31 mars 2008

81. Antonioni : Le Désert rouge

1001 films de Schneider : Le Désert rouge


Film italien réalisé en 1964 par Michelangelo Antonioni 
Avec Monica Vitti, Richard Harris, Carlo Chionetti

Commençons par la fin. Écologie. 
La dernière séquence : Giuliana (Monica Vitti) se promène avec son jeune fils dans le "désert rouge" d'une friche industrielle.

Dialogue
Fils : Pourquoi cette fumée est-elle jaune? (montrant du doigt la fumée sortant d'une cheminée d'usine)
Mère : Parce qu'elle est empoisonnée.
Fils : Alors, si un petit oiseau vole à travers elle, il mourra.
Mère : Depuis le temps, les petits oiseaux ont appris à ne plus voler à cet endroit.

Impossible de ne pas faire le lien avec le premier et le plus célèbre volume traitant des graves désordres écologiques causés par l'industrialisation écrit par la biologiste américaine Rachel Carson, The Silent Spring, publié en septembre 1962. Ce volume fut le premier cri d'alerte destinée à l'ensemble de la population concernant les problèmes écologiques. Le printemps silencieux, c'est l'absence des oiseaux qui ne reviennent pas parce que l'environnement est délétère. Il faut lire l'introduction de ce volume qui nous présente ce qui nous attend si la tendance à la destruction de l'environnement perdure. Ce petit texte de trois pages, que vous devez lire, A Fable for Tomorrow, est le 1984 de l'environnement.

Antonioni était-il au courant de cet écrit au moment de la réalisation de Il deserto rosso, tourné en 1963? On peut en douter. Ce qui donne un caractère encore plus prémonitoire mais aussi avant-gardiste à ce film qui décrit les désastres de la pollution industrielle.

Ce qui est aussi fascinant c'est de voir que les critiques de l'époque n'abordent pas cette question. Dans les Cahiers du cinéma numéro 159 d'octobre 1964, Jean-Louis Comolli réussit le tour de force, en 3 pages de critique, à ne jamais aborder la question écologique pourtant omniprésente dans le film. Mais voilà, la question écologique ne faisait pas partie des composantes de l'idéologie occidentale de l'époque.

Mais pour nous, en 2008, la composante écologique du film nous saute en pleine figure comme nous apparaissent tout à fait bizarres ces personnages des films noirs accrochés à leur cigarette alors que c'était la norme à l'époque et qu'un spectateur d'alors n'aurait sûrement pas remarqué.

En 1971, lors du premier visionnement de ce film, je ne suis même pas certain que je connaissais le mot écologie; il est certain que la question environnementale ne me préoccupait aucunement. La pollution de l'environnement faisait partie de la vie du siècle; c'était une fatalité avec laquelle il fallait vivre. Une rivière était considérée comme un lieu de remisage de tous les déchets.

Dans le quartier Limoilou à Québec, où j'ai vécu mon enfance, il y avait une rivière, la St-Charles, qui servait d'égout et de poubelle, en plein cœur de la ville. Personne n'approchait ses rives, infestées de rats et comblées de déchets industriels.

Je me souviens d'un événement hautement surréaliste attaché à cette rivière. Mon grand-père d'origine italienne, statuaire de métier, avait dû cesser sa production de statues religieuses en plâtre, suite au concile de Vatican II en 1962 qui préconisait l'abandon des rites liées aux statues. Ne pouvant plus vendre de statues, il ferma boutique. Mais que faire du lourd inventaire de statues s'entassant dans les caves de la "shop". Celle-ci étant située à deux pas de la St-Charles, la solution apparut évidente : balancer l'inventaire dans la gueule gourmande de ce dépotoir aquatique. C'est ainsi que depuis plus de 40 ans, des dizaines de statues, couchées dans le lit de la rivière, regardent passer des embarcations de plaisance lors des beaux jours. 

Résumé du film. Faisons court.
"Déshumanisation progressive du monde et du paysage." tiré de Des Yeux pour voir de Jean-Louis Bory, critique que j'adore et bouquin incontournable quant au cinéma des années 60. Lourd, le film.

Premier film en couleurs d'Antonioni.
Tant de couleurs en à-plat pour décrire un paysage industriel répugnant mais aucune couleur pour le paysage naturel : pas de soleil, plein de brouillard, grisaille de novembre, on pense à Brel du Plat Pays, "avec un ciel si bas qu'un canal s'est pendu" "avec un ciel si gris qu'il faut lui pardonner".

Richard Harris : très mauvais casting. On a l'impression qu'il s'est trompé de film. Il dort au gaz. On rêve de Mastroianni dans ce rôle, ou bien le Delon de L'Éclipse.

Lecture cinéphilique
Pierre Braunberger, Cinémamémoire. Les mémoires d'un des plus grands producteurs de films français; de Jean Renoir à Jean-Luc Godard.
Il arrive quelquefois qu'on se plante royalement dans l'évaluation d'un film. Consolons-nous en lisant ce qui suit, extrait du livre de Braunberger.

Celui-ci raconte :"... nous passons devant le Colisée (cinéma) où l'on donnait pour la première fois Quai des brumes. Je dis à Jean Renoir : "Nous avons le temps. allons le voir." Il accepte. Au bout de 20 minutes, de sa grosse voix traînante, il s'exclame très fort : "Qu'est-ce que c'est que ce film? C'est une mise en scène de merde. Ce n'est pas le Quai des brumes, c'est le "le cul des brêmes" que tu m'as emmené voir". Je ne savais plus comment faire et lui dis : "Chut Jean, c'est un très beau film... tu ne peux pas faire ça..." Il continue : "Mais c'est vraiment de la merde ce truc-là. Quelle connerie!". Nous avons été obligés de sortir, tant il faisait de scandale. J'ai revu le film, seul, le lendemain... avec une grande joie."

Critique. Cahiers du Cinéma. Octobre 1964. Numéro 159. Par Jean-Louis Comolli. Février 1965. Numéro 163. Pas de printemps pour la prisonnière du désert par Jean-André Fieschi.
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Cahiers du Cinéma : Dans la liste des 10 meilleurs films de l'année 1964
Venise 1974. Trois prix : Lion d'or, prix de la critique, nouveau cinéma

Visionné, la première fois, le 29 août 1971 à la télévision à Québec
Mon 81ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 21 janvier 2023

23 mars 2008

80. Resnais : Nuit et brouillard

1001 films de Schneider : Nuit et brouillard


Film français réalisé en 1955 par Alain Resnais 
Texte de Jean Cayrol. Narrateur : Michel Bouquet

Ça fait mal. On dira probablement que je suis un "bleeding heart" mais je souffre beaucoup en lisant sur le blog littéraire de Pierre Assouline du journal Le Monde la position idéologique d'un certain Immanuel Wallerstein par rapport au droit d'ingérence. Assouline dit :"Wallerstein met les ONG au rang des États et dénonce dans le droit d’ingérence la forme la plus sournoise de néo-colonialisme que le néo-libéralisme a su inventer pour asservir les peuples comme autrefois. " Message du 21 mars 2008.

Il est impossible après avoir visionné Nuit et brouillard de lésiner sur le droit d'ingérence dans les cas de génocides ou de massacres systématiques de populations. La seule hésitation acceptable est au niveau du devoir d'ingérence. Doit-on intervenir ou justifier son inaction par une argumentation basée sur la panoplie de concepts et de slogans ressassés par une gauche qui s'est fait avoir par toutes les dictatures communistes du siècle dernier ? Bon, on se calme; y a pas le feu. À ma décharge, il faut dire que j'ai été surpris d'avoir été si ému en revoyant Nuit et brouillard. On pense qu'on oublie, qu'on s'endurcit puis, tout à coup, une barre au creux de l'estomac. Et le devoir d'ingérence devient la seule posture humainement acceptable.

Dans les années 1950, dans le quartier ouvrier de Limoilou à Québec, on parlait rarement de la seconde guerre mondiale qui nous semblait déjà un passé lointain. Il me semble n'avoir jamais entendu parlé du génocide du peuple juif de toute mon enfance. C'est seulement à 13 ans, que j'entendis, pour la première fois, parler de l'extermination des Juifs d'Europe dans les camps de concentration nazis. Il fallut le célèbre procès d'Adolf Eichmann en 1960 pour qu'enfin je puisse prendre conscience de cette effroyable réalité. Tous les jours, la télé et les journaux décrivaient et montraient les scènes d'horreur des camps d'extermination nazis. Mais à 13 ans, l'enfance est encore un sacré bouclier contre les horreurs du monde adulte. Alors, ce ne fut que 11 ans plus tard, lors du visionnement de Nuit et brouillard, que toute l'ampleur de ce désastre humanitaire me frappa de plein fouet.

En trente minutes, la machinerie de l'holocauste est fixée à jamais pour la postérité. La juxtaposition d'images d'archives tournées à la libération des camps et d'images actuelles (1955), en couleur, des mêmes lieux envahis par la verdure, est un vibrant appel au travail de mémoire.

De quelques infamies :
1. Le film, choisi à l'unanimité par le comité de sélection pour participer à la compétition au Festival de Cannes, est interdit de compétition par le gouvernement français à la suite à des pressions du gouvernement allemand.
2. Le comité de censure oblige Resnais à maquiller le képi d'un gendarme français qu'on voit participant à l'embarquement de Juifs au camp de Pithiviers.
3. Interdit d'exploitation en Suisse en raison de sa neutralité dans le conflit de 39-45. Neutralité dans un tel cas, c'est presqu'un crime contre l'humanité.

De Jean Cayrol, le rédacteur du texte : Durant la Seconde guerre mondiale, Jean Cayrol s'engage dans la Résistance. Il est arrêté en 1942 après avoir été dénoncé et est déporté N.N. (Nacht und Nebel, Nuit et Brouillard) au camp de concentration de Mauthausen-Gusen. Cette expérience est à l'origine de ses Poèmes de la nuit et du brouillard publié en 1945.

Tibet. Droit ou devoir d'ingérence? Il semble bien que "nobody gives a damn". 300 000 personnes dans les rues de Montréal il y a 5 ans pour s'opposer au renversement de la dictature sunnite de Saddam Hussein mais personne dans ces mêmes rues pour le Tibet; idem pour le Rwanda, le Darfour, la Tchétchénie. L'histoire repasse en boucle.

Un extrait du film que je dédie à un peuple que nous avons abandonné dans la nuit et le brouillard, les Coréens du Nord "...et qui n'entendons pas que l'on crie sans fin"

Critique.
Cahiers du Cinéma. Mai 1956. Numéro 59. Le Massacre des innocents par Jacques Doniol-Valcroze.
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Visionné, la première fois, le 2 août 1971 au théâtre de l'Estoc à Québec
L'Estoc était un des plus beaux théâtres de poche de Québec, situé sur la rue St-Louis, à l'ombre du Château Frontenac.
Mon 80ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 21 janvier 2023

19 mars 2008

79. Porter : The Great Train Robbery

1001 films de Schneider  : The Great Train Robbery
Le Vol du Grand Rapide



Film américain réalisé en 1903 par Edwin S. Porter
Avec Gilbert "Broncho Billy" Anderson, George Barnes

Le premier western de l'histoire du cinéma.
Un western d'une durée de seulement 12 minutes. Mais on y retrouve déjà les éléments du langage filmique du western : ambiance de saloon, attaque de train, poursuite à cheval, l'utilisation intempestive du "six-coups", la gare et son télégraphe, les bons qui ont finalement raison des méchants.

Scène hilarante : au saloon les habitués font danser un nouvel arrivant en lui faisant sauter les pieds à coup de revolver; un futur classique.

On se demande si les spectateurs présents lors des premières projections étaient vraiment conscients qu'il s'agissait d'une fiction et non pas d'actualités actés comme on procédait souvent à cette époque des débuts du cinéma. D'autant plus que les attaques de train par des gangs de bandits étaient monnaie courante à cette époque pendant laquelle sévissait régulièrement le célèbre duo Butch Cassidy et de Sundance Kid avant leur départ pour l'Argentine en 1901. À leur sujet, voir le grand western de Sam Peckinpah Butch Cassidy and the Sundance Kid.

Naissance de la première star du western : Gilbert Anderson qu'on surnommera Broncho Billy, nom du cowboy qu'il personnifia dans la saga des Broncho Billy qui s'étendit tout au long des années 1910. Un homme de cinéma polyvalent et une production titanesque. Voyez plutôt : il a écrit 237 scénarios, il a produit 245 films, il en a réalisé 384 et il a joué dans 356 films; tout ça en moins de 20 ans.

Et pourtant qui retient-on comme le prototype du cowboy du cinéma muet ? La grosse moustache ci-dessous qui n'a joué que dans 11 films : George Barnes


Ce plan ne fait pas partie du déroulement du film. Il était suggéré par la compagnie Edison de présenter ce plan, soit au début, soit à la fin du film. Quand on pense que les gens avaient encore peur lorsque, à l'écran, un train entrait en gare, on peut supposer que plusieurs ont dû faire dans leur froc lorsque La Moustache s'est mis à leur tirer dessus.

Lecture cinéphilique
Le Dictionnaire Truffaut sous la direction d'Antoine de Baecque et d'Arnaud Guigue. Publié en 2004. Tout Truffaut en pièces détachées; plus de 300 entrées. Pour inconditionnel de Truffaut seulement. Dans la lettre "B" l'article intitulé "Bonnie and Clyde". On y apprend, horreur, que Truffaut a décliné l'invitation de producteurs américains pour réaliser ce film. Sa connaissance insuffisante de l'anglais a été la raison invoquée. On peut rêver sur ce qu'aurait été la carrière de Truffaut après une telle production.
" Dites, François, Faye Dunaway, vous ne vous êtes pas mordu les doigts de ne pas l'avoir dirigée? Faye Dunaway, les plus belles jambes du cinéma américain - du cinéma tout court, oui. " (Éric Neuhoff). Pour les sceptiques, voir Dunaway dans Barfly de Barbet Schroeder.

Visionné, la première fois, le 20 juillet 1971 à la cinémathèque de l'Université Laval à Québec.
J'ai vu le premier western de l'histoire du cinéma à la cinémathèque de l'Université Laval. Qu'est-ce que je foutais là, seul, enfermé dans un local mal aéré et surchauffé, alors qu'il faisait un temps splendide sur Québec en ce milieu d'été de 1971 ? Je ne me souvenais pas avoir été si malade de cinéma à cette époque.
Mon 79ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 21 janvier 2023

17 mars 2008

78. Leone : Once Upon a Time in the West

1001 films de Schneider : Once Upon a Time in the West
Il était une fois dans l'Ouest


Film italien réalisé en 1968 par Sergio Leone
Avec Charles Bronson, Henry Fonda, Claudia Cardinale, Jason Robards, Gabriele Ferzetti

"Il piu spettacolare western di tutti i tempi"
Pour une des rares fois, je suis d'accord avec une publicité sur une affiche de cinéma. Ce film synthétise, tout en les portant à un sommet jamais atteint jusque-là, tous les éléments stylistiques du genre western développés depuis sa naissance en 1903 dans The Great Train Robbery de Edwin S. Porter. 

Avec ce film, le western perd son innocence. Il ne sera jamais plus ce faire-valoir de la grande épopée de la conquête de l'Ouest glorifiant ces pionniers blancs venus de l'Est à la recherche d'un avenir meilleur.

Ce que Leone nous dit c'est que la conquête de l'Ouest est une des plus perfides manifestations du capitalisme sauvage qui s'associe aux pires tueurs pour atteindre ses objectifs. C'est peut-être ce qui explique le peu de succès de ce film au box-office américain alors qu'il fut en tête des palmarès en Europe. Les Américains vont difficilement accepter qu'un Italien viennent leur faire la leçon sur un de leurs plus grands mythes : la conquête de l'Ouest. On peut voir cet accueil plutôt froid dans la critique d'un des plus grands critiques de cinéma américain, Roger Ebert du Chicago-Tribune. L'art de passer à côté d'un chef-d'œuvre

Pour moi, en ce mois de juillet 1971, coup de foudre comme on en subit peu dans une vie de cinéphile. Coup de foudre d'autant plus violent que j'allais voir ce film avec une tonne d'appréhensions. Les westerns, j'en avais vus des dizaines depuis mon enfance et j'en avais carrément ma claque de ce genre qui ruminait toujours les mêmes séquences de valeureux cow-boys et d'exécrables bandits sempiternellement personnifiés par les Wayne, Cooper, Stewart et autres employés de la fabrique hollywoodienne. Parmi ces employés, il y avait Henry Fonda, le sempiternel Mister Good Guy. Leone en fera un des pires tueurs psychopathes de western.

Imaginez la scène : plan de caméra à la hauteur des hanches, on voit un type dégainé et tué un enfant de 8 ans qui tente de s'échapper; la caméra remonte vers le visage et, sacrilège infâme, c'est Henry Fonda dans un rare (le seul?) rôle de salaud de sa carrière. Et ce gros plan qui fait frémir:


Une séquence d'anthologie : les 14 minutes de l'ouverture. Bienvenue dans l'univers temporel de Leone. Attente, tension, anxiété, impatience maîtrisée, la sueur qui perle sur les visages, les mouches collantes, le temps qui s'incruste dans chacun des rictus : le film impose sa marque.

Une séquence d'anthologie bis : le duel final entre Jack (Fonda) et Harmonica (Bronson) noyé dans la musique lancinante puis symphonique de Morricone. Inoubliable.

Un secret de tournage macabre : Alfred Mulock, un des trois mercenaires de la scène d'ouverture, se suicide en sautant de sa chambre d'hôtel au retour d'une journée de tournage.

Ennio Morricone a composé la musique de cet opéra-western. Musique à jamais associée avec une des grandes expériences de ma vie de cinéphile mais aussi avec la fin du temps de l'innocence.

Lecture cinéphilique
Le dictionnaire Truffaut sous la direction d'Antoine de Baecque et d'Arnaud Guigue. Publié en 2004. Tout Truffaut en pièces détachées; plus de 300 entrées. Pour inconditionnel de Truffaut seulement. Dans la lettre "A" l'article intitulé "Apostrophe", le fameux passage de Truffaut-en-péril.

Critique. Cahiers du Cinéma. Octobre 1969. Numéro 216. Par Serge Daney. Mars 1970. Numéro 218. Clio veille par Sylvie Pierre.
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Aucun prix important, même pas une nomination aux Oscars, pour la musique. Les Américains n'ont vraiment pas aimé.

Visionné, la première fois, le 12 juillet 1971 au cinéma à Québec
Mon 78ème film visionné de la liste des 1001 films de Schneider
Mis à jour le 20 janvier 2023

11 mars 2008

77. Buñuel : Tristana

1001 films de Schneider : Tristana


Film espagnol réalisé en 1970 par Luis Buñuel
Avec Catherine Deneuve, Fernando Rey, Franco Nero, Lola Gaos

Avouez que ce n'était pas facile pour un admirateur inconditionnel de Deneuve, dont j'étais à cette époque, de voir sa belle Deneuve passer de "belle-de-jour" à "amputée de guerre" contre le cancer. Ce fut un tel choc que tout le reste du film en fut oblitéré; je n'avais gardé aucun souvenir de l'intrigue du film jusqu'au visionnement d'aujourd'hui et découvrir, ainsi, un film qui synthétise les grands thèmes bunueliens : anticléricalisme, contestation de la société espagnole, rejet des tabous, fétichisme, érotisme à la limite de l'explosion. Mais tout ça en mode mineur par rapport à l'ensemble de l'œuvre.

Au début du film, une ouverture sur le destin de Tristana; don Lope, son père adoptif, lui disant cet axiome : "Si tu veux garder une femme honnête, brise-lui une jambe et garde-la à la maison". Les Talibans ont trouvé d'autres manières d'arriver à cette fin.

Définir le personnage de Tristana ? Qui, mieux que Jean-Louis Bory, peut le faire en quelques mots : "cette frêle jeune fille, vierge de douceur, en fait machine d'acier et petit Krakatoa intime camouflé sous la neige". Ça ne peut pas être plus exact. Extrait de L'écran fertile.

Jean-Louis Bory, un des meilleurs critiques de cinéma français des années 1960-1970. Toute son oeuvre critique est regroupée dans sept volumes publiés aux Éditions 10/18 entre 1971 et 1977. Destin tragique de l'itinéraire d'un homosexuel dans une société qui n'acceptait pas encore les "sorties du placard". Il se suicida le 11 juin 1979. Le même jour mourait John Wayne. 

La célèbre scène du balcon. (Pour les Québécois de ma génération : non, ce n'est pas le célèbre Vive le Québec...libre de Charles de Gaulle prononcé à partir du balcon de l'Hôtel de ville de Montréal, le 24 juillet 1967)
Dans cette scène du balcon: Tout le mépris et toute la perversité du monde dans ce regard de Tristana.



Lecture cinéphilique
Éric Fottorino, Baisers de cinéma (Prix Femina 2007). Roman d'amour au déroulement assez convenu, sauvé, heureusement, par ses références multiples au cinéma de la Nouvelle vague et plus particulièrement, pour mon plus grand plaisir, aux films de François Truffaut. Beaucoup de clins d'œil à Truffaut. D'abord le titre qui fait penser à Baisers volés ; puis le père du narrateur, né le même jour que Frank Truff, le 6 février 1932, est aussi, comme ce dernier, un grand amoureux des femmes. Les passages concernant la "lumière" au cinéma, dont le père du narrateur est un spécialiste, sont les plus intéressants.

Critique. Cahiers du Cinéma. Aout-Septembre 1970. Numéro 223. Le Curé de la guillotine par Pascal Bonitzer.
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Visionné, la première fois, le 10 juillet 1971 au cinéma Canadien (sic) à Québec
Mon 77ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 22 janvier 2023

04 mars 2008

76. Hitchcock : The Birds

1001 films de Schneider : The Birds


Film américain réalisé en 1963 par Alfred Hitchcock
Avec Tippi Hedren, Rod Taylor, Jessica Tandy, Suzanne Pleshette, Veronica Cartwright.

"Spring Break" ou relâche scolaire au Québec.
Relâche de visionnement. Première fois depuis 18 mois que je ne fais aucun visionnement pendant quatre jours consécutifs.
Pendant que notre fille est dans un programme humanitaire au Salvador, Lu et moi décidons d'aller à la plage sur la côte du Maine, USA. Une grande première : marcher sur la plage pendant une tempête de neige avec en arrière-plan une mer démontée comme je n'en ai jamais vue de toute ma vie sur la côte atlantique. Week-end fort roboratif, les pieds sous la couette dans une chouette auberge, vin rouge, la mer en furie à 20 mètres et un gros bouquin sur le cinéma, quoi d'autre.

Je ne suis pas un fervent amateur de "making of". Jamais, je ne regarde ce type de production concernant les films actuels. Mais quand on les retrouve, sur DVD, en accompagnement de films classiques, je me fais un devoir de les visionner. Habituellement, je n'y trouve pas beaucoup d'intérêt sauf à évaluer l'outrage des ans sur le visage des grands acteurs du passé. 
Bien, voilà, le "making of" de The Birds, intitulé About the Birds, est passionnant en ce qu'il nous dévoile l'immense travail technologique que cache l'utilisation de ces milliers d'oiseaux tout au long du film; ceci expliquant probablement la minceur de l'histoire sous-jacente et notre impatience, lors d'un second visionnement, envers l'historiette amoureuse entre la "blonde au visage d'acier" et le"grand brun". 
Autre moment émouvant, revoir la belle Tippi Hedren, toujours aussi froide et blonde; probablement la plus belle femme de 70 ans, ever. À côté d'elle, Rod Taylor a plutôt l'air d'une vieille outre à vin.

Si vous jetez un coup d'oeil sur les crédits du générique de About the Birds, vous allez découvrir le nom du plus grand réalisateur de "making of". Laurent Bouzereau a écrit, réalisé et produit plus de 300 films documentaires sur des œuvres de cinéastes depuis qu'il a commencé cette carrière en 1995..

Le moment le plus effrayant n'est pas sur l'écran : à la fin du film, les membres de la famille quittent la maison et doivent se frayer un chemin parmi des milliers d'oiseaux apparemment calmes mais prêts à attaquer. C'est à ce moment-là, alors que tous les spectateurs sont tendus en attente d'un quelconque sursaut des oiseaux, qu'un spectateur dans la salle pousse un cri de corneille : grand moment de stupeur ponctué de multiples cris suivi d'un éclat de rire général; Hitch pousse alors un grand soupir de satisfaction.

Ma séquence préférée : celle de l'école. Mélanie Daniels (Hedren) est dans la cour de l'école attendant la petite Cathy (Cartwright) afin de la ramener à la maison dans ce contexte de début d'hystérie collective autour des attaques d'oiseaux. Pendant environ 2 minutes, elle attend nerveusement que les enfants finissent leur chanson qui marque la fin des classes. Pendant que Mélanie fume sa cigarette l'on voit, derrière elle, les oiseaux lentement se regrouper sur un appareil de gymnastique. L'on voit, mais elle ne voit pas le drame qui se prépare à son insu. Jusqu'au moment où, apercevant une corneille, elle la suit du regard jusqu'à l'appareil où elle constate l'immense attroupement d'oiseaux. Toute cette séquence est accompagnée de la répétition lancinante du même refrain de la chanson enfantine. Un chef-d'œuvre dans l'horreur. 

C'est amusant de voir, sur YouTube, la réaction des gens par rapport au film de Hitchcock. Une immense colère face à cette absence d'explication de l'attaque des oiseaux. 45 ans plus tard, Hitch fait encore des ravages.
Une des fins envisagées : montrer le Golden Bridge de San Francisco couvert d'oiseaux.

Lecture cinéphilique recommandée
Entretien de François Truffaut avec Alfred Hitchcok à propos de  Birds reproduit dans un des plus célèbres livres publiés sur le cinéma : Hitchcock/Truffaut, Gallimard, 2000.
Encore mieux : vous pouvez écouter les 22 bobines sur lesquelles se trouve l'entretien en vous rendant sur le site de trombonheur

Critique : Cahiers du Cinéma. Octobre 1963. Numéro 148. Franchi le pont par Jean-André Fieschi.
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Cahiers du Cinéma : Dans la liste des 10 meilleurs films de l'année 1963

Visionné, la première fois, le 6 juillet 1971 au cinéma de l'Université Laval à Québec
Un été passé enfermé dans les salles de cours pour poursuivre mon baccalauréat en Géographie et dans la cinémathèque de l'Université Laval pour visionner les grands classiques du cinéma muet. Tout à fait excitant, non? ....Ah bon!
Post-scriptum qui n'a rien à voir (clin d'oeil à Delfeil de Ton du Nouvel Observateur) : En ce 6 juillet 1971, décès de Louis Armstrong.
Mon 76ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 20 janvier 2023