10 février 2025

438. Hawks : The Big Sleep


Le Grand sommeil

Film américain réalisé en  1946 par Howard Hawks.
Avec Humphrey Bogart (Philip Marlowe), Lauren Bacall (Vivian), John Ridgely, Martha Vickers, Dorothy Malone
Adaptation de William Faulkner du roman éponyme (1939) de Raymond Chandler. C'est le premier roman mettant en scène Philip Marlowe, célèbre détective privé.

Film noir à la narration opaque. Essayer de s'y retrouver dans le déroulement de l'intrigue est peine perdue. C'est la deuxième fois que je voie ce film et je ne réussis toujours pas à comprendre de quoi il en retourne et surtout qui a tué qui. Aussi, il est difficile de comprendre comment la police n'est pas impliqué dans l'enquête entourant ces multiples meurtres. Même le romancier Chandler répondait au réalisateur à propos de l'intrigue qu'il n'en avait aucune compréhension.

Il faut voir ailleurs. Cet ailleurs c'est l'immense plaisir de voir évoluer Bogart et Bacall, pour moi le plus grand intérêt du film. Au passage, ils se marièrent six mois après le tournage.

Première image du générique : Bogart et Bacall s'allumant une cigarette. Soixante ans de campagne contre le tabac m'ont conditionné à trouver cette image déplaisante.

Un bout de dialogue :
    La blonde bibliothécaire : Vous ne ressemblez pas à un collectionneur de premières                 éditions.
    Marlowe : Je collectionne aussi les blondes en bouteille.

Le célèbre couple Bogart-Bacall dans un des quatre films qu'ils ont tournés ensemble.
Dans le plan précédent, un beau passage érotique quand Bogart demande à Bacall de se gratter la cuisse, ce qui n'a rien à voir avec le déroulement de l'action, évidemment.

Beaucoup de sous-entendus à caractère sexuel entre les deux vedettes parsèment le film. Lentement, Marlowe et Vivian vont tomber amoureux l'un de l'autre ce qui constitue un développement en parallèle avec l'intrigue policière.

Marlowe, le tombeur de ces dames. Une séquence échappe au code Hays : celle de la rencontre entre Marlowe et la libraire (Dorothy Malone). Tous les signes (elle enlève ses lunettes, détache ses cheveux et ferment la boutique) montrent que les deux passent un bon moment ensemble et font un pied de nez aux censeurs.

Bogart consomme beaucoup de whisky comme souvent dans ses films. Il en est mort (cancer de l'oesophage). Il aurait dit avant de mourir : Je n'aurais jamais dû abandonner le whisky pour le martini (apocryphe).

Probablement, le seul film noir dans lequel l'on mentionne Marcel Proust.

Autre version : The Big Sleep réalisé en 1978 par Michael Winner. Avec Robert Mitchum, Sarah Miles, Joan Collins et James Stewart. 5.8

Visionné, la première fois, le 26 février 2007 sur DVD à Montréal.
Mon 438ème film de la liste des 1001 films du livre de Schneider.


08 février 2025

437. Hitchcock : Rebecca



Film américain réalisé en 1940 par Alfred Hitchcock.
Avec Laurence Olivier (Mr. de Winter), Joan Fontaine (Mrs. de Winter), George Sanders, Judith Anderson (Mrs Danvers), Gladys Cooper, Florence Bates
D'après le roman éponyme (1936) de Daphne Du Maurier

Premier film d'Alfred Hitchcock réalisé en Amérique mais dont l'intrigue se passe en Grande-Bretagne.

Un choc: Hitchcock, en entrant dans le système des grands studios d'Hollywood, doit abandonner une grande part de son autonomie. Le réalisateur, à Hollywood, est un ouvrier comme les autres, sauf pour les grands noms. Les scénaristes et le producteur (qui a la dernière main sur le montage) ont préséance sur le réalisateur. Hitchcock s'adaptera à ce système en développant sa manière à lui de le contourner. 

Un prologue en forme d'épilogue. Une femme sans nom (comme le personnage de Joan Fontaine qui n'a que le nom de son mari) voit en rêve le château qu'elle habitait des années auparavant mais qui n'est plus qu'une ruine.

Trois parties dans ce film :
La 1ère partie se déroule sur la Côte d'Azur à Monte Carlo et ses environs. Soleil, humour et début d'un amour; on semble parti pour un Hitchcock inattendu du côté de la bonne humeur. Mais on ne perd rien pour attendre. La deuxième partie nous plongera dans un univers gothique. Au passage, le personnage joué par Florence Bates aurait fait une parfaite victime pour l'oncle Charlie dans Shadow of a Doubt.

2ème partie. Après le voyage de noces, le couple de Winter rentre à la maison - en fait un immense château fictif, Manderley, isolé au bout du monde à Cornwall (Cornouailles), pointe sud-ouest de la Grande-Bretagne. Commence alors la partie la plus formidable du film avec la terrible Mrs Danvers : mystère, inquiétude, terreur, paranoïa. Pauvre Mrs. de Winter (la menue Joan Fontaine est parfaite dans ce rôle), perdue dans cet atmosphère gothique et baignant dans un univers qui n'en a que pour Rebecca, l'ex-épouse de Mr. de Winter, disparue dans un accident nautique.

3ème partie. Le dénouement : un peu tordu, peu convaincant. Pour avoir une fin hollywoodienne, le producteur n'a pas respecté la fin du roman qui était plus sombre.

L'effrayante Mrs. Danvers. Judith Anderson

Un non-dit que la censure n'a pu oblitérer : l'amour de Danvers pour Rebecca.

L'image du château fictif, Manderley, a été construite à partir de maquettes miniatures et de l'utilisation de ''matte paintings''. On dit qu'il a inspiré le château Xanadu de Citizen Kane.


Oscars 1941. Meilleur film (le seul Oscar dans cette catégorie remporté par Hitchcock) et meilleure cinématographie à George Barnes

Visionné, la première fois, le 23 février 2007 sur DVD à Montréal.
Mon 437ème film de la liste des 1001 films du livre de Schneider.

05 février 2025

436. Capra : It's a Wonderful Life

 

La Vie est belle

Film américain réalisé en 1946 par Frank Capra. 
Avec James Stewart (George Bailey), Donna Reed, Lionel Barrymore (Potter), Thomas Mitchell, Henry Travers, Gloria Grahame, Beulah Bondi
Tiré de la nouvelle The Greatest Gift de Philip Van Doren Stern.

Un classique de Noel avec un personnage (Potter) qui nous rappelle Scrooge du conte de Noel de Dickens. Ce fut un flop à sa sortie. C'est dans les années 1970 que ce film devint le favori des films de fin d'année qu'on regarde, idéalement, emmitouflé près d'un feu de foyer.

Capra cherchait une histoire qui répandrait un baume chez les spectateurs qui en avaient bien besoin au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. Quand il découvrit, par hasard, la nouvelle de Van Doren Stern, il fut électrisé. 

Le lotissement de maisons individuelles de la compagnie de George Bailey préfigure le mouvement de suburbanisation qui déferlera sur l'Amérique dans les années 1950. 

Lors de sa tentative de suicide, George Bailey est sauvé par son ange gardien qui lui fait voir la vie désastreuse de son patelin qui deviendrait Pottersville (une ville dans la déchéance) s'il n'était jamais né. On ne peut pas faire autrement que de penser à Back to the Future II où l'on voit la vie comme elle aurait été si Biff Tannen avait mis la main sur le livre des résultats sportifs du futur.

Le message de l'ange gardien : ''One man's life touches so many others, when he's not there it leaves an awfully big hole,''

James Stewart est incontournable dans ce rôle de grand dadais philanthropique. Mais la manie de faire l'âne chez lui et chez ses collègues d'étude me tombe royalement sur les nerfs. Cette manie se retrouve dans un autre film que j'ai vu il y a longtemps et dont j'oublie le titre. Le collège américain où les étudiants imitent l'âne est le College of William and Mary en Virginie.

On peut voir ce film comme un conte qui  veut souligner la solidarité de tous les humains.

De grâce, évitez la version colorisée qui enragea Capra et Stewart.

Autre version : It Happened One Christmas réalisé en 1977 par Donald Wrye  avec Orson Welles dans le personnage de Potter. 6,0

Visionné, la première fois, le 21 février 2007 sur DVD à Montréal.
Mon 436ème film de la liste des 1001 films du livre de Schneider.

03 février 2025

435. Hitchcock : Rope


La Corde

Film américain réalisé en 1948 par Alfred Hitchcock.
Avec James Stewart, John Dall, Farley Granger, Cedric Hardwicke, Constance Collier, Joan Chandler
D'après la pièce Rope's End (1929) de Patrick Hamilton 

Un huis clos claustrophobique. Une pièce de théâtre qui respecte les règles classiques: unité de temps, de lieu et d'action. Tout ça serait un peu rasoir s'il n'y avait eu le génie scénique d'Hitchcock. On ne regarde pas ce film pour l'histoire mais pour sa mise en scène.

L'histoire est basée sur cette assertion: Les élites ont-ils le droit de vie ou de mort sur des êtres inférieurs. Un peu de Nietzsche à la rescousse peut être utile. Dans le cas de cette histoire peut-on parler d'un meurtre esthétique ?

Prouesse technique: Onze plans-séquence de moins de dix minutes (la capacité d'un magasin de pellicule) avec plusieurs raccords à partir du dos d'un protagoniste; si bien qu'on pourrait croire que le film a été tourné en un seul plan. À l'opposé, la réalisation de The Birds est constituée de 1360 plans. 

La caméra qui circule dans ce grand appartement new-yorkais pourrait être considéré comme le personnage principal du film.

On se demande comment le code Hayes a pu laisser passer cette histoire de deux homosexuels qui tuent un de leur ami par plaisir esthétique. Cary Grant et Montgomery Clift (gais dans le placard) avaient bien saisi que le couple de l'histoire était gai. Ils ont refusé l'offre de Hitchcock de jouer le rôle des deux meurtriers.

James Stewart a toujours cette allure de gars qui a de la difficulté à accepter sa grande taille. Il est toujours un peu penché.

Plusieurs références filmiques : James Mason, Cary Grant, Ingrid Bergman (clin d'œil à Notorious) et Mary Pickford.

Autre traitement de ce vrai fait divers par Richard Fleischer dans le film Compulsion réalisé en 1959. Avec Orson Welles. Ça semble valoir le détour d'après IMDB 7,4

Visionné, la première fois, le 19 février 2007 sur DVD à Montréal.
Mon 435ème film de la liste des 1001 films du livre de Schneider.

01 février 2025

434. HItchcock : Shadow of a Doubt

 

L'Ombre d'un doute

Film américain réalisé en 1943 par Alfred Hitchcock.
Avec Teresa Wright (Charlie, nièce), Joseph Cotten (Charlie, oncle), Macdonald Carey, Henry Travers, Patricia Collin, Hume Cronyn (a joué dans 90 films)
Au scénario, le grand dramaturge américain Thornton Wilder. Hitchcock est fier de voir un grand du monde littéraire s'associer à son oeuvre. C'est un peu comme une consécration de son travail. 

Film préféré de Hitchcock. On se demande bien pourquoi, vues les grandes œuvres de sa production.

Ouverture : un bal de la haute bourgeoisie avec en musique de fond la fameuse valse de Franz Lehar, Merry Widow, en dissonance.  La table est mise pour une histoire dramatique. Évidemment, on s'en doutait un peu en voyant le nom du réalisateur dans les crédits du film.
On retrouvera tout au long du film cette musique en leitmotiv.

Dans les premières séquences, l'arrivée du train en gare entourée d'une épaisse fumée noire ne signifie-t-elle pas l'arrivée du Diable (Cotten incarne le parfait personnage du Diable, sa carrière en sera marquée à jamais) comme le suggère Truffaut ? (Dans le livre  Truffaut-Hitchcock).  Le réalisateur acquiesce.

L'arrivée du train en gare est autrement plus polluante que celle des frères Lumière. Terrible ces locomotives qui fonctionnaient au charbon. Je me rappelle que dans mon enfance nous habitions, à Québec, près d'une voie ferrée. L'hiver, après le passage d'un train, la neige était criblée de points noirs (particules fines provenant de la combustion du charbon) - et alors, nos poumons ? 

Joseph Cotten et Teresa Wright. L'ombre d'un doute s'installe quand  elle se rend compte qu'il y une dédicace qui ne s'adresse pas à elle à l'intérieur de la bague. Cette bague qu'il entre dans le doigt de l'annulaire droite souligne le désir incestueux de l'oncle Charlie. Également, désir inavoué de la jeune fille pour son oncle.

Très comiques, les séquences entre le père de la jeune Charlie et son ami (Hume Cronyn) qui discutent de la meilleure façon de commettre un crime parfait ignorant que circule parmi eux un tueur de veuves parfait - un autre meurtrier écope de ses crimes.

Après la mort affreuse de l'oncle Charlie (qui aurait dû être la fin du film), il est un peu dommage qu'on ait ajouté une séquence pour faire une belle et satisfaisante conclusion.

Tout le tournage se fait en décor naturel dans la petite ville de Santa Rosa en Californie. La fille de Hitchcock explique pourquoi son père préférait ce film : '' C'était parce qu'il aimait introduire le danger dans une petite ville. ''

Visionné, la première fois, le 19 février 2007 sur DVD à Montréal.
Mon 434ème film de la liste des 1001 films du livre de Schneider.