26 décembre 2008

112. Hawks : Red River

1001 films de Schneider : Red River



Film américain réalisé en 1946 par Howard Hawks
Avec John Wayne (Dunson), Montgomery Clift (Matt), Joanne Dru, Walter Brennan, John Ireland (Cherry Valance)

Franchement, pour vous dire la vérité, j'avais pas vraiment envie de revoir ce film que, par ailleurs, j'avais complètement oublié. Les westerns, c'est pas vraiment mon pot de confiture. Je suis plutôt du côté de Bergman, Dreyer, Bresson, du côté "lourd, le film". Alors, les westerns, pfuitt. Mais si vous grattez un peu, vous verrez que j'aime aussi Spielberg, Zemeckis et même Adrian Lyne !

Un des 5 plus grands westerns de l'histoire du cinéma. Les autres : The Searchers, Once Upon a Time in the West et... je vous laisse le choix des deux autres.

Hawks met la hache dans le modèle traditionnel du cowboy au grand cœur et à la gâchette justicière. Dès les premières séquences, on découvre un John Wayne inattendu. Tout à coup il ne joue plus le personnage stéréotypé du cowboy magnanime. Lorsqu'il voit au loin des charriots en flamme parmi lesquels se retrouve sa fiancée qu'il a quittée quelques heures auparavant et qu'il dit à son compagnon qui l'incite à retourner pour lui porter secours qu'il ne sert à rien d'y aller parce qu'ils arriveraient trop tard, on reste bouche bée, d'autant plus qu'aucun signe d'émotion ne parcourt son visage. Cette séquence nous annonce des remises en question du western traditionnel.

En effet, le déroulement de l'histoire nous entraîne dans un tout autre chemin que celui habituellement tracé par les histoires de Far West. Imprévisible que cette histoire d'affrontement entre Dunson (figure paternelle) et Matt (fils adoptif) dans laquelle John Wayne et Montgomery Clift nous rejouent la mutinerie du Bounty transposée dans les prairies américaines.

Mais, malheureusement, cette œuvre qui devenait épique sera complètement bousillée par l'introduction d'un improbable personnage féminin (Joanne Dru) et par une séquence finale du plus pur happy-end hollywoodien merdique! C'est à pleurer.

En marge
Soixante ans avant Brokeback Mountain, une relation homosexuelle entre deux cowboys.
Montgomery Clift et John Ireland manifestent leur homosexualité à l'écran (manifestation subtile sinon le film aurait été bloqué par le code Hays) et derrière l'écran.

Montgomery Clift, dont l'orientation sexuelle (gay) était connue dans le monde du cinéma d'alors, eut quelques affrontements avec John Wayne, l'icône du conservatisme américain, dont les valeurs et les idées politiques étaient diamétralement opposées à celles de Clift. Cet affrontement culminera au moment où Wayne apprendra que Clift a des relations sexuelles avec John Ireland, le si bien nommé Cherry Valance de l'histoire. Wayne demandera, en vain, que Clift soit remplacé par un autre acteur.

Lecture para-cinéphilique :
Tendre est la nuit de F. Scott Fitzgerald
Lien cinéphilique : Antonioni, L'avventura : Anna (Léa Masari) lisait cette œuvre de Fitzgerald juste avant qu'elle ne disparaisse.
Tender is the night de Henry King, réalisé en 1962

Critique. Cahiers du Cinéma. Janvier 1963. Numéro 139. Par Éric Rohmer
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Visionné la première fois le 15 septembre 1975 à la télévision à Montréal
Mon 112ème film des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 30 janvier 2023

19 décembre 2008

111. Fosse : Cabaret

1001 films de Schneider : Cabaret


Film américain réalisé en 1972 par Bob Fosse
Avec Liza Minnelli, Michael York, Helmut Griem, Joel Grey

La scène du "biergarten".
Une des plus belles, des plus poignantes, des plus terrifiantes séquences qu'il m'ait été donné de voir dans toute ma carrière de cinéphile. Depuis 33 ans, quand je repensais à Cabaret ce n'était pas à Liza Minnelli, pourtant fabuleuse, que je repensais, ni aux séquences musicales du cabaret mais à cette chanson patriotique, montée en crescendo, qui m'avait à l'époque complètement bouleversée.

Que je n'aie jamais cherché à revoir cette séquence depuis 1975, demeure, aujourd'hui, après avoir revu cette séquence une dizaine de fois, un curieux mystère.

Oliver Collignon, le jeune nazi qui interprète (en fait, mime) le chant à la gloire de la renaissance vindicative de l'Allemagne, est troublant. D'angélique à démoniaque en trois minutes; une parenté certaine avec les jeunes blonds criminels de Funny Games U.S. de Michael Haneke. "Il y a quelque chose qui circule et qui n'a pas de nom, qui semble naître de la beauté même du soleil, mais qui est la force écrasante du mal." Michel Chion. Cahiers du cinéma. #339. Septembre 1982.

Si j'éprouve tant de terreur à voir cette séquence c'est parce que l'on connaît la suite de la chanson. Cette chanson se poursuit d'abord dans Le triomphe de la volonté (1935) de Leni Riefenstahl puis dans le roman Les Bienveillantes de Jonathan Littell.

Oh Fatherland, Fatherland,
Show us the sign
Your children have waited to see.
The morning will come
When the world is mine.
Tomorrow belongs to me!

Toute cette séquence est bâtie sur le mode crescendo : le texte passe du bucolique au vindicatif; la chanson, d'abord chantée a cappella, se termine par un accompagnement orchestral complet. La structure filmique appuie ce crescendo par l'inclusion de plans qui viennent souligner le caractère revendicateur de ce chant patriotique.

La séquence est constituée de 41 plans.
Les 13 premiers plans soulignent le caractère "bon enfant" de la mélodie avec quelques gros plans sur le visage poupin du chanteur.
14ème plan : Gros plan sur le visage colérique du chanteur.
À partir de ce moment, tout bascule.
Les plans suivants nous montrent plusieurs gros plans de personnes (deux jeunes filles particulièrement) hurlant les mots de la chanson. L'arrivée de ces personnes, par le bas, dans le champ de la caméra accentue la violence de la scène.
Le salut nazi du chanteur, au 37ème plan, marque le point culminant de cette scène ; on sent que la terrible unanimité derrière le grand mouvement populiste est atteinte. La machine est en marche, rien ni personne ne l'arrêtera.



Bon, maintenant, toute la vérité sur cette chanson :
Tomorrow Belongs To Me a été composée, spécifiquement pour le film, par John Kander et Fred Ebb dans le plus pur style des chants nazis pour la jeunesse. Ceci n'enlevant rien à la charge émotive vécue dans la séquence de l'auberge parce qu'il est impossible de croire qu'elle n'est que fictionnelle.

Chemin de traverse québécois
"À partir d'aujourd'hui, demain nous appartient"
Chanson-thème du Parti Québécois pour la campagne électorale des élections de novembre 1976 lors desquelles il devint le premier parti indépendantiste à accéder à la direction de l'État québécois.

Des esprits chagrins ou malicieux de la communauté anglophone (qu'on appelle maintenant les angryphones (note de 2023)) ont outrageusement fait un parallèle entre ce slogan publicitaire et un hypothétique hymne de la jeunesse hitlérienne (à moins qu'ils n'aient cru comme tous les spectateurs de Cabaret que Tomorrow Belongs To Me fut vraiment un hymne nazi), dans le but évident de dévaloriser le projet indépendantiste québécois en y accolant les horreurs totalitaires nazies.

On verra apparaître à nouveau ce type de tactique de bas étage lors des référendums de 1980 et de 1995 (référendums qui demandaient au Québécois de donner un mandat au gouvernement du Québec afin d'entamer des négociations avec le gouvernement canadien pour son accession à la souveraineté), l'approche sera différente mais tout aussi odieuse lorsqu'un caricaturiste d'un hebdo culturel anglophone de Montréal associa Jacques Parizeau (alors premier ministre du Québec) et Lucien Bouchard (alors chef du Bloc québécois au parlement canadien), les leaders de la campagne en faveur de la souveraineté du Québec, aux membres du Ku Klux Klan en les affublant du sinistre drap blanc.

Un grand merci à Bob Fosse pour avoir démoli le modèle de la comédie musicale en cannes de bonbon.

L'origine de tout ça : Berlin Stories de Christopher Isherwood.
Son livre a été transposé d'abord au théâtre par John van Druten sous le titre I Am a Camera, en 1951, puis repris, sous le même titre, en 1955, au cinéma par Henry Cornelius. Puis il fit l'objet d'une comédie musicale, sous le titre de Cabaret, qui fut montée pour la première fois en 1966, à Broadway, dans une mise en scène d'Harold Prince. Et enfin, Bob Fosse arriva.

Critique. Cahiers du Cinéma. Septembre 1982. Numéro 339. La comédie musicale rêve au réalisame par Michel Chion. À propos de la scène de l'auberge : " il y a quelque chose qui circule et qui n'a pas de nom, qui semble naître de la beauté même du soleil, mais qui est la force écrasante du mal. "

Oscar 1973 : Huit statuettes contre 3 seulement pour The Godfather (surprenant, non ?). Bob Fosse, réalisateur, Liza Minnelli, actrice et Joel Grey, acteur de soutien, caméra, décor, son, montage, chanson originale.

Visionné la première fois le 13 septembre 1975 au cinéma à Montréal
Mon 111ème film des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 25 février 2023

09 décembre 2008

110. Polanski : Chinatown

1001 films de Schneider : Chinatown


Film américain réalisé en 1974 par Roman Polanski
Avec Jack Nicholson (Détective Gittes), Faye Dunaway (Evelyn Cross Mulwray), John Huston (Noah Cross), Perry Lopez

On plonge dans Chinatown, film noir en couleurs, comme on plonge dans un vieux film des années 40.

Tout concourt à nous ramener à la grande période du film noir dont les ingrédients sont : un ex-policier recyclé en détective privé désabusé (Nicholson), une femme fatale (Dunaway) dont les habiletés dans la manipulation feraient passer le département d'État américain pour une troupe d'opérette, un scénario dont la complexité fait chuter votre Q.I. de 50 points (le summum de la complexité d'un film noir classique : dans The Big Sleep, même le réalisateur n'arrivait pas à expliquer où étaient passés certains personnages de l'intrigue), la corruption généralisée, une fin tragique, un tas de séquences nocturnes et une cinématographie en noir et blanc.

Pourquoi un tel titre alors que l'action ne s'y déroule que lors de la dernière séquence ? 
C'est que le mot "chinatown" ne renvoie pas tellement à un lieu physique qu'à un état émotionnel. Chinatown, c'est la confusion, c'est le désordre, c'est le royaume de l'irrationnel ; le détective Gittes (Nicholson), qui fut un temps à l'emploi du LAPD (Los Angeles Police Department) dans Chinatown, y perdit tous ses repères et la mort de sa maîtresse le conduisit directement vers la porte de sortie du LAPD.

Mais il y a un retour du refoulé : Chinatown vient constamment s'immiscer dans la vie de Gittes tout au long de son enquête et l'on n'est aucunement surpris qu'elle s'achève dans le chaos le plus total, dans Chinatown.

Autre grand retour :
Polanski retourne à Los Angeles pour la première fois depuis l'assassinat, le 9 aout 1969, dans sa villa de Bel Air, L.A., de son ex-femme, Sharon Tate, par la "famille" de Charles Manson.

Il n'était donc pas question que Chinatown se termine par un "happy end" tel qu'exigé par le scénariste Robert Towne.

Critique. Cahiers du Cinéma. Février 1975. Numéro 256. La Ville des feintes par Pascal Kané
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Oscars 1975. Meilleur scénario

Visionné la première fois le 25 avril 1975 au cinéma à Montréal
Mon 110ème film des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 25 février 2023

03 décembre 2008

109. Friedkin : The Exorcist

1001 films de Schneider : The Exorcist


Film américain réalisé en 1973 par William Friedkin 
Avec Hellen Burstyn, Linda Blair (Regan), Jason Miller, Lee J. Cobb, Max von Sydow et la voix de Mercedes McCambridge (la voix du démon dans le corps de Regan).
Musique : la mémorable pièce de Mike Oldfield, Tubular Bells.

J'adore cette affiche en noir et blanc, une des plus belles affiches de cinéma que je connaisse.
Inspirée de la toile de René Magritte, L'Empire des lumières.















Ce film : ma première grande frousse (et ma plus grande à ce jour) au cinéma; plus spécialement cette séquence qu'on intitule The Linda Blair Head Spin

Des jours à revoir, au moment de m'endormir, la tête de Linda Blair pivotant sur 180 degrés.
Elle me donnait vraiment les "jetons", comme on dit en anglais "She gave me the creeps".

Mais ne vous laissez pas trop influencer par ce comportement. Si vous n'avez jamais vu ce film, il est possible que vous vous esclaffiez en le voyant et que vous en fassiez le Rocky Horror Picture Show du film de peur.

Mais si vous l'avez vu à sa sortie, à moins d'avoir été complètement de mauvaise foi (à rebrousse-poil de la publicité) ou y avoir vu, comme les critiques des Cahiers du Cinéma d'alors, une grande allégorie de la crise du capitalisme mondial (ah bon! le capitalisme est en crise : stéréotype répété à plus soif par la gauche-à-papa), vous avez sûrement dû sentir passer une légère brise sur votre système pileux, à quelques reprises.

Autre séquence terrifiante : la "marche de l'araignée" (Regan qui descend l'escalier, le corps renversée) dans la nouvelle version du film, sortie en 2000. Cette séquence avait été éliminée de la première version. Si elle avait été conservée, ce n'est pas des ambulanciers qu'il aurait fallu poster à la porte des cinémas mais le service de la morgue.

Cherchons Bergman sous Friedkin :
1. Un des personnages, un prêtre, dit "God deserted the World". N'est-ce pas une des grandes thématiques bergmaniennes.
2. Présence de Max von Sidow, qui a joué dans 11 films de Bergman, dans le rôle du vieux prêtre archéologue.
3. Toute la partie de l'exorcisme nous ramène au temps du film Le Septième sceau qui se passe à l'époque des grandes épidémies de peste qui suscitaient la fureur religieuse avec toute sa panoplie de pénitents, de tortures, de malédictions et de présences diaboliques.
4. Roger Ebert, un de mes critiques américains préférés : "The year 1973 began and ended with cries of pain. It began with Ingmar Bergman's Cris et chuchotements and it closes with William Friedkin's The Exorcist. Both films are about the weather of the human soul, and no two films could be more different. Yet each in its own way forces us to look inside, to experience horror, to confront the reality of human suffering."

Critique. Cahiers du Cinéma. Octobre 1974. Numéro 253. Le Secret derrière la peur par Pascal Kané
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Oscars 1974. Deux statuettes : Son, scénario tiré d'une autre source.

Visionné la première fois le 25 janvier 1975 au cinéma St-Denis à Montréal
Mon 109ème film des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 25 février 2023

29 novembre 2008

108. Polanski : Répulsion

1001 films de Schneider : Répulsion


Film anglais réalisé en 1965 par Roman Polanski
Avec Catherine Deneuve, Yvonne Furneaux, Ian Hendry

Excellente étude de cas de psychopathologie.

Attention : chemin de traverse
Pendant mes études en psychologie dans les années 80, un professeur nous avait demandé de faire l'analyse d'une psychopathologie à partir d'un personnage tiré d'une œuvre littéraire. J'avais alors choisi d'analyser la pathologie de Joseph Day, le personnage principal du roman de Julien Green, Moïra.

C'était un cas de névrose obsessionnelle; en gros, un montage caractériel pour empêcher la remontée de pulsions sexuelles insuffisamment enfouies dans le Ça; dans ce cas-ci, des pulsions homosexuelles. Joseph Day, en fait, est un avatar pour Julien Green qui a passé toute sa vie à essayer d'enterrer ses propres pulsions homosexuelles sous un catholicisme rigide frisant la bondieuserie mais, tel que l'on voit dans son Journal intégral. 1919-1940, paru dans la collection Bouquins en 2019, il n'a pas vraiment essayé.

Fin du chemin de traverse.

Nous disions Répulsion. Un cas classique de schizophrénie. Donc, on parle de psychose, altération de la réalité. Curieux quand même que Polanski ne fasse pas la distinction entre névrose et psychose après avoir tourné ce film. Dans une entrevue qu'il donnait aux Cahiers du Cinéma (février 1966, numéro 175), c'est ce qu'il laisse entendre. Bizarre, puisque dans la même entrevue, il se glorifie d'avoir fait un film que tous les psychiatres trouvent vrai. Aucun de ceux-ci ne lui a souligné la différence océanique entre névrose et psychose ?

En visionnant à nouveau Répulsion, je ne pouvais pas éviter de faire constamment des liens avec Belle de Jour de Buñuel, réalisé deux ans plus tard, comme si cette dernière était la face diurne du personnage de Polanski, Belle de Nuit ?, qui habite plutôt les ombres de sa nuit psychique.


Belle de Nuit...Belle de jour : c'est le même personnage qui traverse les deux films : mêmes fantasmes de violences sexuelles; même appartenance au domaine de la psychose (hallucinations, résistance à la réalité) et en prime, même actrice; belle, blonde, froide, Catherine Deneuve quoi!

Affiche improbable pour Répulsion. Comment peut-on?














Critique. Cahiers du Cinéma. Mars 1966. Numéro 176. Victime et bourreau par Michel Carn.
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Berlin 1966. Ours d'argent et prix de la critique internationale

Visionné la première fois en novembre 1974, à la télévision à Montréal
En novembre 1974, où en étais-je ? : Je suis étudiant à la Maîtrise en Géographie à l'Université de Montréal, spécialisation en études urbaines. J'essaie de survivre financièrement en enseignant, très sporadiquement, le français, langue seconde, pour une école de langues qui fait affaires avec les grandes corporations anglophones de Montréal.
Mon 108ème film des 1001 films du livre de Schneider.
Mis à jour le 24 février 2023

23 novembre 2008

107. Eustache : La Maman et la putain

1001 films de Schneider : La Maman et la putain


Film français réalisé en 1973 par Jean Eustache
Avec Jean-Pierre Léaud, Bernadette Lafond, Françoise Lebrun

Ce film devrait s'intituler Le nouveau désordre amoureux.
Titre que Pascal Bruckner et Alain Finkielkraut ont donné à leur essai, publié en 1978, sur la remise en question de la révolution sexuelle amorcée à la fin des années 1960.

Cinq ans avant eux, Eustache écrit un film-essai sur la problématique de la relation amoureuse. L'héritage de la révolution sexuelle des années 60 est revu et corrigé par Eustache. Il remet en question les grandes tartinades de cette révolution : l'amour libre, le ménage à trois (plutôt deux femmes que deux hommes, évidemment!, le chauvinisme masculin n'ayant pas été touché par cette révolution), la maternité ringarde.

Il faut voir le personnage d'Alexandre (Jean-Pierre Léaud), d'un abyssal narcissisme et perclus d'un sexisme d'un autre âge, au temps du MLF, qui inonde littéralement les trois premières heures du film de ses envolées verbales, parsemées de blagues (comme on siffle en traversant un cimetière) ; il faut le voir, dans les dernières séquences, blessé narcissiquement, passer le phallus (comme on dit en psychanalyse pour signifier le pouvoir) à sa maîtresse (Françoise Lebrun, conjointe de Jean Eustache pour laquelle il a écrit ce film autobiographique) qui prend la parole pour ne plus jamais la remettre et qui, devant un Alexandre, finalement muet, à l'écoute, dresse un tableau des aspirations sexuelles et amoureuses de la femme d'après Mai-68 qui me semblent plus près de celles de la maman (tradition) que de celles de la putain (nouveau paradigme amoureux apparu dans les années 60).

Une juste remise en question du dogme ou de la doxa de la révolution sexuelle dans cet article. « Tout le monde couchait avec tout le monde ». Une entrevue de Dominique Simonnet de l'Express avec Pascal Bruckner, publiée le 15 août 2002

Quand j'ai vu ce film en 1974, bien que je nageasse en plein désordre amoureux, un mariage dans l'abîme, je m'étais royalement emmerdé. Disons que le personnage joué par Léaud et probablement Léaud lui-même me furent carrément insupportables. Alors cette émotion oblitéra tout le reste et Eustache m'est passé par-dessus la tête .

C'est en le visionnant à nouveau que j'ai découvert l'ampleur de cette œuvre même si le personnage de Léaud m'irrite toujours autant.

C'est une des plus grandes joies que me procure cette expérience de revoir les films du bouquin de Schneider; celle de découvrir des films que j'avais complètement ratés à l'époque à cause de différents facteurs : immaturité, passages de vie dissonants, indispositions physiques ou psychologiques, etc.

Lecture cinéphilique
Alain Bergala, L'hypothèse cinéma. Petit traité de transmission du cinéma à l'école et ailleurs. Petite bibliothèque des Cahiers du cinéma

Un excellent passage qui envoie le cinéphile vers un devoir exigeant mais incontournable si on veut accéder à l'œuvre d'un auteur : Revoir les films, un seul visionnement ne pouvant que présenter une vision tronquée de l'œuvre.

«...la première vision d'un film oblige d'aller d'un plan au suivant, d'une scène à la suivante, pendant le temps contraint d'une heure et demie. La première vision est mobilisée, pour l'essentiel, par la nécessité de comprendre l'histoire, de ne pas confondre les personnages, de situer chaque nouvelle scène, dans l'espace et le temps, par rapport à ce qui précède. En fait, cette première vision est consacrée à la "lecture" de l'histoire, aux significations. Ce n'est que dans les approches ultérieures du film qu'on pourra en goûter, plus sereinement, sans crispation sur la peur de ne pas comprendre, les véritables beautés artistiques. J'ai toujours été personnellement angoissé, en entrant dans un film au scénario complexe et aux personnages nombreux (ah! les films d'Ozu qui m'obligent, pour m'y retrouver, à écrire tous les personnages sur une feuille avec leurs liens généalogiques...), de ne pas arriver à comprendre l'histoire, de m'embrouiller dans l'identité et le rôle des personnages."

Critique. Cahiers du Cinéma. Mai 1982. Numéro 336. L'amour absolu du cinéma par Alain Philippon.

Berlin 1973. Prix du forum du nouveau cinéma
Cannes 1973. Grand prix du jury, prix de la critique internationale

Visionné la première fois le 21 avril 1974 au cinéma Outremont à Montréal
Lorsque j'habitais Outremont (entre 1982 et 1991) j'ai beaucoup fréquenté le cinéma Outremont, le meilleur cinéma de répertoire de Montréal. J'ai vu exactement 107 films dans cet ancien théâtre recyclé en cinéma et pris en charge par Roland Smith, le plus célèbre et le plus têtu (dans le sens "ne jamais lancer la serviette, quoi qu'on dise") cinéphile de Montréal.


Le cinéma Outremont dans les années 1970

Mon 107ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 28 janvier 2023

12 novembre 2008

106. Jodorowsky : El Topo

1001 films de Schneider : El Topo


Film mexicain réalisé en 1970 par Alejandro Jodorowsky
Avec Alejandro Jodorowsky, son fils Brontis, Mara Lorenzio

Dictionnaire Le Petit Larousse illustré, édition 2002
Salmigondis : n. m. Fam. Mélange confus et disparate. Ex. El Topo d'Alejandro Jodorowsky.

Ou bien :
"El Topo is fascinating for being a product of its time, a document of the lessons and philosophies people were then studying, and their fears, both conscious and unconscious" Adisakdi Tantimedh in 1001 Movies You Must See Before You Die.

Ou bien :
Descendu en flammes dans le numéro 264 (février 1976) des Cahiers du cinéma. « Chaque année nous ramène une avant-garde que l'appareil critique se hâte d'encenser d'autant qu'elle se comporte comme une bonne avant-garde doit le faire : donner au spectateur l'impression de participer à un bouleversement culturel sans pour autant le déranger. Jodorowsky nous déballe tous les stéréotypes, toutes les formes figées caractéristiques dudit genre. On tombe en pleine imagerie saint-sulpicienne revue par un surréalisme à l'usage des lycées et collèges. »

Ou bien :
John Lennon et Yoko Ono en firent leur film-culte et en promurent la distribution. Ils présentèrent la première du film dans un cinéma newyorkais, le Elgin Theater, à minuit le 18 décembre 1970, initiant ainsi la mode des "Midnight Movies". Il y resta plus d'un an.

Mon premier "midnight movie", un des plus célèbres à cause de la participation des spectateurs qui commentent à leur façon certaines scènes du film, fut The Rocky Horror Picture Show, vu le 25 avril 1987 au cinéma Laurier à Montréal.

Ou bien :
Jodorowsky : "The big benefit of this movie was I F.... all the girls I wanted"

Bon, je n'ai rien à ajouter sinon que, si vous visionnez ce film, vous auriez intérêt à remplacer votre pop-corn habituel par du "Acapulco Gold".

Critique. Cahiers du Cinéma. Février 1976. Numéro 264. Par Jean-Paul Simon
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Visionné la première fois le 13 février 1974 au cinéma à Québec
En ce jour, expulsion de l'Union soviétique d'Alexandre Soljenitsyne suite à la publication de L'Archipel du Goulag, marquant ainsi le début de l'effritement de l'empire soviétique. 
Mon 106ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider.
Mis à jour le 24 février 2023

09 novembre 2008

105. Tati : Playtime

1001 films de Schneider : Playtime


Film français tourné en 70 mm et réalisé en 1967 par Jacques Tati
Avec Jacques Tati et des centaines d'acteurs non professionnels.

Pauvre monsieur Hulot. Toujours en rupture avec son environnement. Jamais intégré, toujours un pas à côté. Mais heureux, quand même.

Pauvre monsieur Tati. Toujours en rupture avec le courant cinématographique dominant. Jamais intégré, toujours un pas à côté, un pas en avant, diront certains, un pas en arrière, diront la plupart lors de la sortie de Playtime en janvier 1968.

Catastrophe au box-office, aucune distribution aux États-Unis, des investissements faramineux (le film français le plus cher jusqu'à cette date); alors le monsieur Tati, contrairement à monsieur Hulot, fut plutôt malheureux. Le trou financier, dans lequel sa compagnie de production plongea, mit fin, à toutes fins pratiques, à la carrière de Tati ; les films suivants étant plutôt en mode mineur en comparaison de sa production antérieure.

Date de sortie sur les écrans français : début 1968. Ce 1968 n'était pas disposé à accueillir un tel film, tout en finesse, en demi-sourires, en demi-teintes (tout est en noir, bleu, gris et blanc) dont tout le propos est dans la forme.

On était au beau milieu, probablement, de la période la plus bavarde, la plus gueularde, la plus revendicatrice du vingtième siècle. Alors on peut comprendre que les critiques et les spectateurs aient pu passer complètement à côté d'une œuvre hors de son temps, qui ne contestait rien, qui ne remettait pas la société en question (même pas l'architecture moderne, contrairement à ce que l'on pourrait croire) et, crime pour l'époque, démontrait une certaine sympathie pour les Américains.

Tativille
Tati, ne pouvant tourner à Orly ou dans l'édifice Esso de La Défense à Paris, a décidé de construire sa propre ville moderne. Il a choisi de créer d'immenses maquettes représentant des tours à bureaux sur des terrains désaffectés de la "zone", au sud-est de Paris. Il a englouti des sommes énormes dans la construction de sa ville. Personne ne voulant récupérer ces maquettes, tout a été détruit après le tournage : quelle horreur!















Lecture cinéphilique
"Have You Seen...?" A Personal Introduction to 1,000 Films de David Thomson.
Vous allez dire : "Pas encore une autre liste de meilleurs films". 
Beaucoup de ces listes sont constituées à partir de sondages auprès de la population, déniant ainsi toute crédibilité. En effet, pour établir une liste de meilleurs films, j'estime que les "sondés" doivent avoir vu au moins 5000 films (chiffre arbitraire mais qui me semble un minimum) couvrant toute l'histoire du cinéma. Sinon, on nage dans le vox populi, comme ces émissions d'informations qui installent leur caméra au coin de la rue et qui demandent aux passants s'ils sont pour ou contre la présence de bactéries dans le yaourt ou bien s'ils sont pour ou contre de donner à leur enfant le prénom Barack, comme si leur enquête avait une quelconque valeur scientifique.

David Thomson appartient, à l'instar de monsieur Cinéfiches (qui a vu plus de 20 000 films, rien que ça), à ce petit groupe de grands cinéphiles qui ont vu suffisamment de films pour créer une liste crédible. Leur liste feront partie, avec une vingtaine d'autres, de ma deuxième édition du palmarès des meilleurs films du 20ème siècle à paraître dans le courant de l'année 2009.

Critique. Cahiers du Cinéma. Février 1968. Numéro 198. Par Jean-André Fieschi.
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Cahiers du Cinéma : Dans la liste des 10 meilleur films de l'année 1967.

Visionné la première fois en 1973, au cinéma à Québec
Mon 105ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 28 janvier 2023

02 novembre 2008

104. Bergman : Cris et chuchotements

1001 films de Schneider : Cris et chuchotements


Film suédois en rouge et blanc réalisé en 1972 par Ingmar Bergman
Avec Harriet Andersson (Agnès), Ingrid Thulin (Karin), Liv Ullmann (Maria), Kari Sylwan (Anna)

Détresse et désespoir.
Il n'y aura plus jamais la joie pour les survivants.

Un des films les plus noirs, les plus tristes, les plus désespérés qu'il m'ait été donné de voir. Je ne peux pas sortir de ce film sans être, à chaque fois, perturbé pendant un certain temps.

Tant d'amour et de haine autour d'une femme, la cadette de la famille, qui agonise et meurt dans des souffrances à la limite du supportable. Une prestation d'Harriet Andersson qui me bouleverse aux larmes avec, constamment en mémoire, sa prestation de jeune fille désinvolte, mordant dans la vie dans Monika de ce même Bergman, 20 ans auparavant.

Pour paraphraser le célèbre adage d'André Gide : "Famille, on se hait", voilà le thème principal de cette œuvre. Au début, on est effrayé par la longue et douloureuse agonie d'Agnès (Harriet Andersson) puis, lentement, on découvre que l'horreur est ailleurs. Il est dans l'absence d'amour, voire dans la haine, que les deux sœurs survivantes distillent autour d'elle. Cette froideur de sentiment nous glace littéralement dans les dernières séquences du film. C'est là que résident, finalement, la détresse et le désespoir.

A contrario, comme pour accentuer ce dysfonctionnement émotionnel, Bergman, par l'entremise d'Anna, la bonne, nous fait vivre des moments de compassion comme il nous en a rarement montrés dans ses autres œuvres. Le point culminant étant atteint dans ce plan nous montrant Anna qui tient dans ses bras Agnès, agonisante. En voyant cette prière cinématographique, j'aurais presque le goût de revenir aux croyances catholiques de mon enfance. 

La pìetà de Michel-Ange

La pietà de Bergman

Anthologique
Les dix premières minutes du film : chef d'œuvre esthétique. Sven Nykvist au sommet de son art : Rouge omniprésent, cinq plans fixes à la Ozu, des tic tacs et des sonneries de pendules ("...la pendule d'argent qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non, qui leur dit: je t'attends; qui ronronne au salon, qui dit oui qui dit non et puis qui nous attend" Les vieux de Jacques Brel), du rouge partout sauf la jaquette toute blanche d'Agnès qui se réveille. Dans son regard, pendant quelques secondes, elle habite encore un monde dans lequel elle est heureuse et bien vivante, puis le retour de l'horreur de sa condition de malade en phase terminale.

J'ai vu ce film en 1973, j'avais 27 ans : il m'était complètement passé par-dessus la tête et à côté du cœur. Il n'avait laissé aucune trace dans mon expérience de cinéphile. Mais le revoir aujourd'hui, c'est une tout autre expérience. La puissance de la charge émotionnelle transportée par ce film est tout simplement dévastatrice. On n'en sort pas indemne. Comme quoi si la violence "is no country for old men" (dixit les frères Coen), la sensibilité, par contre, devient de plus en plus, leur univers.

Pour toutes les Agnès, Maria et Karin de ce monde, cette chanson de Coldplay, Fix You, un baume pour le cœur.


Oscars 1974. Sven Nykvist, meilleure cinématographie
Cannes 1973. Grand prix technique

Visionné la première fois le 2 décembre 1973 au cinéma à Montréal
Mon 104ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 28 janvier 2023

27 octobre 2008

103. Resnais : Hiroshima, mon amour

1001 films de Schneider : Hiroshima, mon amour


Film français réalisé en 1959 par Alain Resnais
Avec Emmanuelle Riva et Eiji Okada

"Pourquoi nier l'évidente nécessité de la mémoire" Nevers (Emmanuelle Riva)

Alors donc, plongée dans ma biographie, puisque c'est l'incantation de ce film.
Deux paliers dans cette plongée : d'abord en profondeur au niveau de 1960 puis remontée au palier intermédiaire de l'automne de 1973.

Palier 1960
Le Québec commence à peine, depuis la mort du populiste  Maurice Duplessis, premier ministre du Québec, à sortir de la période connue sous le nom de la "grande noirceur". (exemple de cette noirceur: Les enfants du paradis de Marcel Carné, interdit de distribution au Québec).

J'avais 13 ou 14 ans, on allait présenter au Ciné-club de fin de soirée de Radio-Canada, Hiroshima, mon amour. Grand émoi dans les journaux : comment la société d'état pouvait-elle présenter, même à une heure tardive, un film qui montrait, en toute impunité, l'amour libre.

Grand émoi dans la famille aussi, quand mon père, grand catholique pratiquant, membre de l'Ordre de Jacques-Cartier (regroupement clandestin canadien-français voué à la défense de la langue française et de la religion catholique au Québec) décide de regarder, seul, cette œuvre à la réputation sulfureuse (le dos nu de Riva, caressé par les mains de son amant, suffisait, à cette époque, au Québec, pour faire classer le film AR, i.e. adultes avec réserve). Que mon père y cherchait-il ?

Grand plaisir, pour moi, de trouver enfin, chez mon père, une faille dans son orthodoxie Patrie-Famille-Travail et, pour faire le compte, Religion. Je n'allais plus jamais voir mon père de la même manière à partir de ce jour. Malheureusement, plaisir qui dura peu, puisqu'il allait mourir 4 ans plus tard, quelques jours après avoir terminé la lecture d'un roman que je lui avais prêté, La Puissance et la gloire de Graham Greene (caméo dans le film La nuit américaine). Suggestion qui faisait partie de mon entreprise de sapage des fondations de ses valeurs catholiques.

Palier automne 1973
Avec Tomiko, mon amour de l'automne 1973, originaire de Nagasaki (ça ne s'invente pas), on regarde, à la télé, dans mon meublé cradingue en face du parc Lafontaine sur la rue Sherbrooke à Montréal, Hiroshima, mon amour; ahuris de retrouver de telles similitudes avec ce couple eurasiatique : la soudaineté d'une rencontre des plus hasardeuses (à la sortie de la gare de Cordoba en Espagne) et dont l'espérance de vie se mesure en jours tant le passé est têtu à tracer des routes divergentes.

Nevers (Emmanuelle Riva) : "Il est probable que nous mourrons sans nous être jamais revu"
25 novembre 1973, aéroport de Montréal, Tomiko prend le vol Montréal-Paris-Tokyo.
Je ne l'ai jamais revue depuis.

Alors, si j'aime Hiroshima, mon amour?  Un amour immense...comme cette photo de la Riva.

 
À propos du titre 
Un écrivain rigolo, dont j'ai oublié le nom, a fustigé le titre du film : "Après avoir tourné Hiroshima, mon amour, pourquoi pas tourner Auschwitz, mon coco ?"

Titres oxymores. Exemple d'un oxymore : un silence assourdissant
1. Hiroshima, mon amour
Tout le film est fondé sur cette figure de style : "Tu me tues, tu me fais du bien", "Je te mens, je te dis la vérité"
2. Paris, Texas de Wim Wenders
3. Kiss Me Deadly de Robert Aldrich
4. Hell in the Pacific de John Boorman
5. True Lies de James Cameron

Festival de Cannes de 1959 : À qui va la palme d'or? À Hiroshima, mon amour, bien sûr, non? alors à Truffaut pour Les Quatre cents coups. Non plus? Mais, diantre, quel chef-d'œuvre coiffe ces deux productions au poteau? L'ineffable Orfeu negro, cette bluette exotique, de Marcel Camus (mais qu'a-t-il fait d'autre de marquant, celui-là?). La mâchoire m'en tombe comme celle de Jim Carrey dans Le Masque lorsqu'il se retrouve face à Cameron Diaz.

Critique. Cahiers du cinéma. Juillet 1959. Numéro 97. Table-ronde au sujet de Hiroshima, mon amour. Lumineux. Participants : Éric Rohmer, Jean-Luc Godard, Pierre Kast, Jacques Rivette, Jacques Doniol-Valcroze. Excusez du peu!!! (221 films réalisés entre eux). 
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Cahiers du Cinéma : Dans la liste des 10 meilleurs films de l'année 1959
Cannes 1959. Prix de la Critique internationale

Visionné la première fois le 14 novembre 1973 à la télévision à Montréal
Mon 103ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 26 janvier 2023

19 octobre 2008

102. Boorman : Deliverance

1001 films de Schneider : Deliverance
Délivrance



Film américain réalisé en 1972 par John Boorman 
Avec Jon Voight, Burt Reynolds, Ned Beatty, Ronny Cox, Ed Ramey

Très improbable titre que ce Deliverance.
Les trois survivants de cette merveilleuse escapade sur la rivière Chattooga (frontière Georgia/South Carolina) sont, à jamais, suite à leur aventure, enfermés dans un cauchemar sans issue ; ce que confirme la dernière séquence du film. Pas de délivrance en vue pour eux.

Une des séquences les plus célèbres de Deliverance : le duo guitare-banjo.
Billy Redden, le "banjo boy" qui, en fait, ne joue d'aucun banjo, a été sélectionné pour son "look" qui correspondait au fait avéré ou au préjugé (vous choisissez) de la pratique de l'endogamie dans les régions isolées des Appalaches ; la pratique de l'endogamie entraînant possiblement le développement de dégénérescences génétiques : syndrome de Down, déficience intellectuelle, malformation congénitale. Avouez que Billy Redden est une belle synthèse de ces 3 éléments.

Dans son film, Big Fish, Tim Burton a déniché Redden dans un boui-boui du sud profond pour lui faire faire une apparition en "banjo man".

Dans le message précédent, je traitais du procédé de "la nuit américaine" : on en a un bel exemple dans ce film lors de la scène de nuit au sommet de la paroi escaladée par le personnage interprété par John Voight.

Dernière séquence pillée par Brian de Palma pour conclure son Carrie.

Jean-Louis Bory, dans la Lumière écrit (tome 5 de ses critiques cinématographiques) traitant de Deliverance : "le sauvage modèle 1972 ne respecte pas le modèle "bon sauvage" qui fait pleurer d'attendrissement dans les chaumières hippies." J'aime Bory.

Lecture cinéphilique
Zanuck, le dernier grand nabab par Leonard Mosley.
Mais qu'est-ce qu'un nabab?
" Un jour alors que je sortais du magasin du studio, je vis Zanuck quitter la salle à manger et marcher en direction de son bureau. Sa cour l'entourait, composée d'une foule d'assistants, de producteurs et de parasites. Stupéfait, je le vis soudain déboutonner sa braguette tout en parlant et pisser contre un mur. Il y avait plein de monde, mais cela ne le troublait nullement. Il faisait cela à sa manière, aussi candide que n'importe quel gosse des rues ". Il n'y a pas de meilleure définition.

Visionné la première fois le 27 octobre 1973 au cinéma St-Denis à Montréal.
Après 4 semaines à parcourir l'Espagne et le nord du Maroc, retour tumultueux à Montréal. En descendant de l'avion, puisque plus rien ne m'attache, je décide de m'installer à Montréal. Chômage, petit meublé crasseux, couple en déroute, l'hiver aux portes de Montréal (j'ai toujours haï l'hiver à Montréal). Délivrance peut-être mais, à ce moment-là, je pensais plutôt déroute.
Mais il y a Tomiko, rencontrée à la sortie de la gare à Cordoba, qui, complètement "pétée" (comme dans péter les plombs), sursoit à son tour d'Europe pour m'accompagner dans mon petit meublé crasseux en face du Parc Lafontaine à Montréal. 
Mon 102ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 21 février 2023

13 octobre 2008

101. Truffaut : La Nuit américaine

1001 films de Schneider : La Nuit américaine


Film français réalisé en 1973 par François Truffaut 
Avec François Truffaut, Jean-Pierre Léaud, Jacqueline Bisset, Valentina Cortese, Jean-Pierre Aumont, Alexandra Stewart, Nathalie Baye, Bernard Menez

Pourquoi j'aime tant ce film qui, apparemment, laisse froid les spécialistes du cinéma (absent de la plupart des palmarès de films) et qui a suscité à sa sortie un tollé de la part des cinéphiles de gauche (marquant, entre autre, la rupture définitive entre Truffaut et Godard) ?

Pourquoi, à chacun des visionnements, c'est un direct au cœur que je reçois, comme une ancienne histoire d'amour qui revient me hanter?

Dans le désordre, les raisons de cette passion :

1. D'abord pour cette réplique de Ferrand (Truffaut) s'adressant à Alphonse (Léaud) qui m'émeut à chaque fois :
"Les films sont plus harmonieux que la vie. Il n'y a pas d'embouteillages dans les films, pas de temps mort. Les films avancent comme des trains, tu comprends, comme des trains dans la nuit. Des gens comme toi, comme moi, tu le sais bien, on est fait pour être heureux dans le travail, dans notre travail de cinéma."

2. Aussi pour toutes ces références à l'histoire du cinéma (photos volées dans un cinéma, bouquins de cinéma, le jeu questionnaire de Monsieur Cinéma, la rue Jean-Vigo, la surdité de William Wyler, etc.). Un vrai régal pour cinéphile. D'ailleurs, c'est un film que Truffaut adresse aux cinéphiles. Le film n'est-il pas dédié aux sœurs Lilian et Dorothy Gish? Qui, en 1973, pouvaient connaître ces actrices de l'époque du muet à part les fous de cinéma ?

3. Pour cette séquence accompagnée du merveilleux Grand Choral de Georges Delerue. À ce moment du film, habituellement, je craque.

4. Pour la performance bouleversante de Valentina Cortese, en comédienne alcoolique incapable de jouer son personnage dans Je vous présente Pamela (film dans le film) mais qui défonce l'écran dans La Nuit américaine. En nomination pour l'oscar de la meilleure actrice de soutien en 1975. Il a été remporté par Ingrid Bergman qui lors de son speech d'acceptation dit que la statuette aurait dû être donnée à Valentina Cortese.

5. Parce que le visionnement de La Noche americana, seul à Madrid en 1973, a eu lieu à une période marquante de ma vie; conséquemment, ce film est devenu ma "madeleine de Proust".

6. Pour cette Nathalie Baye à lunettes qui commence sa carrière au cinéma, pour mon plus grand bonheur et dont le personnage dit : "Je laisserais un mec pour un film mais jamais un film pour un mec."

7. Pour cette comparaison qui nous renvoie à la passion pour l'Amérique de Truffaut : "Un tournage de film ça ressemble exactement au trajet d'une diligence au Far West. D'abord, on espère faire un bon voyage et puis, très vite, on en vient à se demander si on arrivera à destination."

Le titre : On nous dit toujours que le titre "la nuit américaine" renvoie à une technique utilisée au cinéma consistant à filmer, de jour, des scènes de nuit en utilisant un système de filtres adéquat. Technique initiée et popularisée par le cinéma américain des années 30 sous le nom de Day for Night.
Par contre, en lisant la biographie de François Truffaut, écrite par Antoine de Baecque et Serge Toubiana, on découvre que Truffaut, pour des soucis de publicité dans les cinémas de province, a donné une autre explication à son titre. Croyant que les Français de la province risquaient de se détourner de son film, le croyant trop intellectuel avec un tel titre pour cinéphile, (toujours douloureux cette condescendance toute parisienne) a décidé de dire aux journalistes que le titre provenait, en fait, de la séquence dans laquelle Alphonse (Léaud) passait la nuit avec Julie (Bisset), la belle américaine.

Lecture cinéphilique
Zanuck, le dernier grand nabab par Leonard Mosley.
Pour une plongée infernale au cœur de l'ogre hollywoodien. Mais surtout une pléthore de potins style "Zanuck a une liaison orageuse avec Juliette Gréco" Eh bien! les bras m'en tombent. Comment peut-on imaginer Hollywood couchant avec St-Germain-des-Prés dans les années 50 !
Biographie fascinante quand même. Un début de vie à la Jack London dans le L.A. du début du 20ème siècle. Bon, je n'en suis qu'au début.

Oscar 1974. Meilleur film en langue étrangère.

Visionné la première fois au cinéma à Madrid en septembre 1973
À Madrid pour quelques jours, avant de partir pour l'Andalousie à la découverte du flamenco à Sevilla et Cordoba ; découverte ponctuée d'une improbable rencontre japonaise, Tomiko. 

Tomiko Taura

Mon 101ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 25 janvier 2023

05 octobre 2008

100. Bunuel : Le Charme discret de la bourgeoisie

1001 films de Schneider : Le Charme discret de la bourgeoisie


Film français réalisé en 1972 par Luis Bunuel
Avec Fernando Rey, Paul Frankeur, Delphine Seyrig, Bulle Ogier, Stéphane Audran, Jean-Pierre Cassel

Regardez l'affiche. D'un tel mauvais goût.
C'est une illustration de l'acronyme anglais WYSIWYG (What You See Is What You Get)., utilisé dans le monde informatique pour nous dire que le produit obtenu correspondra à l'image montrée sur l'écran.

Ce melon chapeautant des lèvres gonflées au botox (sauf que le botox n'apparaît que dans les années 80) porté par des guiboles pas très nettes est un bel aperçu de ce qui vous attend si vous mettez les pieds dans ce film.

Avis aux amateurs.... dont je ne suis plus. Toute la panoplie surréalistico-oniristique de Bunuel vous y attend de pied ferme .

Dans ma longue adolescence qui s'est étendue bien au-delà des limites définis par les bouquins sur la psychologie du développement, j'étais un fan fini du surréalisme et, au cinéma, des univers fellino-buenéliens, mais la réalité dure et têtue du monde adulte a changé mes intérêts cinéphiliques; thank God!

Mon plus beau moment : le dernier plan du film
Dans le dernier plan, les 6 bourgeois s'éloignant sur un chemin de campagne, ne nous renvoit-il pas au dernier plan du film d'Ingmar Bergman, Le septième sceau ,dans lequel l'on voit 6 personnages s'éloignant sur une colline, entraînés par la mort et sa faucille? De fait, ces six bourgeois sont morts.... de ridicule; assassinés par les dialogues et les "one-liners" de Bunuel et de Jean-Claude Carrière.
Exemple, entre cent :
Stéphane Audran) : "Encore un peu de foie gras, mon colonel ?" Dans cette ligne, toute l'expression de la bourgeoisie française .

Un résumé du film? Jürgen Müller dans Les films des années 70, à propos de Le charme discret de la bourgeoisie : "un grotesque carnaval des idées et des clichés bourgeois".

Lecture cinéphilique
Images. My Life in Film de Ingmar Bergman.

Bergman nous parle du tournage de chacun de ses films dans des textes courts, truffés d'extraits de son journal personnel. À côté de descriptions de ses relations avec les producteurs, les caméramans, les acteurs, beaucoup de plongées au cœur de son univers névrotique qui nous disent pourquoi ce réalisateur a suscité tout au cours de sa vie, tant avec ses acteurs qu'avec ses proches, des relations amour-haine qu'il entretenait lui-même avec le cinéma.


Extrait de son journal du 22 mars 1983 (Après avoir terminé le tournage d'Après la répétition) : "I don't ever want to make films again. I want to quit, I want peace. I don't have the strenght anymore, neither psychologically nor physically." En fait, il tournera encore 3 autres films, mais pour la télévision.

Oscars 1973. Meilleur film en langue étrangère

Visionné, la première fois, en septembre 1973,au cinéma à Madrid
Seul, à Madrid, en sortant du cinéma, je vois à la une des journaux dans les kiosques, la mort de Salvador Allende lors du renversement de son gouvernement par Augusto (sic) Pinochet. Grande tristesse au pays de Franco-la-muerte.
Le film de Bunuel est disparu rapidement de mon écran radar, entraîné par la tourmente de la vie nocturne madrilène que je découvrais, ahuri et complètement séduit. En le revoyant aujourd'hui, j'ai vraiment l'impression de le voir pour la première fois. J'avais tout oublié sauf peut-être l'impression que tout le film était un huis-clos autour de la table.
Mon 100ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 25 janvier 2023