans le monde du cinéma d'alors, eut quelques affrontements avec John Wayne, l'icône du conservatisme américain, dont les valeurs et les idées politiques étaient diamétralement opposées à celles de Clift. Cet affrontement culminera au moment où Wayne apprendra que Clift a des relations sexuelles avec John Ireland, le si bien nommé Cherry Valance de l'histoire. Wayne demandera, en vain, que Clift soit remplacé par un autre acteur.

Lecture para-cinéphilique :
Tendre est la nuit de F. Scott Fitzgerald
Lien cinéphilique : Antonioni, L'avventura : Anna (Léa Masari) lisait cette œuvre de Fitzgerald juste avant qu'elle ne disparaisse.
Tender is the night de Henry King, réalisé en 1962

Visionné la première fois le 15 septembre 1975 à la télévision à Montréal
Mon 112ème film des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 30 janvier 2023

19 décembre 2008

111. Fosse : Cabaret



Film américain réalisé en 1972 par Bob Fosse
Avec Liza Minnelli, Michael York, Helmut Griem, Joel Grey

La scène du "biergarten".
Une des plus belles, des plus poignantes, des plus terrifiantes séquences qu'il m'ait été donné de voir dans toute ma carrière de cinéphile. Depuis 33 ans, quand je repensais à Cabaret ce n'était pas à Liza Minnelli, pourtant fabuleuse, que je repensais, ni aux séquences musicales du cabaret mais à cette chanson patriotique, montée en crescendo, qui m'avait à l'époque complètement bouleversée.

Que je n'aie jamais cherché à revoir cette séquence depuis 1975, demeure, aujourd'hui, après avoir revu cette séquence une dizaine de fois, un curieux mystère.

Oliver Collignon, le jeune nazi qui interprète (en fait, mime) le chant à la gloire de la renaissance vindicative de l'Allemagne, est troublant. D'angélique à démoniaque en trois minutes; une parenté certaine avec les jeunes blonds criminels de Funny Games U.S. de Michael Haneke. "Il y a quelque chose qui circule et qui n'a pas de nom, qui semble naître de la beauté même du soleil, mais qui est la force écrasante du mal." Michel Chion. Cahiers du cinéma. #339. Septembre 1982.

Si j'éprouve tant de terreur à voir cette séquence c'est parce que l'on connaît la suite de la chanson. Cette chanson se poursuit d'abord dans Le triomphe de la volonté (1935) de Leni Riefenstahl puis dans le roman Les Bienveillantes de Jonathan Littell.

Oh Fatherland, Fatherland,
Show us the sign
Your children have waited to see.
The morning will come
When the world is mine.
Tomorrow belongs to me!

Toute cette séquence est bâtie sur le mode crescendo : le texte passe du bucolique au vindicatif; la chanson, d'abord chantée a cappella, se termine par un accompagnement orchestral complet. La structure filmique appuie ce crescendo par l'inclusion de plans qui viennent souligner le caractère revendicateur de ce chant patriotique.

La séquence est constituée de 41 plans.
Les 13 premiers plans soulignent le caractère "bon enfant" de la mélodie avec quelques gros plans sur le visage poupin du chanteur.
14ème plan : Gros plan sur le visage colérique du chanteur.
À partir de ce moment, tout bascule.
Les plans suivants nous montrent plusieurs gros plans de personnes (deux jeunes filles particulièrement) hurlant les mots de la chanson. L'arrivée de ces personnes, par le bas, dans le champ de la caméra accentue la violence de la scène.
Le salut nazi du chanteur, au 37ème plan, marque le point culminant de cette scène ; on sent que la terrible unanimité derrière le grand mouvement populiste est atteinte. La machine est en marche, rien ni personne ne l'arrêtera.



Bon, maintenant, toute la vérité sur cette chanson :
Tomorrow Belongs To Me a été composée, spécifiquement pour le film, par John Kander et Fred Ebb dans le plus pur style des chants nazis pour la jeunesse. Ceci n'enlevant rien à la charge émotive vécue dans la séquence de l'auberge parce qu'il est impossible de croire qu'elle n'est que fictionnelle.

Chemin de traverse québécois
"À partir d'aujourd'hui, demain nous appartient"
Chanson-thème du Parti Québécois pour la campagne électorale des élections de novembre 1976 lors desquelles il devint le premier parti indépendantiste à accéder à la direction de l'État québécois.

Des esprits chagrins ou malicieux de la communauté anglophone (qu'on appelle maintenant les angryphones (note de 2023)) ont outrageusement fait un parallèle entre ce slogan publicitaire et un hypothétique hymne de la jeunesse hitlérienne (à moins qu'ils n'aient cru comme tous les spectateurs de Cabaret que Tomorrow Belongs To Me fut vraiment un hymne nazi), dans le but évident de dévaloriser le projet indépendantiste québécois en y accolant les horreurs totalitaires nazies.

On verra apparaître à nouveau ce type de tactique de bas étage lors des référendums de 1980 et de 1995 (référendums qui demandaient au Québécois de donner un mandat au gouvernement du Québec afin d'entamer des négociations avec le gouvernement canadien pour son accession à la souveraineté), l'approche sera différente mais tout aussi odieuse lorsqu'un caricaturiste d'un hebdo culturel anglophone de Montréal associa Jacques Parizeau (alors premier ministre du Québec) et Lucien Bouchard (alors chef du Bloc québécois au parlement canadien), les leaders de la campagne en faveur de la souveraineté du Québec, aux membres du Ku Klux Klan en les affublant du sinistre drap blanc.

Un grand merci à Bob Fosse pour avoir démoli le modèle de la comédie musicale en cannes de bonbon.

L'origine de tout ça : Berlin Stories de Christopher Isherwood.
Son livre a été transposé d'abord au théâtre par John van Druten sous le titre I Am a Camera, en 1951, puis repris, sous le même titre, en 1955, au cinéma par Henry Cornelius. Puis il fit l'objet d'une comédie musicale, sous le titre de Cabaret, qui fut montée pour la première fois en 1966, à Broadway, dans une mise en scène d'Harold Prince. Et enfin, Bob Fosse arriva.

Oscar 1973 : Huit statuettes contre 3 seulement pour The Godfather (surprenant, non ?). Bob Fosse, réalisateur, Liza Minnelli, actrice et Joel Grey, acteur de soutien, caméra, décor, son, montage, chanson originale.

Visionné la première fois le 13 septembre 1975 au cinéma à Montréal
Mon 111ème film des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 25 février 2023

09 décembre 2008

110. Polanski : Chinatown



Film américain réalisé en 1974 par Roman Polanski
Avec Jack Nicholson (Détective Gittes), Faye Dunaway (Evelyn Cross Mulwray), John Huston (Noah Cross), Perry Lopez

On plonge dans Chinatown, film noir en couleurs, comme on plonge dans un vieux film des années 40.

Tout concourt à nous ramener à la grande période du film noir dont les ingrédients sont : un ex-policier recyclé en détective privé désabusé (Nicholson), une femme fatale (Dunaway) dont les habiletés dans la manipulation feraient passer le département d'État américain pour une troupe d'opérette, un scénario dont la complexité fait chuter votre Q.I. de 50 points (le summum de la complexité d'un film noir classique : dans The Big Sleep, même le réalisateur n'arrivait pas à expliquer où étaient passés certains personnages de l'intrigue), la corruption généralisée, une fin tragique, un tas de séquences nocturnes et une cinématographie en noir et blanc.

Pourquoi un tel titre alors que l'action ne s'y déroule que lors de la dernière séquence ? 
C'est que le mot "chinatown" ne renvoie pas tellement à un lieu physique qu'à un état émotionnel. Chinatown, c'est la confusion, c'est le désordre, c'est le royaume de l'irrationnel ; le détective Gittes (Nicholson), qui fut un temps à l'emploi du LAPD (Los Angeles Police Department) dans Chinatown, y perdit tous ses repères et la mort de sa maîtresse le conduisit directement vers la porte de sortie du LAPD.

Mais il y a un retour du refoulé : Chinatown vient constamment s'immiscer dans la vie de Gittes tout au long de son enquête et l'on n'est aucunement surpris qu'elle s'achève dans le chaos le plus total, dans Chinatown.

Autre grand retour :
Polanski retourne à Los Angeles pour la première fois depuis l'assassinat, le 9 aout 1969, dans sa villa de Bel Air, L.A., de son ex-femme, Sharon Tate, par la "famille" de Charles Manson.

Il n'était donc pas question que Chinatown se termine par un "happy end" tel qu'exigé par le scénariste Robert Towne.

Oscars 1975. Meilleur scénario

Visionné la première fois le 25 avril 1975 au cinéma à Montréal
Mon 110ème film des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 25 février 2023

03 décembre 2008

109. Friedkin : The Exorcist



Film américain réalisé en 1973 par William Friedkin 
Avec Hellen Burstyn, Linda Blair (Regan), Jason Miller, Lee J. Cobb, Max von Sydow et la voix de Mercedes McCambridge (la voix du démon dans le corps de Regan).
Musique : la mémorable pièce de Mike Oldfield, Tubular Bells.

J'adore cette affiche en noir et blanc, une des plus belles affiches de cinéma que je connaisse.
Inspirée de la toile de René Magritte, L'Empire des lumières.















Ce film : ma première grande frousse (et ma plus grande à ce jour) au cinéma; plus spécialement cette séquence qu'on intitule The Linda Blair Head Spin

Des jours à revoir, au moment de m'endormir, la tête de Linda Blair pivotant sur 180 degrés.
Elle me donnait vraiment les "jetons", comme on dit en anglais "She gave me the creeps".

Mais ne vous laissez pas trop influencer par ce comportement. Si vous n'avez jamais vu ce film, il est possible que vous vous esclaffiez en le voyant et que vous en fassiez le Rocky Horror Picture Show du film de peur.

Mais si vous l'avez vu à sa sortie, à moins d'avoir été complètement de mauvaise foi (à rebrousse-poil de la publicité) ou y avoir vu, comme les critiques des Cahiers du Cinéma d'alors, une grande allégorie de la crise du capitalisme mondial (ah bon! le capitalisme est en crise : stéréotype répété à plus soif par la gauche-à-papa), vous avez sûrement dû sentir passer une légère brise sur votre système pileux, à quelques reprises.

Autre séquence terrifiante : la "marche de l'araignée" (Regan qui descend l'escalier, le corps renversée) dans la nouvelle version du film, sortie en 2000. Cette séquence avait été éliminée de la première version. Si elle avait été conservée, ce n'est pas des ambulanciers qu'il aurait fallu poster à la porte des cinémas mais le service de la morgue.

Cherchons Bergman sous Friedkin :
1. Un des personnages, un prêtre, dit "God deserted the World". N'est-ce pas une des grandes thématiques bergmaniennes.
2. Présence de Max von Sidow, qui a joué dans 11 films de Bergman, dans le rôle du vieux prêtre archéologue.
3. Toute la partie de l'exorcisme nous ramène au temps du film Le Septième sceau qui se passe à l'époque des grandes épidémies de peste qui suscitaient la fureur religieuse avec toute sa panoplie de pénitents, de tortures, de malédictions et de présences diaboliques.
4. Roger Ebert, un de mes critiques américains préférés : "The year 1973 began and ended with cries of pain. It began with Ingmar Bergman's Cris et chuchotements and it closes with William Friedkin's The Exorcist. Both films are about the weather of the human soul, and no two films could be more different. Yet each in its own way forces us to look inside, to experience horror, to confront the reality of human suffering."

Oscars 1974. Deux statuettes : Son, scénario tiré d'une autre source.

Visionné la première fois le 25 janvier 1975 au cinéma St-Denis à Montréal
Mon 109ème film des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 25 février 2023

29 novembre 2008

108. Polanski : Répulsion



Film anglais réalisé en 1965 par Roman Polanski
Avec Catherine Deneuve, Yvonne Furneaux, Ian Hendry

Excellente étude de cas de psychopathologie.

Attention : chemin de traverse
Pendant mes études en psychologie dans les années 80, un professeur nous avait demandé de faire l'analyse d'une psychopathologie à partir d'un personnage tiré d'une œuvre littéraire. J'avais alors choisi d'analyser la pathologie de Joseph Day, le personnage principal du roman de Julien Green, Moïra.

C'était un cas de névrose obsessionnelle; en gros, un montage caractériel pour empêcher la remontée de pulsions sexuelles insuffisamment enfouies dans le Ça; dans ce cas-ci, des pulsions homosexuelles. Joseph Day, en fait, est un avatar pour Julien Green qui a passé toute sa vie à essayer d'enterrer ses propres pulsions homosexuelles sous un catholicisme rigide frisant la bondieuserie mais, tel que l'on voit dans son Journal intégral. 1919-1940, paru dans la collection Bouquins en 2019, il n'a pas vraiment essayé.

Fin du chemin de traverse.

Nous disions Répulsion. Un cas classique de schizophrénie. Donc, on parle de psychose, altération de la réalité. Curieux quand même que Polanski ne fasse pas la distinction entre névrose et psychose après avoir tourné ce film. Dans une entrevue qu'il donnait aux Cahiers du Cinéma (février 1966, numéro 175), c'est ce qu'il laisse entendre. Bizarre, puisque dans la même entrevue, il se glorifie d'avoir fait un film que tous les psychiatres trouvent vrai. Aucun de ceux-ci ne lui a souligné la différence océanique entre névrose et psychose ?

En visionnant à nouveau Répulsion, je ne pouvais pas éviter de faire constamment des liens avec Belle de Jour de Buñuel, réalisé deux ans plus tard, comme si cette dernière était la face diurne du personnage de Polanski, Belle de Nuit ?, qui habite plutôt les ombres de sa nuit psychique.


Belle de Nuit...Belle de jour : c'est le même personnage qui traverse les deux films : mêmes fantasmes de violences sexuelles; même appartenance au domaine de la psychose (hallucinations, résistance à la réalité) et en prime, même actrice; belle, blonde, froide, Catherine Deneuve quoi!

Affiche improbable pour Répulsion. Comment peut-on?














Berlin 1966. Ours d'argent et prix de la critique internationale

Visionné la première fois en novembre 1974, à la télévision à Montréal
En novembre 1974, où en étais-je ? : Je suis étudiant à la Maîtrise en Géographie à l'Université de Montréal, spécialisation en études urbaines. J'essaie de survivre financièrement en enseignant, très sporadiquement, le français, langue seconde, pour une école de langues qui fait affaires avec les grandes corporations anglophones de Montréal.
Mon 108ème film des 1001 films du livre de Schneider.
Mis à jour le 24 février 2023

23 novembre 2008

107. Eustache : La Maman et la putain



Film français réalisé en 1973 par Jean Eustache
Avec Jean-Pierre Léaud, Bernadette Lafond, Françoise Lebrun

Ce film devrait s'intituler Le nouveau désordre amoureux.
Titre que Pascal Bruckner et Alain Finkielkraut ont donné à leur essai, publié en 1978, sur la remise en question de la révolution sexuelle amorcée à la fin des années 1960.

Cinq ans avant eux, Eustache écrit un film-essai sur la problématique de la relation amoureuse. L'héritage de la révolution sexuelle des années 60 est revu et corrigé par Eustache. Il remet en question les grandes tartinades de cette révolution : l'amour libre, le ménage à trois (plutôt deux femmes que deux hommes, évidemment!, le chauvinisme masculin n'ayant pas été touché par cette révolution), la maternité ringarde.

Il faut voir le personnage d'Alexandre (Jean-Pierre Léaud), d'un abyssal narcissisme et perclus d'un sexisme d'un autre âge, au temps du MLF, qui inonde littéralement les trois premières heures du film de ses envolées verbales, parsemées de blagues (comme on siffle en traversant un cimetière) ; il faut le voir, dans les dernières séquences, blessé narcissiquement, passer le phallus (comme on dit en psychanalyse pour signifier le pouvoir) à sa maîtresse (Françoise Lebrun, conjointe de Jean Eustache pour laquelle il a écrit ce film autobiographique) qui prend la parole pour ne plus jamais la remettre et qui, devant un Alexandre, finalement muet, à l'écoute, dresse un tableau des aspirations sexuelles et amoureuses de la femme d'après Mai-68 qui me semblent plus près de celles de la maman (tradition) que de celles de la putain (nouveau paradigme amoureux apparu dans les années 60).

Une juste remise en question du dogme ou de la doxa de la révolution sexuelle dans cet article. « Tout le monde couchait avec tout le monde ». Une entrevue de Dominique Simonnet de l'Express avec Pascal Bruckner, publiée le 15 août 2002

Quand j'ai vu ce film en 1974, bien que je nageasse en plein désordre amoureux, un mariage dans l'abîme, je m'étais royalement emmerdé. Disons que le personnage joué par Léaud et probablement Léaud lui-même me furent carrément insupportables. Alors cette émotion oblitéra tout le reste et Eustache m'est passé par-dessus la tête .

C'est en le visionnant à nouveau que j'ai découvert l'ampleur de cette œuvre même si le personnage de Léaud m'irrite toujours autant.

C'est une des plus grandes joies que me procure cette expérience de revoir les films du bouquin de Schneider; celle de découvrir des films que j'avais complètement ratés à l'époque à cause de différents facteurs : immaturité, passages de vie dissonants, indispositions physiques ou psychologiques, etc.

Lecture cinéphilique
Alain Bergala, L'hypothèse cinéma. Petit traité de transmission du cinéma à l'école et ailleurs. Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma

Un excellent passage qui envoie le cinéphile vers un devoir exigeant mais incontournable si on veut accéder à l'œuvre d'un auteur : Revoir les films, un seul visionnement ne pouvant que présenter une vision tronquée de l'œuvre.

«...la première vision d'un film oblige d'aller d'un plan au suivant, d'une scène à la suivante, pendant le temps contraint d'une heure et demie. La première vision est mobilisée, pour l'essentiel, par la nécessité de comprendre l'histoire, de ne pas confondre les personnages, de situer chaque nouvelle scène, dans l'espace et le temps, par rapport à ce qui précède. En fait, cette première vision est consacrée à la "lecture" de l'histoire, aux significations. Ce n'est que dans les approches ultérieures du film qu'on pourra en goûter, plus sereinement, sans crispation sur la peur de ne pas comprendre, les véritables beautés artistiques. J'ai toujours été personnellement angoissé, en entrant dans un film au scénario complexe et aux personnages nombreux (ah! les films d'Ozu qui m'obligent, pour m'y retrouver, à écrire tous les personnages sur une feuille avec leurs liens généalogiques...), de ne pas arriver à comprendre l'histoire, de m'embrouiller dans l'identité et le rôle des personnages."

Berlin 1973. Prix du forum du nouveau cinéma
Cannes 1973. Grand prix du jury, prix de la critique internationale

Visionné la première fois le 21 avril 1974 au cinéma Outremont à Montréal
Lorsque j'habitais Outremont (entre 1982 et 1991) j'ai beaucoup fréquenté le cinéma Outremont, le meilleur cinéma de répertoire de Montréal. J'ai vu exactement 107 films dans cet ancien théâtre recyclé en cinéma et pris en charge par Roland Smith, le plus célèbre et le plus têtu (dans le sens "ne jamais lancer la serviette, quoi qu'on dise") cinéphile de Montréal.


Le cinéma Outremont dans les années 1970

Mon 107ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 28 janvier 2023

12 novembre 2008

106. Jodorowsky : El Topo



Film mexicain réalisé en 1970 par Alejandro Jodorowsky
Avec Alejandro Jodorowsky, son fils Brontis, Mara Lorenzio

Dictionnaire Le Petit Larousse illustré, édition 2002
Salmigondis : n. m. Fam. Mélange confus et disparate. Ex. El Topo d'Alejandro Jodorowsky.

Ou bien :
"El Topo is fascinating for being a product of its time, a document of the lessons and philosophies people were then studying, and their fears, both conscious and unconscious" Adisakdi Tantimedh in 1001 Movies You Must See Before You Die.

Ou bien :
Descendu en flammes dans le numéro 264 (février 1976) des Cahiers du cinéma. « Chaque année nous ramène une avant-garde que l'appareil critique se hâte d'encenser d'autant qu'elle se comporte comme une bonne avant-garde doit le faire : donner au spectateur l'impression de participer à un bouleversement culturel sans pour autant le déranger. Jodorowsky nous déballe tous les stéréotypes, toutes les formes figées caractéristiques dudit genre. On tombe en pleine imagerie saint-sulpicienne revue par un surréalisme à l'usage des lycées et collèges. »

Ou bien :
John Lennon et Yoko Ono en firent leur film-culte et en promurent la distribution. Ils présentèrent la première du film dans un cinéma newyorkais, le Elgin Theater, à minuit le 18 décembre 1970, initiant ainsi la mode des "Midnight Movies". Il y resta plus d'un an.

Mon premier "midnight movie", un des plus célèbres à cause de la participation des spectateurs qui commentent à leur façon certaines scènes du film, fut The Rocky Horror Picture Show, vu le 25 avril 1987 au cinéma Laurier à Montréal.

Ou bien :
Jodorowsky : "The big benefit of this movie was I F.... all the girls I wanted"

Bon, je n'ai rien à ajouter sinon que, si vous visionnez ce film, vous auriez intérêt à remplacer votre pop-corn habituel par du "Acapulco Gold".

Visionné la première fois le 13 février 1974 au cinéma à Québec
En ce jour, expulsion de l'Union soviétique d'Alexandre Soljenitsyne suite à la publication de L'Archipel du Goulag, marquant ainsi le début de l'effritement de l'empire soviétique. 
Mon 106ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider.
Mis à jour le 24 février 2023

09 novembre 2008

105. Tati : Playtime



Film français tourné en 70 mm et réalisé en 1967 par Jacques Tati
Avec Jacques Tati et des centaines d'acteurs non professionnels.

Pauvre monsieur Hulot. Toujours en rupture avec son environnement. Jamais intégré, toujours un pas à côté. Mais heureux, quand même.

Pauvre monsieur Tati. Toujours en rupture avec le courant cinématographique dominant. Jamais intégré, toujours un pas à côté, un pas en avant, diront certains, un pas en arrière, diront la plupart lors de la sortie de Playtime en janvier 1968.

Catastrophe au box-office, aucune distribution aux États-Unis, des investissements faramineux (le film français le plus cher jusqu'à cette date); alors le monsieur Tati, contrairement à monsieur Hulot, fut plutôt malheureux. Le trou financier, dans lequel sa compagnie de production plongea, mit fin, à toutes fins pratiques, à la carrière de Tati ; les films suivants étant plutôt en mode mineur en comparaison de sa production antérieure.

Date de sortie sur les écrans français : début 1968. Ce 1968 n'était pas disposé à accueillir un tel film, tout en finesse, en demi-sourires, en demi-teintes (tout est en noir, bleu, gris et blanc) dont tout le propos est dans la forme.

On était au beau milieu, probablement, de la période la plus bavarde, la plus gueularde, la plus revendicatrice du vingtième siècle. Alors on peut comprendre que les critiques et les spectateurs aient pu passer complètement à côté d'une œuvre hors de son temps, qui ne contestait rien, qui ne remettait pas la société en question (même pas l'architecture moderne, contrairement à ce que l'on pourrait croire) et, crime pour l'époque, démontrait une certaine sympathie pour les Américains.

Tativille
Tati, ne pouvant tourner à Orly ou dans l'édifice Esso de La Défense à Paris, a décidé de construire sa propre ville moderne. Il a choisi de créer d'immenses maquettes représentant des tours à bureaux sur des terrains désaffectés de la "zone", au sud-est de Paris. Il a englouti des sommes énormes dans la construction de sa ville. Personne ne voulant récupérer ces maquettes, tout a été détruit après le tournage : quelle horreur!















Lecture cinéphilique
"Have You Seen...?" A Personal Introduction to 1,000 Films de David Thomson.
Vous allez dire : "Pas encore une autre liste de meilleurs films". 
Beaucoup de ces listes sont constituées à partir de sondages auprès de la population, déniant ainsi toute crédibilité. En effet, pour établir une liste de meilleurs films, j'estime que les "sondés" doivent avoir vu au moins 5000 films (chiffre arbitraire mais qui me semble un minimum) couvrant toute l'histoire du cinéma. Sinon, on nage dans le vox populi, comme ces émissions d'informations qui installent leur caméra au coin de la rue et qui demandent aux passants s'ils sont pour ou contre la présence de bactéries dans le yaourt ou bien s'ils sont pour ou contre de donner à leur enfant le prénom Barack, comme si leur enquête avait une quelconque valeur scientifique.

David Thomson appartient, à l'instar de monsieur Cinéfiches (qui a vu plus de 20 000 films, rien que ça), à ce petit groupe de grands cinéphiles qui ont vu suffisamment de films pour créer une liste crédible. Leur liste feront partie, avec une vingtaine d'autres, de ma deuxième édition du palmarès des meilleurs films du 20ème siècle à paraître dans le courant de l'année 2009.

Cahiers du Cinéma : Dans la liste des 10 meilleur films de l'année 1967.

Visionné la première fois en 1973, au cinéma à Québec
Mon 105ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 28 janvier 2023