26 février 2007

22. Wajda : Cendres et diamants

1001 films de Schneider : Cendres et diamants


Film polonais réalisé en 1958 par Andrzej Wajda
Avec Zbigniew Cybulski, Ewa Krzyzewska, Adam Pawlikowski

Le cinéma de l'Europe de l'Est dans les années 50, c'est d'abord le cinéma polonais. Et parmi les cinéastes polonais, Andrzej Wajda sera le pionnier qui ouvrira les portes à cette nouvelle cinématographie, ignorée jusque-là à l'Ouest.

Le 8 mai 1945, jour de la reddition de l'Allemagne nazie, c'est la fin de la guerre en Europe de l'Ouest. Mais, en Pologne, une autre bataille prend forme : la lutte entre les résistants nationalistes et les communistes appuyés bientôt par le régime soviétique. C'est dans ce contexte que se déroule Cendres et diamants sur une période de 24 heures du 8 au 9 mai 1945.

Mais ce n'est pas dans le traitement du contexte politique de cette période que réside l'intérêt de ce film. C'est le parcours chaotique de Maciek (Zbigniew Cybulski) au cours de cette nuit de festivités qui nous intéresse. Ce personnage, totalement antipathique au début du film, devient de plus en plus attachant au cours de cette nuit où tout se joue pour lui.

Cybulski défonce littéralement l'écran. Avec sa dégaine à la James Dean (dont il a vu le film Rebel Without a Cause, à Paris) , ses cheveux gominés et ses lunettes noires, il se démarque totalement de tous les autres personnages qui, eux, vivent en 1945, alors que lui est un jeune adulte à la mode de 1956. Il est bien clair qu'attifé de cette façon, Maciek ne peut pas être un résistant polonais de 1945. Cet anachronisme qui pourrait enlever de la crédibilité au film ne gêne pas : la performance de Cybulski est telle qu'on oublie cet accroc à l'histoire.

Des scènes fortes et inoubliables (ça c'est de la rhétorique parce que je ne me souvenais absolument pas de ce film que j'avais vu au ciné-club de Radio-Canada, il y a 40 ans!), foisonnent tout au long du film : la scène de tendresse et de désespoir entre Maciek et la serveuse du bar; ces deux-là discutant dans une église dévastée, séparée par un immense crucifix, la tête en bas; le commissaire, tué par balle qui vient mourir dans les bras de son assassin (Maciek) alors que les feux d'artifice commémorant la fin de la guerre fusent dans le ciel; la danse de mort de Maciek dans le dépotoir qui marque la fin du film.

Wajda dit qu'il a été beaucoup influencé par les films policiers américains, ce que nous appelons le film noir. Il salue Asphalt Jungle de John Huston en faisant intervenir d'une manière un peu surréaliste un cheval blanc au milieu de la nuit. Référence à la fin tout à fait époustouflante de Asphalt Jungle où l'on retrouve la mort du personnage principal au milieu d'un champ entouré de chevaux.

Tour de force : Dans un film polonais traitant de la 2ème guerre mondiale, il n'y aucune mention du génocide juif, ni de l'élimination du ghetto de Varsovie.

Zbigniew Cybulski, acteur lancé par Wajda, fut comparé à James Dean. Sa carrière fut également écourtée quand il tomba sous un wagon de train en marche. Il n'avait que 39 ans.

Critique : Cahiers du Cinéma. Décembre 1959. Numéro 102. Striptease polonais par Louis Marcorelles.
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Venise 1959. Prix de la critique internationale.

Visionné, la première fois, en 1967 à la télévision à Québec
Mon 22ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 30 janvier 2023

22 février 2007

21. Antonioni : L' Avventura

1001 films de Schneider : L'Avventura



Film italien réalisé en 1960 par Michelangelo Antonioni
Avec Gabrielle Ferzetti, Monica Vitti, Lea Massari, Dominique Blanchar, Renzo Ricci.

Bienvenue dans les années 60.
En parallèle avec la Nouvelle Vague française, le nouveau cinéma italien fait faire un bond en avant à l'histoire du cinéma. L'histoire du 7ème art procède par seuils. Pendant des années, tout le monde répète les mêmes formes pour illustrer les mêmes contenus puis, tout à coup, sans consensus pré-établi, de nouvelles formes apparaissent et les contenus sont dépoussiérés et traités sous un tout nouvel angle.

L'Avventura est seul en avant de l'avant-garde.
Le soir de la première au festival de Cannes de 1960, les spectateurs ont ri pendant toute la durée du film et l'ont hué copieusement à la fin. Monica Vitti sort de la projection en pleurs. L'équipe d'Antonioni est au désespoir. Mais au matin, Antonioni trouve à la porte de sa chambre une pétition de dizaines de personnalités du cinéma (acteurs, réalisateurs, critiques, producteurs) qui acclament le film en le qualifiant de plus grand film jamais réalisé jusqu'à ce jour. Le film devint rapidement reconnu comme étant un des grands chef-d'œuvre de l'histoire du cinéma.

Quand j'ai vu ce film, un soir, très tard, au ciné-club de Radio-Canada, je n'avais pas du tout le goût de rire. J'avais plutôt l'impression de mourir d'ennui. Les longs plans-séquences en noir et blanc étaient une vraie torture. (Des "méchants" ont inventé le terme "Antonioniennui".) De plus, à l'instar des spectateurs de Cannes, je ne comprenais pas vraiment l'histoire qui se déroulait à l'écran. Un sentiment de colère se développait en parallèle avec le déroulement de l'action, si on peut dire. Qu'est devenue le personnage principal (Anna) qui disparaît définitivement de l'écran à la 27ème minute (encore deux heures de film à venir) ?

Je ne crois pas qu'aucun réalisateur ait oser, à ce jour, conter une histoire qu'il abandonnait graduellement en cours de route et qui se terminait sans aucune référence à l'événement dramatique qui semblait le cœur de l'œuvre. J'eus l'impression qu'on avait abusé de ma bonne foi alors qu'Antonioni se tuait à nous montrer que la seule et vraie histoire du film résidait dans son illustration de l'impossibilité du couple.

En revoyant ce film plusieurs années plus tard, j'ai pu enfin me réconcilier avec lui.

En concentrant mon attention sur l'expérience amoureuse de Claudia, mettant ainsi en arrière-plan l'épiphénomène de la disparition d'Anna, j'ai découvert l'itinéraire amoureux d'une femme qui voit croître, dans la culpabilité, une passion amoureuse pour l'ex-amant de son amie. "Il y a trois jours j'avais peur qu'elle (Anna) soit morte. J'aurais pu mourir aussi. Maintenant, j'ai peur qu'elle soit vivante".

On reste estomaqué par la photographie des scènes sur l'île Lisca Bianca près de la Sicile, plus particulièrement les images du changement du temps. D'ensoleillée et calme, la mer devient houleuse sous l'orage et la tornade. Monica Vitti (que je préfère en brune, voir la scène où elle porte une perruque foncée) est une révélation dans les scènes sur l'île. Antonioni la révèle dans des plans qui montrent tout l'amour qu'il porte à son actrice préférée.

Tout le film se passe en Sicile. Antonioni s'amuse à souligner le caractère très machiste des Siciliens. On assiste à une émeute de mâles lors de l'arrivée d'une pin-up dans une petite ville. Plus tard, lorsque Claudia (Vitti) est seule sur une place d'un village alors que son amoureux Sandro (Ferzetti) est entré à la pharmacie, on voit graduellement un attroupement d'hommes qui la regardent de plus en plus près. Hitchcock s'est peut-être inspiré de cette scène pour montrer la montée d'angoisse de ses principaux personnages dans The Birds lorsque les oiseaux s'attroupent graduellement autour d'eux.

CritiqueCahiers du Cinéma. Novembre 1960. Numéro 113. Le Facteur rhésus et le nouveau cinéma par Jacques Doniol-Valcroze.
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Cannes 1960. Prix du jury
Cahiers du Cinéma : Dans la liste des 10 meilleurs films de l'année 1960

Visionné, la première fois, en 1967 à la télévision à Québec
Mon 21ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 11 janvier 2023

20 février 2007

20. Sturges : The Great Escape

1001 films de Schneider : The Great Escape
La Grande évasion



Film américain réalisé en 1963 par John Sturges
Avec Steve McQueen, James Garner, Richard Attenborough, Charles Bronson, James Coburn, Donald Pleasance

Basé sur une histoire vraie qui s'est passée dans le Stalag Luft III en Allemagne au cours de la seconde guerre mondiale, ce film raconte la réussite partielle d'une tentative d'évasion de 250 prisonniers, le 24 mars 1944. En fait, seulement 76 prisonniers réussirent à sortir du camp, une dizaine furent pris et ramenés au camp tandis qu'une cinquantaine d'autres furent abattus par la Gestapo. Seulement 3 prisonniers ont pu s'échapper définitivement.

Le massacre des 50 évadés a été considéré comme un crime de guerre pendant les procès de Nuremberg.

Le film est intéressant sur le plan des techniques mises en œuvre pour accomplir une évasion massive, quoique je préfère la tension dramatique du creusage du tunnel dans le film Le trou de Jacques Becker.

Mais, ce qui est le plus frappant, c'est la qualité de vie qu'on retrouvait dans un tel camp. C'est vraiment le Hilton des camps de prisonniers en Allemagne. On reste pantois devant ce spectacle presqu'indécent alors que dans les régions avoisinantes, la Shoah était en marche depuis au moins 4 ans dans des conditions autrement plus éprouvantes, si on me passe cet euphémisme.

Comment pouvait-on tourner un tel film alors qu'on venait d'apprendre par le procès de Eichmann qui s'était terminé en juin 1961, un an avant le début du tournage du film, l'immonde génocide juif.

Le film ne montre à aucun moment la difficulté de la vie de prisonniers. On a l'impression d'assister à une partie de cache-cache entre les prisonniers et leurs gardiens. Les barbelés dorés d'Hollywood !

Le clou du spectacle : la poursuite en moto du personnage joué par Steve McQueen qui est le seul épisode non historique du film. Scène exigée par McQueen lui-même qui désirait démontrer son habileté. On croit rêver. MGM utilisa un photomontage de cette poursuite pour faire l'affiche du film dénaturant ainsi tout le propos du film.

Au festival international du film de Moscou, le film provoqua un scandale : le public russe fut choqué de voir la manière dont étaient traités les prisonniers des troupes de l'Ouest.

Visionné, la première fois, en 1967 à Québec
Mon 20ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 11 janvier 2023

17 février 2007

19. Truffaut : Jules et Jim

1001 films de Schneider : Jules et Jim



Film français réalisé en 1962 par François Truffaut
Avec Jeanne Moreau, Oskar Werner, Henri Serre

Jules et Jim d'accord, je veux bien, mais, en fait, surtout Catherine, non?

La caméra et le Truffaut n'en ont que pour elle. Elle est le vrai tourbillon de la chanson du film.

Jeanne Moreau, déjà 34 ans, inonde le film de sa présence. Les deux acteurs masculins sont périphériques et on a l'impression qu'ils sont encore plus médusés par les qualités d'actrice de Moreau que leur personnage ne le sont par l'insaisissable Catherine.

La révolution de ce film repose sur une nouvelle approche du triangle amoureux. Nous étions habitués depuis belle lurette tant dans les films d'Hollywood que dans les films du cinéma français-à-papa à voir les compétiteurs du triangle s'entre-déchirer. Ici, l'amitié est plus forte que la compétition amoureuse. Les deux amis, Jules et Jim (il faut prononcer Djim), ne sont jamais en conflit au sujet de Catherine. Élégamment, ils cèdent à tour de rôle leur place dans le cœur de leur belle amoureuse.

C'est une nouvelle éthique amoureuse. C'est la Nouvelle Vague en marche. On ne réinvente pas seulement le cinéma mais aussi la vie.

Mais, à 20 ans, j'ai eu de la difficulté à entrer dans cette nouvelle éthique. Je me souviens que le personnage de Catherine m'avait mis en colère. J'avais de la difficulté à accepter qu'une femme puisse à ce point manipuler les sentiments amoureux de deux amis. Et l'amour libre pour une femme, comme pour le personnage féminin de la pièce de Strindberg que les deux amis détestent, était insupportable pour la morale conservatrice des jeunes provinciaux de Québec dont j'étais. En plus, je n'étais pas un fan de Jeanne Moreau dont je trouvais le visage trop vulgaire. J'étais encore marqué par le rôle de pute que Jeanne Moreau avait joué dans le film de Joseph Losey, Eva, que j'avais vu quelques années auparavant. Je préférais les beaux visages de "jeunes filles pures" de Catherine Deneuve (Les Parapluies de Cherbourg) ou de Claude Jade (Baisers volés, Domicile conjugal).

Jules et Jim étaient-ils gais ? Voilà une question de notre temps que je n'ai jamais vu aborder nulle part. Le seul indice du film : Jim raconte à Jules qu'il écrit un roman à propos de deux amis dont les voisins trouvent qu'ils ont des mœurs un peu spéciales. Serait-ce l'explication à leur tolérance mutuelle vis-à-vis l'amour qu'ils portent à Catherine qui, normalement, les ferait d'entre-déchirer?

Scène cocasse : Thérèse (Marie Dubois) qui fait le train à vapeur avec le bout allumé de la cigarette dans la bouche.

Une citation de Truffaut résume ce film : "Je commence un film croyant qu'on s'amusera pour me rendre compte, en chemin, que finalement seule la tristesse le sauvera"

Une brise des années 60 :
"Elle avait des bagues à chaque doigt,
Des tas de bracelets autour des poignets,
Et puis elle chantait avec une voix
Qui, sitôt, m'enjôla."
Le tourbillon, chanson de Cyrus Bassiak, interprétée par Jeanne Moreau.

Critique. Cahiers du Cinéma. Mars 1962. Numéro 129. Les Tourbillons élémentaires par Michel Delahaye.
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Cahiers du Cinéma. Dans la liste des dix meilleurs films de l'année 1962

Visionné, la première fois, en 1967 à Québec
Mon 19ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 11 janvier 2023

12 février 2007

18. Dreyer : Ordet

1001 films de Schneider : Ordet.
La parole



Film danois réalisé en 1955 par Carl Theodor Dreyer
Avec Henrik Malberg, Emil Hass Christiansen, Birgitte Federspiel, Preben Lerdoff Rye

Film réputé pour avoir présenté la plus fameuse scène de miracle de l'histoire du cinéma.

Comme pour plusieurs de ses films, Dreyer nous entraîne dans un monde où la foi est une problématique quotidienne. Dans ce monde noir et blanc, plus blanc que noir contrairement aux films de l'expressionnisme allemand plus portés sur le noir, la croyance en Dieu est au cœur de la vie des personnages.

Pendant une grande partie du film, on se laisse porter un peu insensiblement par ce scénario à la sauce chrétienne dans un décor nordique épuré. Puis, tout à coup, après le décès de la jeune femme lors de son accouchement, on nous assène cette formidable scène qui nous perturbe, tout non-croyant que nous sommes.

Parlons de cette scène : la jeune femme, étendue dans son cercueil, les mains croisées sur sa robe blanche. Nous voyons son visage en contreplongée, derrière lequel, tout habillé en noir sauf pour la collerette blanche, se trouve, debout, son non-croyant de mari. Près du cercueil, le frère du mari, considéré comme fou à cause de ses délires mystiques. Il demande à la petite fille de la défunte si elle croit qu'il peut ressusciter sa mère. "Oui, mon oncle". Il lui dit alors : "Ta foi est grande. Qu'il soit fait comme tu le veux. Regarde ta mère, quand je prononcerai le nom de Jésus, elle se lèvera." Nous ne voyons d'abord ce miracle de la résurrection que grâce au visage de la petite fille qui se détend et qui se met à sourire : un direct au cœur!

Résurrection miraculeuse ou retour de catalepsie. Dreyer nous laisse le choix et nous abandonne dans cette secousse émotive peu banale.

C'était ma période ciné-club de Radio-Canada. Les mardis soir, à 23 heures, commençait le film d'art et d'essai : en noir et blanc, peu ou pas d'intrigue, sous-titrage souvent blanc sur fond blanc (misère!), questionnement existentiel, autrement dit, du gros boulot qui s'étendait parfois jusqu'à 2 heures du matin. Mais, heureusement avec, quelquefois en prime, des scènes érotiques osées, en dehors des standards des films américains qui inondaient nos écrans d'alors.

Critique. Cahiers du Cinéma. Janvier 1956. Numéro 55. Une Alceste chrétienne par Éric Rohmer.
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Venise 1955. Lion d'or
Cahiers du Cinéma. Dans la liste des 10 meilleurs films de l'année 1955

Visionné, la première fois, en 1967, à l'émission du ciné-club de Radio-Canada à Québec
Mon 18ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 11 janvier 2023

10 février 2007

17. Truffaut : Les Quatre cents coups

1001 films de Schneider : Les Quatre cents coups



Film français réalisé en 1959 par François Truffaut
Avec Jean-Pierre Léaud, Claire Maurier, Albert Rémy, Guy Decomble
Apparitions furtives de célébrités de la Nouvelle Vague : Jean-Claude Brialy, Jeanne Moreau, Philippe de Broca, Jacques Demy, Jean Douchet.

François Truffaut, en apparaissant dans son propre film, rend hommage à son maître de tout temps, Alfred Hitchcock, qui avait cette habitude d'apparaître très discrètement dans chacun de ses films.

Cette année 1959, marquera le début d'une révolution dans le cinéma français. Ce qu'on appellera la Nouvelle Vague vient au monde. Les films ne seront plus jamais tournés de la même façon, pense-t-on. Le film, tel un roman, est l'œuvre d'une seule personne. Le réalisateur devient l'auteur de son film. Deux films annoncent cette nouvelle approche en cette année 1959 : Les Quatre cents coups de François Truffaut et À bout de souffle de Jean-Luc Godard.

Les Quatre cents coups, c'est le film d'adolescent en difficulté le plus touchant qu'il m'ait été donné de voir. Quand on sait que c'est un film d'autofiction, on en est encore plus chamboulé. En effet, cet Antoine Doinel incarné par Jean-Pierre Léaud, c'est François Truffaut à 13 ans. Suite à la sortie de ce film, sa mère et son père adoptif ont coupé tout contact avec lui pendant 3 ans. 

Débute avec ce film, le cycle Antoine Doinel : quatre autres films suivront dans lesquels on accompagnera Doinel dans son cheminement amoureux aux côtés de l'actrice Claude Jade.

J'ai revu, à quelques reprises, ce film et, à chaque fois, je restais surpris de voir que ce film ne vieillissait pas. Ma fille de 13 ans, férue de Matrix et autres Harry Potter, a adoré lorsque nous l'avons vu ensemble il y a 2 ans.

Des moments inoubliables : le vol de la machine à écrire, l'interview avec la psychologue (Léaud improvise), les déambulations dans Paris en hiver, la justification de l'absence scolaire d'Antoine "C'est ma mère...m'sieur, elle est morte", sa mère entrevue dans la rue au bras d'un amant.

Le regard-caméra : le film se termine sur l'arrêt de l'image d'Antoine qui se retourne et nous regarde, nous demandant presque : "Et vous, que feriez-vous, à ma place?" Rappel d'une technique déjà utilisée par Ingmar Bergman dans
Un été avec Monika (1953) : histoire d'une fuite également, celle de Monika, interprétée par la jeune Harriet Andersson, 21 ans.

Lecture cinéphilique Le dictionnaire Truffaut, éditions de la Martinière. 2004.

Critique. Cahiers du Cinéma. Mai 1959. Numéro 95. Du côté de chez Antoine par Jacques Rivette. Juillet 1959. Numéro 97. La Première personne du pluriel par Fereydoun Hoveyda.
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Cannes 1959. Deux prix dont celui du meilleur réalisateur.
Cahiers du Cinéma : Dans la liste des 10 meilleurs films de l'année 1959

Visionné, la première fois, en 1967 à Québec
Mon 17ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 11 janvier 2023

07 février 2007

16. Demy : Les Parapluies de Cherbourg

1001 films de Schneider : Les Parapluies de Cherbourg



Film français réalisé en 1964 par Jacques Demy
Avec Catherine Deneuve, Nino Castelnuovo, Anne Vernon
Musique : Michel Legrand

Œuvre déconcertante mais combien attachante.
Déconcertante parce qu'œuvre si différente des comédies musicales américaines dans lesquelles l'action est ponctuée de chansons et de danses.
Ici, pas de danse; tout le dialogue est chanté, même la partie à la station-service durant laquelle un personnage choisit son type d'essence en chantant. Si l'on ne s'intrique pas dans le déroulement de ce mélodrame larmoyant, l'on poufferait de rire.

On se surprend à aimer ce film qui a toutes les allures d'un roman-photo. Mais comment résister à cet himalaya (on se calme!) de tendresse qui baigne le si beau visage de Catherine Deneuve, 
20 ans, la Grace Kelly du cinéma français, pour les adorateurs de la princesse de Monaco.

"Has there ever been an actress in the history of the movies who has changed as little and aged as slowly as Catherine Deneuve? (Robert Ebert, critique et admirateur éperdu). Des méchants, dont je suis, pourraient abonder dans ce sens en disant, qu'en effet, Deneuve n'a jamais changé; elle joue toujours de la même façon quelque soit le personnage qu'elle interprète.

Les Parapluies de Cherbourg est seulement le 2ème film musical français. Seul Abel Gance s'était risqué à réaliser un film musical auparavant : il s'agissait de Louise, réalisé en 1939 à partir d'un opéra-comique de Gustave Charpentier.

J'ai vu ce film au Cinéma de Paris à Québec. C'était un édifice qui avait été conçu pour le théâtre au début du siècle (le XXème) mais converti en cinéma : beaucoup de plâtre, des rideaux cramoisis, balcon et corbeilles, rosaces au plafond, fauteuils; à l'antipode des cinémas d'art et d'essai qui commençaient à pousser à cette époque. J'ai vu ce film avec mon premier amour (durée : 2 mois (la relation pas le film). C'est ce qu'on appelle loving on the fast track). 
Elle n'a jamais pu se faire à ce film chanté; elle riait la plupart du temps. J'en fus terriblement mortifié; on n'est jamais retourné au cinoche ensemble, ni nulle part, d'ailleurs.

Critique. Cahiers du Cinéma. Mai 1964. Numéro 155. Les Horizons perdus par Paul Vecchialli
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Cannes 1964. Palme d'or et deux autres prix.

Visionné, la première fois, en juillet 1966, au Cinéma de Paris à Québec


Mon 16ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
 Mis à jour le 28 janvier 2023

05 février 2007

15. Fellini : Juliette des esprits

1001 films de Schneider : Juliette des esprits


Film italien réalisé en 1965 par Federico Fellini
Avec Giulietta Masina, Sandra Milo, Mario Pisu, Valentina Cortese

Fellini plonge dans la couleur. Elle est éclaboussante, cette couleur. Trop peut-être.

L'univers de Fellini se couche définitivement sur l'écran.

Beaucoup des films qui suivront, referont le même chemin de l'exubérance, de l'outrance, de l'onirisme et de l'érotisme un peu caricatural.

La beauté de ce film, il faut la trouver dans cette petite bonne femme, pas très intéressante, pas très jolie mais combien touchante, combien attachante, du personnage jouée par Giulietta Masina, l'épouse du réalisateur. On ne peut s'empêcher de voir dans le regard triste de Giulietta, toute la difficulté d'être l'épouse de cet énorme ego.


Giulietta, opposée à Sandra Milo, la fontaine à fantasmes de Fellini, déjà présente dans , nous arracherait presque les larmes par son comportement de midinette dans cet immense cirque fellinien.

Omniprésence de la musique de Nino Rota qui fera la musique de presque tous les films de Fellini, jusqu'à sa mort en 1979.

J'ai vu ce film au cinéma Empire sur la rue de la Fabrique dans le Vieux-Québec. Ce cinéma était le seul endroit à Québec où l'on retrouvait les films de la Nouvelle Vague française et ceux des grands réalisateurs italiens, espagnols ou suédois. Il disparut au cours des années 1970 pour laisser la place à une sorte de musée sur les costumes de Madame Bellay, une extravagante dame qui se présentait à tous les spectacles des grandes salles de Québec déguisée en Madame d'un autre siècle; un vrai personnage échappé d'un film de Fellini.

Entre 1970 et 1972, j'ai eu la chance d'habiter à deux pas du cinéma Empire sur la rue de la Fabrique dans le premier édifice de la compagnie Bell Téléphone à Québec : a fortiori, beaucoup de cinéma dans ma vie à cette époque.

Critique. Cahiers du Cinéma. Janvier 1966. Numéro 174. Cabiria trépanée par Jean-André Fieschi
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Visionné, la première fois, en 1966 au cinéma Empire à Québec
Mon 15ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 28 janvier 2023

04 février 2007

14. Godard : Le Mépris

1001 films de Schneider : Le Mépris


Film français réalisé en 1965 par Jean-Luc Godard
Avec Brigitte Bardot, Michel Piccoli, Jack Palance, Fritz Lang

Des couleurs plein l'écran, Brigitte Bardot, l'île de Capri, une affiche bête à pleurer, est-on vraiment dans un film de Jean-Luc Godard? Pourtant, si.

Godard met le pied dans le cinéma commercial. Une production dix fois plus coûteuse qu'À bout de souffle, tourné 3 ans auparavant. On est loin des budgets falots de la Nouvelle Vague.

Film produit par le tycoon Carlo Ponti, Le Mépris, si on avait écouté Godard, aurait eu Frank Sinatra et Kim Novak, pour acteurs principaux.

Mais, finalement, c'est Brigitte Bardot que Godard finit par convaincre qui jouera le rôle de la femme du scénariste joué par Michel Piccoli.

Notons la présence de Fritz Lang dans le rôle du réalisateur. Cet immense homme de cinéma (46 films réalisés) apparaît pour la première fois à l'écran depuis....1919.

Ce film est empreint de l'atmosphère cinéphilique des Cahiers du cinéma auquel Godard a collaboré pendant une dizaine d'années en tant que critique. Tout au long du film, il y a des indices de la culture cinéphilique de Godard : Chaplin, Griffith, Hawks, Ray, Minnelli et autres idoles de l'équipe des Cahiers. À vous de les trouver?

Deux phrases à méditer autour de son thé vert.
Godard : "Le Mépris prouve en 149 plans que dans le cinéma comme dans la vie, il n'y a rien de secret, rien à élucider, il n'y a qu'à vivre et à filmer."
Dans le générique du début, Godard dit : "Le cinéma, disait André Bazin, substitue à notre regard un monde qui s'accorde à nos désirs. Le Mépris est l'histoire de ce monde."
Ce fut, pour moi, une parenthèse ludique dans mon long cheminement douloureux mais essentiel à travers l'œuvre de Godard.

Dans le film, Godard s'amuse à déguiser B.B. en Anna Karina (voir Vivre sa vie)


















Coquinade érotique et légende cinéphilique : Jean-Luc Godard a eu l'idée de poser sur les fesses de Brigitte Bardot un roman de la Série noire intitulé Entrez sans frapper. Piccoli, trouvant probablement ce geste abusif, a fait retourner le livre pour ne pas que l'on puisse en lire le titre à l'écran. Maintenant, la réalité. Le titre du roman policier de John Godey, publié en 1961, est plutôt Frappez sans entrer. 

Critique. Cahiers du Cinéma. Février 1964. Numéro 152. Ouvert et fermé par Jean Narboni
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Cahiers du Cinéma. Dans la liste des 10 meilleurs films de l'année 1963.

Visionné, la première fois, en 1966 au cinéma à Québec
Mon 14ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 11 janvier 2023

02 février 2007

13. Ford : How Green Was My Valley

1001 films de Schneider : How Green Was My Valley
Qu'elle était verte ma vallée



Film américain réalisé en 1941 par John Ford
Avec Walter Pidgeon, Maureen O'Hara, Anna Lee, Donald Crisp, Sara Allgood, Roddy McDowall (271 présences au cinéma et à la télévision), Welsh Singers. 
Basé sur le roman How Green Was my Valley de Richard Llewellyn.

Pour être honnête, je n'avais pas vraiment de souvenir de ce film vu il y a 40 ans. Alors que je me souviens de nombreux films vus dans les années 60, cette "vallée verte" était perdue dans le brouillard d'une multitude de films hollywoodiens de cette époque.

Il semblerait que j'ai mal compris ce film puisque les membres de l'Academy Award lui ont donné l'Oscar du meilleur film de l'année 1941, le préférant à deux des plus grands films de l'histoire du cinéma, rien de moins que Citizen Kane et The Maltese Falcon. Ce pire choix de toute l'histoire des Oscars est probablement ce qui contribue le plus à la notoriété de How Green Was My Valley.

Elle était verte ma vallée avant l'arrivée de la révolution industrielle sous la forme d'une mine de charbon qui détruisit irrémédiablement l'environnement rurale traditionnel. 

L'histoire du film se passe aux Pays de Galles mais, comme la Grande-Bretagne essuyait le feu des avions allemands à cette époque, on a dû tourner le film en Californie près de Malibu dans un décor de 80 acres reproduisant le village et la mine.

Un beau regard ethnologique sur la chanson folklorique galloise. De beaux chants qui nous font oublier Malibu.

Oscars 1942. Cinq statuettes : film, acteur de soutien à Donald Crisp, réalisation, caméra, décor. 

Visionné, la première fois, en 1966 à Québec
Mon 13ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 13 janvier 2023