30 novembre 2007

59. Chytilova : Les Petites marguerites

1001 films de Schneider : Les Petites marguerites



Film tchécoslovaque réalisé en 1966 par Vera Chytilova 
Avec Ivana Karbanova et Jitka Cerhova

Les facéties de deux jeunes idiotes (dixit Chytilova), Marie 1 et Marie 2, qui tentent de comprendre le sens du monde tout en essayant de le subvertir.

Surréaliste, dadaïste, psychédélique, festif, ce film de la Czeck New Wave est une immense tarte à la crème lancée à la gueule des autorités politiques des pays communistes est-européens. Et pour être certaine que ceux-ci ont bien compris le message, Chytilova leur dédicace le film : "This film is dedicated to those whose sole source of indignation is a messed-up trifle".

Dans la société totalitaire de l'époque en Tchécoslovaquie, un tel film "décadent" et "élitiste" n'avait pas droit de vie, surtout après l'invasion des troupes du Pacte de Varsovie en août 1968. Sa réalisatrice, qui décida de rester malgré tout en Tchécoslovaquie, contrairement à son collègue Milos Forman, fut interdite de travail pendant 8 ans.

Souvent les critiques tombent dans l'hystérie de l'interprétation. Ils cherchent à tout prix à décrypter la volonté du réalisateur. Dans ce film, on a un bon exemple de l'échec de cette obsession. Exemple : Chytilova a utilisé de la pellicule noir et blanc et de la pellicule couleur. Des critiques se sont échinés à nous expliquer la signification de cette pratique, alors qu'il suffisait de demander. Vera Chytilova à Serge Daney des Cahiers du Cinéma en août 1966 : "S'il y a quelques scènes en noir et blanc, au début du film, c'est que nous n'avons pas eu assez de pellicule couleur..." Et voilà l'échafaudage critique à plat sur le plancher.

Cahiers du Cinéma : Dans la liste des 10 meilleurs films de l'année 1966

Visionné, la première fois, le 26 août 1969 à la télévision à Québec
Mon 59ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 17 janvier 2023

24 novembre 2007

58. Camus : Orfeu Negro

1001 films de Schneider : Orfeu negro


Film brésilien réalisé en 1959 par Marcel Camus
Avec Marpessa Dawn et Breno Mello.

Voulez-vous lire un critique qui assassine un film?
Lisez Godard dans les Cahiers du Cinéma de juillet 1959. Numéro 97):
"La gentillesse et la sincérité de Marcel Camus ne sont pas en cause. Mais voilà, suffit-il d'être gentil et sincère pour faire un bon film? On ne dirige pas ses comédiens Noirs avec les mêmes mots et les mêmes gestes que Jean Boyer dirigeant Line Renaud et Darry Cowl dans une guinguette reconstituée sur les plateaux de Billancourt." Et pan dans la tronche!

Évidemment, ce film ne mérite ni une telle hargne, ni une telle méchanceté. Mais ce qui suit explique probablement une critique si injuste.

Ce film a remporté la Palme d'or du Festival de Cannes de 1959 au détriment du film de Truffaut, Les Quatre cents coups, un des films-phares de la Nouvelle Vague naissante. Le fait que Truffaut reçut deux autres prix à ce même Festival a éteint la grogne qui régnait parmi plusieurs critiques. Le film de Camus, bon enfant, empreint d'exotisme et d'un certain paternalisme, n'est tout simplement pas à la hauteur des films de la jeune garde française. Malgré une excellente facture, il apparaît comme un ovni par rapport à la nouvelle tendance du cinéma français

Luiz Bonfa et Antonion Carlos Jobim, deux des meilleurs compositeurs de sambas afro-brésiliennes (Jobim a composé La fille d'Ipanima) sont les vedettes à part entière de ce film que les critiques brésiliens n'ont pas vraiment apprécié. Ils trouvaient que le film était un ramassis de clichés liés à la vie brésilienne : exotisme de Rio, carnaval endiablé, latinos au sang chaud, les images cartes postales de la baie et du Pain-de-Sucre.

En effet, comment Camus a-t-il pu cacher les favelas et toute la misère des Cariocas (habitants de Rio) ? Et son idéologie style "le-bonheur-simple-des-pauvres-gens" n'a plus beaucoup de crédibilité aujourd'hui après toutes ces décennies d'études sur les conditions du sous-développement.

Antonio Carlos Jobim (compositeur de la musique du film), Vinicius de Moraes (rédacteur du scénario), des noms qui seront popularisés, en France, par Pîerre Barouh, par sa chanson Samba Saravah dans le film, Un Homme et une femme, de Claude Lelouch.

Encore une fois, un travail extraordinaire de remastérisation du film d'origine par Criterion, notre bouée de sauvetage en Amérique pour ce qui est de la production internationale.

Appartenant à la région 1, nous n'avons pas accès en Amérique à toute la production européenne sur DVD (région 2), à cause d'incompatibilité technologique.

Chanson-thème du film : Manha do Carnaval. Un incontournable de la chanson internationale.

Critique. Cahiers du Cinéma. Juillet 1959. Numéro 97. Le Brésil vu de Billancourt par Jean-Luc Godard.
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Oscars 1960. Meilleur film en langue étrangère
Cannes 1959. Palme d'or

Visionné, la première fois, le 9 août 1969 à Québec.
En salle, cette journée-là, à Québec

Il semble que Coplan ait survécu au Miracle de l'amour. Mais le suspense demeure : survivra-til à la 2ème attaque?
Miracle de l'amour : version doublée de Das Wunder der Liebe de Franz Josef Gottlieb. Un documentaire sur l'art du bonheur conjugal !!! Coté 6. Pauvre. Par Mediafilm.ca
Coplan sauve sa peau : un film d'Yves Boisset. Surprenant, n'est-ce pas? À sa décharge, c'était son premier long métrage. Avec la présence d'un de mes acteurs fétiches : Klaus Kinski.
Mon 58ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 17 janvier 2023

15 novembre 2007

57. Kubrick : 2001 : A Space Odyssey

1001 films de Schneider : 2001 : A Space Odyssey


Film anglais réalisé en 1968 par Stanley Kubrick
Avec Keir Dullea, Gary Lockwood, William Sylvester et Douglas Rain, la voix de l'ordinateur HAL (Heuristic Algorithmic Computer).
Si vous ajoutez une lettre à chacune des lettres, vous obtenez IBM. Un hasard, paraît-il.

Quarante ans et pas une ride. Je sais, je me répète (voir Rosemary's Baby).
Encore plus que le film de Polanski, ce film est complètement à l'abri du temps.
Une des façons, que j'estime infaillible, de vérifier la modernité de certains films anciens, c'est de les visionner avec ma fille de 16 ans. Il doit réussir à franchir les trois étapes suivantes :
Première étape : elle voit le film au complet.
Deuxième étape : elle est totalement accaparée par le film.
Troisième étape : elle est agacée par mes fréquents commentaires sur le film.
Si ces trois étapes sont franchies, je suis certain que le film a vaincu l'outrage des ans.

Le plus grand film de science-fiction EVER.
Cet extrait d'une critique de Bernard Eisenschitz des Cahiers du cinéma (no. 209, février 1969) explique la phrase précédente : "...l'effet du film est certainement d'endormir le sens critique, de nous plonger dans une euphorie. Le tournoiement des satellites à la musique de J. Strauss provoque un sentiment de confort, de bien-être, culminant dans la précision de l'introduction d'une astronef de forme oblongue dans l'orifice central d'un satellite!!!"

Voir ce film à peine deux semaines après le premier pas sur la Lune de Neil Armstrong nous a complètement dévastés. Le saut de paradigme était trop grand. Nous étions sans voix pour parler de ce film. On voulait tout comprendre alors que tout nous échappait. Arthur C. Clarke a dit à ce propos : "If you understand 2001 completely, we failed. We wanted to raise far more questions than we answered."
Stupeur et tremblements

À la fin du film, alors que nous sommes complètement sous le choc, apparaît cette image que nous voyons par l'entremise des yeux du vieil Homme mourant à son ancien Monde pour laisser la place au nouvel Homme des étoiles.

Revu récemment, la stupeur et les tremblements ont disparu. Le scénario est plus facile à comprendre et le monolithe ne fait plus aussi peur. On se fabrique une métaphore à laquelle l'on croit fermement.

Le monolithe, c'est au choix : Dieu, une découverte technologique majeure qui fait faire un bond à l'humanité, une balise qui montre la direction de l'évolution humaine ou un gros parallélépipède noir mis dans le film par Kubrick pour embêter tout le monde pendant des lunes...

Toutes les réponses à vos interrogations soulevées par le film se retrouvent dans le roman, 2001, l'odyssée de l'espace, rédigé parallèlement à la réalisation du film par Arthur C. Clarke.

À lire dans la collection omnibus : Arthur C. Clarke, 2001-3001. Les odyssées de l'espace. On y retrouve la nouvelle à l'origine de la présence du monolithe, La sentinelle, publiée en 1951.

Critique. Cahiers du Cinéma. Février 1969. Numéro 209. La Marge par Bernard Eisenschitz.
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Oscars 1969. Effets visuels.

Visionné, la première fois, le 7 août 1969 au cinéma de Ste-Foy à Québec
Dans l'actualité du jour : "Le premier équipage américain à se poser sur Mars - dans les années 80 - passera d'un mois à six semaines sur la surface de cette planète" a révélé le Dr. Thomas O. Paine, directeur de la NASA. Paine est décédé depuis 1992 et pas encore l'ombre d'un astronaute dans le voisinage de Mars. (Journal l'Action, Québec)
Mon 57ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 17 janvier 2023

06 novembre 2007

56. Polanski : Rosemary's Baby

1001 films de Schneider : Rosemary's Baby


Film américain réalisé en 1968 par Roman Polanski
Avec Mia Farrow, John Cassavetes, Ruth Gordon et Sidney Blackmer. La voix de Tony Curtis.

Quarante ans et pas une ride.
Le chef-d'œuvre de Polanski traverse le temps sans coup férir. Le lent montage du complot ou de la paranoïa de Rosemary est toujours aussi efficace. Cette lenteur du scénario qui est souvent le plus grand tort que l'on trouve aux films anciens est, ici, un élément fondateur du film. Sans cette lenteur, pas de complot, ni de paranoïa; ce ne serait qu'un banal thriller.

Dans une entrevue pour les Cahiers du Cinéma de janvier 1969, Polanski nous dit que tout le film est réalisé pour créer l’ambiguïté. "...je ne veux pas que le spectateur pense ceci ou cela : je veux simplement qu'il ne soit sûr de rien. C'est cela le plus intéressant, l'incertitude."

Mais, lorsque, à la fin du film, Rosemary s'approche du berceau, tout de noir décoré, pour enfin prendre contact avec son bébé qu'elle n'a pas encore vu, toute ambiguïté tombe. À tel point, qu'il paraît qu'une grande partie des spectateurs sont certains d'avoir vu le bébé alors qu'il n'apparaît dans aucun plan. J'ai vécu, moi-même, ce trouble de la perception. J'aurais juré, avant de revoir ce film il y a quelques jours, que j'avais vu le bébé avec ses pieds fourchus lors de mon premier visionnement en 1969.

L'art de se mettre les pieds dans les plats.
Était-ce vraiment une bonne idée d'amener ma future conjointe, Annie, voir ce film moins d'un mois avant notre mariage? Non, pas vraiment. Elle est sortie du cinéma en larmes, complètement perturbée. Des jours à se remettre sur pied. Le cœur n'était plus à la préparation des noces. Et cette phrase tirée de la publicité du film, "On ne connaît jamais vraiment ceux qui nous entourent", n'allait pas arranger les choses.

Il y a de ces hasards qui vous jetteraient dans les bras du premier couple de Témoins de Jéhovah à se présenter à votre porte. Nous avons reçu en cadeau de noces l'ensemble de vaisselle Sherwood de Denby/Langlay. Évidemment, ça ne vous dit rien. Mais moi, si. Pendant des années, j'ai mangé dans le même modèle d'assiette que l'on retrouve à la table de Rosemary en voyant le gros plan du couteau de Rosemary tranchant un morceau de foie de veau sanguinolent sur cette assiette. Dur !!!

Le Dakota : Le film a été tourné dans un studio de Hollywood mais les vues extérieures proviennent de ce célèbre immeuble situé en face de Central Park à New York.

John Lennon fut assassiné devant cet immeuble où il résidait avec Yoko Ono le 8 décembre 1980. J'ai appris cette nouvelle à la sortie d'un concert donné par Diane Dufresne à l'ancien Forum de Montréal.
Immeuble qui a hébergé un tas de célébrités : Lauren Bacall, José Ferrer, Judy Garland, Boris Karloff, Rex Reed, Leonard Bernstein, Charles Henri Ford et Rudolf Nureyev.

NON !!! PAS UN ROSEMARY'S BABY II Look What's Happened to Rosemary's Baby  réalisé pour la télévision en 1976 par Sam O'Steen est, paraît-il, "total garbage" : un four... une fournaise où périront tous les profanateurs du chef-d'œuvre de Polanski.

Critique. Cahiers du Cinéma. Décembre 1968. Numéro 207. Everybody Loves My Baby par Pascal Kané.
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Oscars 1969. Meilleure actrice dans un rôle de soutien à Ruth Gordon.

Visionné, la première fois, le 3 août 1969 au cinéma Capitole à Québec
Six jours plus tard, Sharon Tate, la conjointe de Roman Polanski, était assassinée.
Mon 56ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 17 janvier 2023