30 avril 2023

304. Kieslowski : La Double vie de Véronique

1001 films de Schneider : La Double vie de Véronique


Film franco-polonais réalisé en 1991 par Krzysztof Kieslowski
Avec Irène Jacob dans le rôle des deux Véronique.

1988-1994, ce sont les années Kieslowski. 
Six films importants plus la série Dekalog, dix films pour la télévision. Impressionnante séquence arrêtée brutalement par son décès en 1996. 

Le film : Une même Véronique existe à deux moments et en deux lieux différents. On pourrait être tristement prosaïque en supposant que ce sont deux jumelles identiques séparées à la naissance mais le film nous amène, heureusement, dans un tout autre univers beaucoup plus complexe et envoutant.

La première partie (40 minutes), Veronika à Cracovie, est enlevée et intrigante ce qui ne se transpose pas dans la deuxième partie, Véronique à Paris.

On dirait que tout s'écrase dans la deuxième partie (60 minutes), on a peine à croire à toutes ces coïncidences et à tous ces hasards dans un scénario beaucoup moins intéressant. Pour tout dire, on s'ennuie un peu de la première Véronique. 

Une performance inoubliable d'Irène Jacob que l'on retrouve dans toutes les séquences. 

Ce qui me touche beaucoup c'est la relation très affectueuse entre les pères et leur Véronique, en manque de leur mère, décédée durant leur enfance.

Beau moment dramatique de la première partie: l'interprétation par Irène Jacob (doublée par la soprano polonaise Elzbieta Towarnicka) d'un chant composé par Zbigniew Preisner sur les paroles du second chant du Paradis de Dante Alighieri.


Beau moment dramatique

15 juillet 1966 naissance d'Irène Jacob; 23 novembre 1966, naissance des deux  marionnettes personnifiant les deux Véronique. Y a-t-il un lien ?

C'est, à Paris, en novembre 1988, que j'ai découvert Kieslowski : une œuvre terrible Tu ne tueras point. Puis le mois suivant, au cinéma L'Entrepôt dans Montparnasse, j'ai vu trois de ses premiers films : L'Amateur (1979), Le Hasard (1981) et No End (1985).

Critique. Cahiers du Cinéma. Juin 1991. Numéro 445. Kieslowski, cinéaste inconstant par Antoine de Baecque. 

Cannes 1991. Deux prix pour le film. Meilleure actrice à Irène Jacob

Visionné, la première fois, le 4 juillet 1992 en VHS à Montréal.
Mon 304ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider


16 avril 2023

303. Stone : JFK

1001 films de Schneider : JFK

Film américain réalisé en 1991 par Oliver Stone
Un casting d'enfer : Kevin Costner (juge Garrison), Gary Oldman (Oswald), Joe Pesci, Jack Lemmon, Walter Matthau, Donald Sutherland, Kevin Bacon, Tommy Lee Jones, Sissy Spacek, Vincent D'Onofrio, Laurie Metcalf, Beata Pozniak, 

Le meurtre le plus célèbre de tous les temps revu et corrigé dans ce docudrame d'Oliver Stone. Le mot important de la phrase, c'est docudrame - des faits historiques mêlés à des éléments de fiction ; ce qui entache largement la crédibilité d'un tel film.

Ceux qui vivaient à ce moment-là se souviennent tous où ils étaient et ce qu'ils faisaient au moment où ils ont appris la mort de Kennedy. J'étais dans la salle d'attente d'un ophtalmologue sur la rue St-Jean à Québec, je venais de sortir du collège que je fréquentais, le Collège Universitaire Garneau.

Les deux seules enquêtes gouvernementales :
1964. La Commission Warren. Un seul tireur, Oswald, donc pas de conspiration. Cette enquête baclée : ''gazoline to paranoia''. 
1979. Le Comité restreint de la Chambre sur les assassinats. Plus d'un tueur donc probablement une conspiration. Impossible de connaitre l'autre ou les autres tueurs donc impossible de découvrir le contenu de cette conspiration.

En dehors de ces deux enquêtes, des dizaines de théories ont été révélées sans jamais déboucher sur aucune adhésion collective. J'adore ce titre : Vincent QuivyQui n'a pas tué John Kennedy?

La plus sérieuse des enquêtes est celle présentée dans le film d'Oliver Stone : celle du procureur de la Nouvelle-Orléans, Jim Garrison. On peut la retrouver dans son bouquin de 1988 : On the Trail of the Assassins : My Investigation and Prosecution of the Murder of President Kennedy.

JFK : une docufiction qui vous bombarde littéralement de faits pendant 205 minutes (director's cut). À certains moments, on est carrément groggy par le montage à la mitraillette qui nous embrume plus qu'autre chose. On reste pantois devant cette montagne d'informations qui met en pièces le rapport Warren mais qui, finalement, n'aboutira à aucune inculpation.

Curiosité : C'est Jim Garrison, lui-même, qui interprète le rôle du président de la commission Warren, Earl Warren.

Selon les Archives nationales américaines, ce sont désormais 97% des cinq millions de pages du dossier qui sont accessibles à tous. La vérité se cache-t-elle dans les 3% restant qui seront rendus publics en 2029. On peut raisonnablement penser que les documents qui compromettraient le gouvernement américain dans cet assassinat ont été détruits depuis longtemps. Tiens, encore un complot !

Critique. Cahiers du Cinéma. Février 1992. Numéro 452. Le cas K. par Camille Nevers

Oscars 1992. Deux statuettes : Montage et cinématographie.

Visionné, la première fois, le 28 juin 1992 en VHS à Montréal.
Mon 303ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider

302. Holland : Europa, Europa

1001 films de Schneider : Europa, Europa
Titre allemand : Hitlerjunge Salomon (Le Jeune hitlérien Salomon)



Film franco-allemand-polonais réalisé en 1990 par Agnieszka Holland 
Avec Marco Hofschneider, André Wilms, Ashley Wanninger, Klaus Abramowsky, Michèle Gleizer, Delphine Forest, René Hofschneider, Julie Delpy.

À 97 ans, vient de mourir en Israël, le 2 février 2023, Salomon Perel dont la vie, sous Hitler, d'abord décrite dans son autobiographie, I Was Hitler Youth Salomon, a été adaptée par Agnieszka Holland sous le titre Europa Europa.

Comment être un juif de 16 ans et réussir à passer à travers l'enfer hitlérien en faussant son identité et par une accumulation totalement incroyable de coïncidences. Il y a du Candide de Voltaire dans ce personnage.

Le père de Salomon qui, face à l'antisémitisme violent qu'il subit en restant en Allemagne, puis en Pologne sous occupation nazie, dit qu'il ne peut rien arriver de tragique à sa famille. Encore et toujours, dans les films traitant de la Shoah, cet aveuglément involontaire des Juifs face à la montée lente mais inexorable du génocide. Il était impossible pour les Juifs d'imaginer qu'un État puisse projeter d'exterminer tout un peuple, l'exemple de l'extermination massive des Arméniens au début du siècle n'étant pas encore connu.

La contribution française à la production du film : Julie Delpy 8 minutes et 18 secondes. Faible contribution mais elle est sur toutes les affiches du film. On a même eu le culot de produire cette affiche pour le marché français.
Ajoutez un titre insignifiant et on a un concurrent pour le concours de l'affiche de cinéma la plus hors-contexte. 



Moment mémorable : Salomon qui traverse le ghetto de Lodtz en tramway dont les vitres sont badigeonnées pour éviter aux Allemands de voir l'horreur de la vie dans le ghetto. Salomon, tant bien que mal, arrive à apercevoir les cadavres qu'on empile et peut-être même entrevoir sa mère.

Critique. Cahiers du Cinéma. Novembre 1990. Numéro 437. Par Joel Magny. 

Visionné, la première fois, le 20 juin 1992 en VHS à Montréal.
Mon 302ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider

01 avril 2023

301. Singleton : Boyz n the Hood

1001 films de Schneider : Boyz n the Hood
La Loi de la rue


Film américain réalisé en 1991 par John Singleton
Avec Hudhail Al-Amir, Laurence Fishburne, Lloyd Avery Cuba Gooding Jr, Ice Cube, Mia Bell, Morris Chestnut, Angela Bassett, 

Prologue du film : ''One out of every 21 Black American males will be murdered in their lifetime. Most will die at the hands of another Black male.'' 

Cette phrase est suivie du symbole routier STOP. Ordre qui ne sera pas suivi comme on sait.

Trente ans plus tard, les meurtriers et les victimes noirs sont, en proportion, huit fois plus importants que chez les Blancs.
 
Malgré toutes les campagnes de Black Lives Matter qui pointent du doigt les meurtres de Noirs par des policiers Blancs ou Noirs, ce sont, quand même, les Noirs qui tuent des Noirs aux États-Unis. Mais les médias n'abordent jamais ce sujet. Mais les films n'abordent jamais ce sujet. C'est dire, à quel point, Boyz n the Hood est courageux d'identifier les vrais problèmes que vivent les Noirs dans leur quartier.

De nos jours, quand on réalise un film sur la question noire, c'est toujours pour souligner leur position de victime dans l'Histoire : esclavage, lynchage, discrimination, luttes civiques. Qui aura le courage d'aborder les questions sociales vécues par la communauté noire ? Par exemple, qui osera aborder la question de la démission de l'homme noir dans le milieu familial ? Qui osera aborder la question des gangs de rue ? Qui osera parler de responsabilité ?

Année après année, c'est toujours le même film qui repasse : les Noirs en tant que victime de l'Histoire. Et les Blancs, les larmes aux yeux, ont des tonnes de compassion à distribuer et un énorme mépris pour leurs ascendants qui ont pu participer à de telles exactions comme si, dans les mêmes circonstances et à cette même époque, ils se seraient comportés différemment. 

Boyz in the Hood, ce presque documentaire, est toujours d'actualité et devrait donner naissance à une pléthore de films sur le sujet. Il existe, en effet, plusieurs films qui abordent les problèmes sociologiques de la communauté noire (Bill Duke, Mario van Peebles, les premiers films de Spike Lee) mais ce ne sont jamais ces films qui atteignent des cotes de grande popularité et qui se retrouvent aux Oscars.

Aux Oscars : BlacKkKlansman (2018) de Spike Lee (on s'ennuie de son Do the Right Thing) et Black Panther (2018) de Ryan Coogler (la revanche des perdants de l'Histoire) et Marvel remet ça avec Black Panther : Wakanda Forever du même Coogler (2022). De victime à conquérant : il me semble qu'il y aurait une place entre les deux pour des films comme Boyz in the Hood.

Séquences surprenantes et courageuses de la part du réalisateur : démontrer la violence d'un policier noir contre des Noirs. On sort du manichéisme bon noir - méchant blanc. 

J'aime bien aussi la remarque d'un personnage féminin qui dit qu'à la télé, on présente quotidiennement la violence dans des lieux à l'autre bout du monde, alors qu'ils ne parlent jamais de nos gamins qui meurent dans les rues de nos quartiers.

Critique. Cahiers du Cinéma. Septembre 1991. Numéro 447. Les garçons du quartier (ne riez pas!!!) par Vincent Ostria. 

Auto-édition du deuxième tome (films 101 à 200) du Parcours d'un cinéphile.

Visionné, la première fois, le 17 juin 1992 en VHS à Montréal.
Mon 301ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider