1001 films de Schneider : Mon oncle
Film français réalisé en 1958 par Jacques Tati
Avec Jacques Tati, Jean-Pierre Zola et Adrienne Servantie
1958. Paris est en pleine révolution urbaine. En même temps qu'on construit des milliers de logements sociaux autour de la capitale dans les espaces qu'on appelle la "zone", on démolit certains quartiers populaires inadéquats à l'habitat tel le 13ème arrondissement autour de la Place d'Italie. Rénovation et démolition des quartiers anciens expulsent vers la banlieue des dizaines de milliers de prolétaires pour faire place à l'arrivée de classes sociales plus nanties.
À peu près au moment où j'ai vu Mon oncle pour la première fois je commençais à me passionner pour la question urbaine, je souhaitais faire une maîtrise en urbanisme dès la fin de mon baccalauréat en Géographie à l'Université Laval. La lecture d'un livre de Paul-Henri Chombart de Lauwe, Des hommes et des villes, paru en 1965, m'avait profondément marqué. Dans ce bouquin il décrit le délabrement de l'habitat dans le 13ème arrondissement de Paris dans les années 50. Mais, ce qui m'avait particulièrement touché, c'était la description de cet univers villageois au cœur d'une des plus grandes métropoles du monde.
En revoyant Mon oncle, j'ai l'impression de replonger dans l'univers décrit par Chombart de Lauwe (1913-1998), l'un des plus grands anthropologues urbains du 20ème siècle et le précurseur de la sociologie urbaine en France.
Par ailleurs, je ne me suis jamais inscrit en urbanisme. En lieu et place, je partis travailler pour Jeunesse Canada Monde (organisme canadien qui a créé un programme d'échanges entre des jeunes Canadiens et des jeunes provenant de pays du tiers monde) à titre de coordonnateur de l'échange avec le Mexique. C'était en septembre 1972.
On ne peut revoir ce film qu'avec un regard attendri. Cette opposition entre la modernité source de conformisme et de rigidité émotionnelle et la tradition, source d'humanité et de convivialité fait sourire. Ce combat, sans cesse recommencé et sans cesse perdu par la tradition, est sur-caricaturé dans le film de Tati. Entre le début où les crédits du film sont présentés comme les panneaux que l'on retrouve près des édifices en construction (idée géniale reprise par Coppola dans Apocalyse Now) et la fin où l'on voit les démolisseurs s'attaquer aux bâtiments anciens, Tati trace à gros traits l'opposition entre la banlieue et le quartier ancien.
Mais, 50 ans plus tard, sa conclusion pessimiste ne s'est pas réalisée. Il faut dire que le développement urbain a toujours été une fantastique fabrique de pronostics apocalyptiques à propos de l'écrasement de l'homme sous la dictature de la modernité.
Les quartiers anciens sont de plus en plus recherchés. La plus-value immobilière de ces quartiers confirme ce nouvel engouement. Il va sans dire que la discrimination socioéconomique exercée par cette plus-value a complètement changer le contenu sociologique de ces quartiers. On appelle ce phénomène, la gentrification. Le plus bel exemple montréalais de cette action : le quartier du Plateau Mont-Royal. Pratiquement, tout le Paris intra-muros, à l'exception des "beaux quartiers" est un exemple de gentrification.
Monsieur Hulot c'est le grand-père de Monsieur Bean. En effet, Hulot est un vrai anglais : grand, dégingandé, imperméable, pipe, parapluie et chapeau. Son extrême politesse et sa froideur émotionnelle le ferait sortir directement d'un Chapeau melon et bottes de cuir loufoque. Je ne sais pas si Roman Atkinson a jamais reconnu cette dette mais elle est indubitable. C'est presque du plagiat.
L'abus du thème musical me tombe royalement sur les nerfs. Plus capable. Ce Franck Barcellini n'a fait la musique que de trois autres films dont le célèbre et émouvant Couche-moi dans le sable et fais jaillir ton pétrole !!!!!!!
Ironie de la chose : Ce beau petit quartier urbain si idéalisé dans le film n'est, en fait, qu'un décor. Le film a été tourné dans les studios de la Victorine à Nice. Studio célébré dans le film La nuit américaine de François Truffaut.
Un des grands plaisirs que j'ai à refaire le chemin des films de ma vie c'est, pour chacun des films regardé à nouveau, de retourner fouiller dans ma collection des Cahiers du cinéma afin d'y retrouver les critiques de l'époque. Pour Mon oncle, je plonge dans ma collection des Cahiers jaunes réédités : les numéros 65, 82 (photo) et 84.
Critique. Cahiers du Cinéma. Juin 1958. Numéro 84. La Pesanteur et la grâce par Claude Beylie.
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org
Oscars 1959. Meilleur film en langue étrangère
Cannes 1958. Prix spécial du jury
Cahiers du Cinéma : Dans la liste des 10 meilleurs films de l'année 1958.
Visionné, la première fois, en mars 1969 au cinéma à Québec
Mon 53ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 16 janvier 2023