13 octobre 2009

145. Julian : The Phantom of the Opera




Film américain réalisé en 1925 par Rupert Julian
Avec Lon Chaney, Mary Philbin, Norman Kerry.

J'ai horreur de ce type de publicité que l'on retrouve régulièrement sur les enveloppes des dvd. Ainsi, The Phantom of the Opera serait le premier grand film d'horreur de l'histoire du cinéma. Comment peut-on ignorer Le cabinet du Docteur Caligari de Wiene et le Nosferatu de Murnau pour ne nommer que ces deux-là qui écrasent littéralement le fantôme dans son 5ème sous-sol.

Un film muet, la belle affaire, mais la colorisation, quelquefois me fatigue. Dix ans après les Vampires de Feuillade dans laquelle série il utilisait les changements de couleur de pellicule pour distinguer le jour de la nuit ou la clarté de la noirceur, Julian répète la même technique. Ah, que j'adore les quelques plans, trop rares, en noir et blanc; à la limite le jaune et brun est supportable mais le monochrome vert, rouge ou bleu m'agace.

Une autre forme de colorisation, par ailleurs, représente un gain esthétique net. Il s'agit d'ajouts de couleurs à certains éléments qui composent les plans d'une séquence. À ce titre, la scène du bal masqué, filmée dans l'escalier de l'opéra de Paris, est, en soi, un petit chef d'œuvre.

Tout ça étant dit, un des grands films d'horreur de la période du muet dont l'histoire, simpliste à souhait, est menée rondement sans les longueurs habituelles des films muets.

Belle surprise sur la copie que j'ai visionnée. La musique a été composée par Gabriel Thibaudeau, pianiste attitré à la Cinémathèque québécoise lors de projections de films muets et interprétée par I Musici de Montréal et la soprano Claudine Côté.

Visionné, la première fois, le 5 janvier 1977 à la télévision à Montréal
Mon 145ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 29 décembre 2022

03 octobre 2009

144. Clouzot : Le Salaire de la peur



Film français réalisé en 1953 par Henri-Georges Clouzot
Avec Yves Montand, Charles Vanel, Folco Lulli, Peter van Eyck et Véra Clouzot

J'avais oublié la première partie du film tellement l'intensité de la deuxième partie avait oblitéré tout esprit critique lors d'un premier visionnement, il y a plus de trente ans.

Donc, première partie que j'aime.
Une mise en place des personnages qui s'éternise et qui distille l'ennui (mais cet ennui est nécessaire de même que les dialogues en anglais, en espagnol et italien, tous non sous-titrés) et que j'intitulerais L'aquarium (en souvenir d'un roman du Québécois Jacques Godbout qui portait le même titre et qui décrivait, si je me souviens bien, une petite société de colonisateurs mourant d'ennui et de palu dans un coin perdu de la tropicalité africaine.). Un paquet de petits blancs paumés tournent en rond dans un coin pourri de la planète en quête d'une impossible échappatoire : pas de jobs mais pas de billets de sortie non plus. Englués...comme dans un bain de pétrole.

Qui de Arnaud (auteur du roman dont a été tiré le film) ou de Clouzot s'est amusé a maltraiter à ce point la Femme dans ce film. On a rarement atteint, dans un film, un tel niveau de misogynie. En fait, que vient faire le personnage de Véra Clouzot dans cette histoire à peine déguisée d'homosexualité masculine sinon à titre de matériel de projection machiste. Oublions également les remarques au sujet des femmes noires... à hurler.

Deuxième partie : Confronter ou fuir.
Je pense à L'éloge de la fuite d'Henri Laborit et sa mise en cinéma par Alain Resnais dans Mon oncle d'Amérique.

Je me suis surpris à aimer le personnage du "lâche" interprété par Charles Vanel et à le préférer à celui, monobloc, interprété par Yves Montand, le "John Wayne" des routiers. C'est vrai que Montand a une gueule du tonnerre dans ce film, me touchant particulièrement lorsqu'il parle italien, mais je n'étais pas disposé à recevoir ce super-héros.

M. Jo (Vanel) me touche beaucoup plus par son itinéraire émotionnel ; on le voit passer par toute la gamme des émotions que l'on vit lorsqu'on est confronté à une situation éminemment anxiogène : de la position de crâneur à la plus lamentable panique qui mène inexorablement à la fuite.

Ma réaction a certainement à voir avec une expérience récente à l'Aiguille du Midi à Chamonix. Je m'étais aventuré dans l'arête étroite et vertigineuse qui part de la station de l'Aiguille (3800 m.) et qui descend dans la Vallée Blanche, sans crampons, sans piolet, sans corde, en bottes de randonnée (en imbécile heureux, quoi ! et je suis gentil avec moi en disant cela). Ce qui devait être une belle balade dans la neige s'est rapidement transformé, vu mon sous-équipement, en une situation hautement anxiogène. Pas de Vallée Blanche mais plutôt, une bonne frousse.

Dans le générique (j'aime les lire au complet; je suis souvent seul à le faire dans les salles de cinéma, les nettoyeurs de salle agacés de ce comportement délinquant) : Des remerciements à La Société Française des Glycérines (au choix, avec de la glycérine on peut faire de la nitroglycérine ou des bulles de savon) et à la Société Française de l'Amiante (pauvre gouvernement du Québec qui a nationalisé une mine d'amiante en 1978 au moment où on commençait à bannir ce produit en Europe; les anciens propriétaires de la mine se tordent encore de rire !).

Ah oui, j'oubliais. Dans ce film, on y retrouve des capitalistes américains, méchants à souhait, qui exploitent les damnés de la Terre. Au temps de la "guerre froide", on ne rigole pas avec ces choses, donc censure du film en terre américaine.

Berlin 1953 : Ours d'or
Cannes 1953 : Grand prix du festival et mention spéciale pour Charles Vanel

Visionné, la première fois, en 1976 à la télévision à Montréal
Mon 144ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 29 décembre 2022

18 septembre 2009

143. Saura : Cria Cuervos



Film espagnol réalisé en 1975 par Carlos Saura
Avec Ana Torrent, Geraldine Chaplin, Monica Randall, Florinda Chico.

On peut voir dans ce film toutes sortes de références au régime fasciste espagnol dans ses derniers kilomètres - Francisco Franco, agonisant littéralement pendant la réalisation du film, sorti en janvier 1976, 2 mois après le décès du caudillo

L'enfance, donc...la malheureuse.
Les pertes de l'enfance, énormes, et le travail du deuil qui n'arrive pas à se faire; le cœur se bronze. La colère rentrée et la haine froide. À jamais contre. N'attendez surtout pas de reconnaissance de cette enfant. Proverbe espagnol : "Cria cuervos y te sacaran los ojos". Élève des corbeaux et ils t'arracheront les yeux.

Ana Torrent inonde l'écran. Ce visage, une esquisse en fait, une ligne pour la bouche, deux points pour le nez et deux perles noires pour les yeux, d'une telle impassibilité, c'est Greta Garbo à 9 ans. 
Ana Torrent
Greta Garbo à plus de...9ans

La scène de la mère se tordant de douleurs devant les yeux impassibles de la petite Anna, c'est Harriet Andersson agonisant dans Cris et chuchotements de Bergman devant le désarroi de ses soeurs.

Lecture cinéphilique
Le lièvre de Patagonie. Mémoires de Claude Lanzmann, auteur du film Shoah, le plus grand film jamais tourné sur la destruction des Juifs d'Europe. Vous ne sortirez pas indemne de ce documentaire de 9,5 heures.
Probablement les mémoires le plus passionnantes, les mieux écrites et les plus intelligentes qu'il m'ait été donné de lire. 

Une grande partie des Mémoires (120 pages) est consacrée à la description de la réalisation de Shoah qui s'est échelonnée sur une période de 12 ans - épique et bouleversant.

Un chapitre pour cinéphile.
1958. Claude Lanzmann part en reportage en Corée du Nord avec la 1ère délégation occidentale invitée dans ce pays depuis la fin de la guerre. Il y tombe passionnément amoureux d'une infirmière nord-coréenne. Bravant tous les interdits, ils réussissent à s'isoler quelques minutes de l'escorte continuelle des policiers qui les traquent en permanence. Fin abrupte et sans retour de cette rencontre. Lanzmann n'oubliera jamais Kim Kum-sun. Le film de David Lean , Brief Encounter, deviendra emblématique de cette période de sa vie.

2005. Lanzmann, à 80 ans, retourne pour 4 jours (limite maximum de séjour) en Corée du Nord avec l'idée, totalement fantasmatique, d'y évaluer la possibilité d'y tourner sa "brève rencontre" sur fond documentaire. "J'aurais réalisé un film documentaire sur la Corée du Nord aujourd'hui, en donnant à voir, Pyongyang, le vide, la monumentalisation, la mobilisation permanente, la faim, la terreur, la suspension du temps pendant 50 ans, montrant que tout a changé, rien n'a changé, tout a empiré." Est-il vraiment utile d'ajouter que ce film ne se fit jamais ?

Cannes 1976 : Grand prix du jury.

Visionné, la première fois, en décembre 1976 au cinéma à Montréal
Mon 143ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 29 décembre 2022

12 août 2009

142. Scorsese : Taxi Driver



Film américain réalisé en 1976 par Martin Scorsese 
Avec Robert De Niro, Cybil Shepherd, Jodie Foster, Harvey Keitel, Peter Boyle, Albert Brooks, Leonard Harris.

J'aime beaucoup les passerelles - en voici une.
Taxi Driver, comme une chanson de Bruce Springsteen - celle-ci par exemple, tiré de l'album Born To Run, sorti en 1975 : Backstreets (le piano du début suivi de l'orgue "dylanesque" - émouvant). Les paroles et une interprétation fabuleuse.

Ce soir-là, Springsteen c'est Travis Bickle qui a quitté son taxi pour monter sur les planches au Madison Square Garden à New York. À certains moments, on croirait vraiment voir Robert De Niro à 50 ans.

En fait, tout l'album Born to Run est le frère artistique de Taxi Driver. Deux productions artistiques, produites au même moment, qui commentent le même monde des "urbans losers".

Du même album, ces deux dernières lignes de Thunder Road, chanson qui me bouleverse tellement, et qui disent Taxi Driver
"It's a town full of losers,
And I'm pulling out of here to win."

Taxi Driver, plongeon au cœur de la période la plus noire de New York. Au moment où la ville, en faillite, ressemble à un dépotoir de toutes les détresses humaines. Dans les années 1970, New York était sale, corrompue, violente, inhabitable, le royaume des sans-abris pour lesquels on inventa une thérapie spécifique, la Greyhound Therapy (fournir à un SDF un billet d'autobus, aller seulement, pour une autre ville; Greyhound étant une compagnie d'autocars spécialisée dans le transport interurbain). C'est l'écosystème dans lequel évolue Travis Bickle, cab driver nocturne, fuyant l'insomnie et la solitude têtue.

Ce qui fait la beauté et la grandeur de ce film c'est plus son traitement que son histoire de loser cherchant la rédemption dans de quelconques actes de justicier qu'on appelle aux USA, des vigilantes.

Me touchent plus particulièrement :
1. La voix off du narrateur. Dès le début, plongée au cœur des films noirs des années 1940. Cette voix nous compromet dès le début - on va vivre et mourir avec ce personnage. Ne vous laissez pas abuser par la dernière séquence, Travis Bickle est bel et bien mort dans la chambre d'Iris.
2. Les multiples prises de vue du taxi et à partir du taxi de Travis.
3. La performance de De Niro digne des plus grands Brando.
4. Jodie Foster - "twelve and a half years old going on thirty"
5. Cybil Shepherd, une jeune Catherine Deneuve (le même glacier), qui surnage dans ce cloaque.
6. La musique de Bernard Hermann...le saxe (ouf)
7. Harvey Keitel, encore dans un rôle de tordu dans lesquels il est le meilleur.
8. Les arrière-plans truffés d'affiches de cinéma porno. Qui a déjà vu Anita : Swedish Nymphet (Les impures) avec la playmate de Playboy, Christina Lindberg ? On voit aussi l'affiche de The Texas ChainSaw Massacre.
9. Et toutes les passerelles sur lesquelles ce film ouvre : psychopathologie, urbanisme, vie nocturne, musique rock. Tous domaines que j'aime.

Cannes 1976 : Palme d'or

Lecture cinéphilique 
Un amour sans paroles de Didier Blonde.
À la recherche de Suzanne Grandais, actrice populaire du cinéma muet français, décédée dans un accident de la route le 28 août 1920 à l'âge de 27 ans.
Ce petit roman frôle le pastiche des romans de Patrick Modiano. Amour et nostalgie. Pour connaître Modiano, commencez par Rue des boutiques obscures, paru en 1978. Il se peut que vous ne soyez plus capable de vous extirper de ce monde pendant plusieurs mois. Bien fait pour vous.

Visionné, la première fois, le 4 décembre 1976 au cinéma à Montréal
Mon 142ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 29 décembre 2022

07 août 2009

141. Schaffner : Planet of the Apes


La planète des singes
Film américain réalisé en 1968 par Franklin J. Schaffner
Avec Charlton Heston, Roddy McDowall, Kim Hunter, Maurice Evans, Linda Harrison

Pas de chance pour les singes, sortie simultanée en avril 1968 de 2001: Odyssée de l'Espace, de Stanley Kubrick, le plus grand film de science-fiction de l'histoire du cinéma.

Euh! non, ce fut quand même (la campagne publicitaire monstre aidant) un très grand succès pour La planète des singes à sa sortie. Mais 40 ans après, Planet of the Apes n'est plus qu'un vieux film de science-fiction qui a très mal vieilli dont les décors et les costumes ont l'air d'avoir été loués dans un magasin de "farces et attrapes" et dont l'acteur principal, Charlton Heston, est marqué à jamais par sa prestation minable dans le film de Michael Moore (le faux documentariste - comment a-t-il pu berner le jury du Festival de Cannes avec son Fahrenheit 9/11!), Bowling for Colombine - terminé Ben-Hur! on n'a plus qu'un vieil acteur en marche vers la démence et essayant de justifier l'injustifiable. Je n'arrive pas à oublier ce Charlton Heston, président sortant de la National Rifle Association, qui vient oblitérer tous les autres qui l'ont précédé.

J'avais été très ému, lors du premier visionnement de ce film, il y a plus de 30 ans, par le plan final du film. J'étais resté un peu estomaqué par la leçon que nous enseignait ce plan final. En le revoyant cette semaine, j'ai été un peu déçu de mon manque de perspicacité d'alors tant les indices qu'on nous jette en pleine figure tout au long du film pointent vers cette "statue de la liberté" enfouie dans le sable.

On a beaucoup pérorer sur les grandes leçons que nous enseignent ce film. Moi, je retiens surtout, qu'avec leur système de castes : les orang-outangs en politiciens, les chimpanzés en scientifiques et les gorilles en policiers (un peu facile celle-là), bien, ils sont dans les traces des humains et courent, également, vers l'holocauste nucléaire après un détour possible par quelques génocides simiens.

Les premières paroles de Taylor après qu'il eut retrouvé l'usage de la voix : "Get your stinking paws off me, you damned dirty apes". Parmi les 100 meilleures tirades du cinéma américain selon l'American Film Institute.

À l'origine du film, le roman de l'écrivain français Pierre Boulle. Deux autres romans de ce dernier ont été adaptés au cinéma : Le pont de la rivière Kwaï et Le photographe (Titre du film : Le point de mire de Jean-Claude Tramont avec Annie Girardot et Jacques Dutronc).

La saga de la Planète des singes a été produite dans le désordre chronologique. Il faut voir les films dans cet ordre suivant si une telle chose a un quelconque attrait pour vous - y a pire.
1968. La planète des singes. 8,0/10 sur IMDB
1972. La conquête de la planète des singes. 6,1/10
1973. La bataille de la planète des singes 5,4/10
1971. Les évadés de la planète des singes. 6,3/10
1970. Le secret de la planète des singes 6.0/10

Oscars 1969 : Maquillage

Visionné, la première fois, le 1er novembre 1976 à la télévision à Montréal
À deux semaines du plus grand et du plus "tripatif" (bonjour monsieur Languirand) bouleversement politique québécois du 20ème siècle - l'élection du Parti Québécois à la tête du gouvernement du Québec. En prime : la défaite du premier ministre sortant (Robert Bourassa) aux mains du poète Gérald Godin - pur bonheur.
Mon 141ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 29 décembre 2022

26 juillet 2009

140. Renoir : La Chienne




Film français réalisé en 1931 par Jean Renoir
Avec Michel Simon (Legrand), Janie Marèse (décédée dans un accident d'automobile à la fin du tournage), Georges Flamant (au volant de l'auto où se trouvait Janie Marèse).
D'autres comédiens dont seul le nom de famille apparaît au générique - pratique courante au cinéma français avant les années 40 : Gaillard, Mlle Doryans, Mancini, Argentin, Dalbon, Gehret. Pourquoi une telle chose ?

De fait, La Chienne (1931) forme un diptyque avec Boudu, sauvé des eaux (1932).

Dans La Chienne, on y voit comment Legrand (Michel Simon), un rond-de-cuir petit-bourgeois maltraité par sa femme, devient le clochard, heureux et retors, du Boudu, sauvé des eaux après avoir dégringolé l'escalier de la respectabilité en s'entichant d'une prostituée qui le manipule et le lessive jusqu'aux derniers ronds et qui lui fait comprendre qu'il n'était qu'un pauvre tordu s'il a cru qu'elle l'avait déjà aimé - donc, crime passionnel. S'ensuit déchéance de Legrand qui se retrouve littéralement à la rue, enfin heureux...Boudu est né.

Michel Simon écrase le casting. Il y a deux films : avec et sans Simon.
Quand Simon n'est pas là, le film tombe à plat. Toute la partie de l'enquête judiciaire et du procès..."d'un sans intérêt". La séquence finale sauve le film qui s'en allait vers la banalité.

Encore deux choses qui me plaisent au plus haut point : la vivacité des mouvements de la caméra (perception probablement magnifiée par le fait que je venais de voir 2 films de Yasujiro Ozu - 4 heures de plans fixes ) et le tournage en extérieurs (Montmartre).

Je suis resté franchement estomaqué d'apprendre que dans les années 1930, les exécutions de la peine capitale avaient toujours lieu sur les places publiques des villes françaises.
"Alors, ma chérie, on va à l'exécution cet aprem' ?
Ah, non, pas encore une décapitation. Y en a marre, c'est la troisième qu'on irait voir ce mois-ci. Non, aujourd'hui, j'ai des courses à faire à la Samaritaine; vas-y avec tes potes."
(Inspiré de la séquence de la lapidation dans Monty Python : The Life of Brian)

Ce n'est que le 24 juin 1939 que le président de la République, Albert Lebrun (le dernier de la 3ème République), décréta la fin des exécutions publiques. Document inouï sur la peine capitale en France : La vie étonnante de la guillotine.

Visionné, la première fois, le 27 octobre 1976 à la télévision à Montréal
Mon 140ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Retiré de la liste de Schneider en 2013.
Mis à jour le 29 décembre 2022

20 juillet 2009

139. Stroheim : Foolish Wives


Folies de femmes

Film américain réalisé en 1922 par Erich von Stroheim
Avec Erich von Stroheim (Count Wladislaw Sergius Karamzin), Miss DuPont, Rudolph Christians, Maude George, Mae Busch, Dale Fuller

D'abord, savoir que le film que l'on peut visionner (2,25 heures - déjà mieux que les 85 minutes de la version décrite dans Schneider) n'est qu'une version écourtée, charcutée (à l'encontre de la volonté de Stroheim), d'une œuvre qui devait durer 8 heures. Ce film n'existe plus; nous n'avons plus qu'un montage très imparfait de différentes séquences fait sans l'autorisation du réalisateur.

Malgré tout le dépeçage opéré par les producteurs, les distributeurs et les propriétaires de salles, Folies de femmes demeure l'un des monuments du cinéma muet. J'ai été carrément estomaqué par le défi aux normes morales de l'époque porté par ce film. Violence, voyeurisme, fétichisme, viol, abus de toutes sortes ne sont pas des thèmes que l'on associe habituellement au cinéma muet du début des années 20. En ce sens, Folies de femmes est carrément à l'avant-garde.

Énigme : Pourquoi l'interprétation toute en retenue des acteurs de ce film n'a pas fait école ?
Pourquoi les jeux de face et le grimaçage pour exprimer les émotions ont-ils continués à empoisonner l'interprétation des personnages même après l'invention du parlant ? (Pensons à Emil Jannings dans L'ange bleu).

"L'homme qu'on aime détester" (tel est l'attribut que Stroheim s'est vu attribuer au cours de sa carrière d'acteur) dans une de ses plus grandes performances de "gros méchant".

Dans ce film, Stroheim atteint un sommet dans l'art de faire détester un personnage créant ainsi le modèle absolu du vilain, de l'homme à abattre.

J'imagine la terrible jouissance des spectateurs lorsqu'ils ont découvert, à la fin du film, la destinée du Comte Karamzin. La haine de ce personnage a du être renforcée par le fait que les spectateurs ne pouvaient aucunement s'y identifier - un aristocrate russe étant à des années-lumière des classes populaires américaines des années 1920.

Le lendemain des premières projections : chute dramatique de la vente de monocles et de porte-cigarettes, à jamais associés au mépris de classe comme le cigare a longtemps été associé aux "gros méchants capitalistes" - perception que même les cigares de Fidel ne parviendront pas à renverser.

Visionné, la première fois, le 13 octobre 1976 à la télévision à Montréal
Mon 139ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 29 décembre 2022

13 juillet 2009

138. Hamilton : Goldfinger



Film britannique réalisé en 1964 par Guy Hamilton
Avec Sean Connery, Honor Blackman (Pussy Galore), Gert Fröbe (Auric Goldfinger), Harold Sakata (Oddboy)

Après avoir revu ce film, j'ai pensé au mélodramatique titre du film de Luigi Comencini ; "Mon Dieu, comment suis-je tombé si bas ? " Passer de Fellini à Guy Hamilton, on parle bien de chute.

Attaché à mon concept de revoir tous les films de Schneider en suivant l'ordre chronologique de leur apparition dans ma vie de cinéphile, je me retrouve, quelquefois, dans l'obligation de faire un commentaire sur un film sans intérêt, pour moi.

Ne boudons pas notre plaisir, on s'amuse quand même un peu à revoir un Bond, surtout ceux de la première cuvée avec Sean Connery, en macho extrême. En une seule galipette dans le foin, il réussit le tour de force de faire changer de camp Pussy Galore en plus de lui faire changer d'orientation sexuelle. Fort, le mec.

Le comble du manque d'à-propos, cette phrase de Bond : "Boire du Dom Pérignon pas assez froid c'est comme écouter les Beatles sans boules-quiès". Toute la bêtise du personnage ramassée dans ce "one-liner".

Basta. R.A.S.

À ne pas mettre au même programme : Goldfinger et Shoah (9,5 heures) dans lequel je suis plongé depuis quelques jours.

Oscars 1965 : Une statuette pour les effets spéciaux.

Visionné, la première fois, le 30 septembre 1976 à la télévision à Montréal
Se farcir un James Bond à la télévision !!!
Mon 138ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 29 décembre 2022

06 juillet 2009

137. Fellini : Amarcord



Film italien réalisé en 1973 par Federico Fellini
Avec Magali Noël, Bruno Zanin, Pupella Maggio, Armando Brancia, Luigi Rossi,

Fans de Fellini, évitez ce message...sinon vous allez hurler.

Fellini fait partie d'un petit groupe de réalisateurs (pour le moment, je pense à Antonioni et à Godard) dont le déroulement de la carrière m'a graduellement éloigné d'eux.

La carrière de Fellini est un exemple patent de ce phénomène.
Autant je suis éperdu d'admiration pour des films tels La strada, La dolce vita ou Otto e mezzo, autant la deuxième partie de la carrière de Fellini (qui commence, mettons, avec Juliette des esprits), que j'appellerais "le cirque arrive en ville" ou bien "la cour des miracles à Cinecitta", me touche peu - à la limite m'agace.

Amarcord (Je me souviens) est un exemple, en mode mineur (par rapport à Satyricon ou Casanova, par exemple), de cette production fellinienne. Un amoncellement de gros seins, de grosses fesses, de pets, de merde, de monstres humains, d'handicapés physiques, de malades mentaux, tout ça arrosé d'onirisme et d'ésotérisme. Il est évident qu'il faut voir au-delà de cet écran tapageur. Mais, justement, a-t-on vraiment besoin de cette mascarade pour décrire une année de la vie tranquille d'une petite ville à l'époque du fascisme glorieux ? Surtout que Fellini n'arrête pas, d'un film à l'autre, de se complaire dans ce genre d'esthétisme baroque. N'aurait-il pas pu nous amener au cœur de ses sujets, de ses angoisses, de ses questionnements, sans emprunter, sempiternellement, la piste du cirque ?

Avec Amarcord, il nous raconte la vie du village de son enfance. On se prend à rêver du film qu'il aurait réalisé à l'école du néo-réalisme.

Je me souviens que j'étais demeuré de glace devant cette œuvre lors de sa sortie, contrairement à la critique et aux cinéphiles de l'époque qui était transporté d'admiration par le cirque fellinien. Et cette deuxième visite confirme ma réception (ma déception) d'alors. Je n'aime pas ce type de cinéma...alors toute ma critique est, alors, totalement biaisée et sans intérêt pour les amateurs de Fellini.

Oscars 1975 : Meilleur film en langue étrangère

Visionné, la première fois, le 29 septembre 1976 au cinéma à Montréal
Visionné, le même jour, Les noces rouges de Claude Chabrol. Une question que je me pose au sujet du scénario : Pourquoi tuer le mari alors qu'il était si simple de divorcer ? Pour faire du Chabrol, pardi !
Mon 137ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 29 décembre 2022

30 juin 2009

136. Visconti : Le Guépard




Film italien réalisé en 1963 par Luchino Visconti
Avec Burt Lancaster, Alain Delon, Claudia Cardinale, Paolo Stoppa, Rina Morelli, Romolo Valli, Terence Hill, Pierre Clementi, Lucilla Morlacchi, Serge Reggiani

Le casting du siècle : Burt Lancaster en improbable aristocrate sicilien du 19ème siècle. Cet acteur américain plutôt habitué des westerns et des films d'action a été imposé à Visconti par le coproducteur américain à des fins de rentabilité commerciale. Visconti transforma littéralement cet acteur - ce cowboy comme il disait. Mais on pouvait soupçonner un génie de la composition dans cet acteur qu'on peut voir dans l'interprétation qu'il fit du prisonnier Robert Franklin Stroud dans Birdman of Alcatraz (1962).

Une immense pâtisserie que ce Guépard.
Comment peut-on supporter tant de beauté cinématographique pendant 3 heures !
Tout dans la forme : de multiples plans comme autant de toiles de maître; des paysages jaunes, oranges, ocres d'un dépouillement qui frôle l'ascèse ; des costumes, ceux du bal en particulier, à faire pâlir tous les carnavals de Venise ; l'éclatante Claudia Cardinale qui débarque après 1 heure de métrage pour injecter de la passion, de la beauté, de la vie dans ce monde moribond - le premier gros plan de Claudia qui se mord les lèvres... anthologique.

Au beau milieu d'une époque marquée par l'émancipation des colonies, la montée de la démocratie et la multiplication des partis de gauche, il a eu du culot ce Visconti, ancien aristocrate (comte de Lonate Pozzolo) converti au communisme, de traduire en film le roman Il Gattopardo de Giuseppe Tomasi di Lampedusa tout à la gloire de l'aristocratie sicilienne.

Beaucoup ne lui ont pas pardonné de nous avoir, pendant trois heures, plongé dans la grandeur et les misères de l'aristocratie en réussissant le tour de force de rendre le personnage du Prince Salina, le plus attachant de tous. Bon, d'accord, Angelica (Claudia Cardinale) est terriblement attachante aussi, mais sur un autre registre.

Le comble de la mauvaise foi : Michel Delahaye et Jacques Rivette des Cahiers du Cinéma d'août 1963 classent le film dans la catégorie à voir à la rigueur. Position idéologique ?

La perfection au cinéma ? La séquence du bal. La vie, l'amour, la mort en 50 minutes.

Lecture cinéphilique en cours
La vie passera comme un rêve de Gilles Jacob, directeur ou président du festival de Cannes de 1977 à 2007.
Un tiers de parcouru : immense déception.
Des mémoires en 74 chapitres présentées dans le désordre (un vieux truc d'éditeurs pour camoufler quoi ? les faiblesses de l'écriture ?). Un immense fouillis de flashbacks et de flashforwards dont les contenus annoncés s'avèrent, finalement, de peu d'intérêts.
Achat suite à la lecture d'une critique. Apparemment, encore une critique faite à partir de la 4ème de couverture : je déteste.
Si vous adorez les coulisses du Festival de Cannes, la meilleure partie de ce livre un peu brouillon, commencez à lire à partir de la page 166.

Cannes 1963 : Palme d'or

Visionné, la première fois, le 12 septembre 1976 au cinéma à Montréal
Mon 136ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 29 décembre 2022

22 juin 2009

135. Preminger : Anatomy of a Murder


Autopsie d'un meurtre

Film américain réalisé en 1959 par Otto Preminger 
Avec James Stewart, Lee Remick, Ben Gazzara, George C. Scott, Arthur O'Connell, Eve Arden
Musique de Duke Ellington. Il faut voir le Duke jouer en duo avec Stewart dans un pub du Upper Michigan. Mémorable pour tout fan de jazz.

Pas encore un film de procès !
J'en ai tellement marre des films de procès que j'avais plein d'appréhension à revoir ce film dont je n'avais, bizarrement, gardé aucun souvenir. Mais, surprise, j'ai plongé avec appétit dans cette belle représentation détaillée de la justice-spectacle où l'on découvre que les faits, finalement peu importants, sont totalement balayés par la rhétorique des avocats. Il est curieux, en ce sens, que le réalisateur n'ait pas jugé bon de nous faire assister à la plaidoirie finale des deux parties, ce qui est, habituellement, le point d'orgue d'un procès.

Fin surprenante, tant elle est abrupte. On a l'impression que le producteur, regardant sa montre et découvrant qu'on en était rendu à 160 minutes de métrage, sort le drapeau à damier et somme le réalisateur de rentrer à l'écurie. Donc pas de plaidoiries finales, ni de blablabla moralisateur, mais plutôt, à titre de dernière séquence, un drôle de rendez-vous autour d'une poubelle dans un parc de maisons-mobiles dans un coin perdu du Michigan près de la frontière canadienne - j'adore.

Une des grandes performances de James Stewart en avocat décontracté, amateur de jazz et de pêche à la ligne, qui réussit à protéger sa virginité (mais pourquoi donc ?) malgré les attaques répétées de Lee Remick qui utilisent ses dessous à titre d'armes de séduction massive.

Le juge du procès est interprété par Joseph N. Welch, renommé pour avoir été le juge qui initia la chute en disgrâce du sénateur McCarthy, le grand inquisiteur de la chasse aux communistes dans les années 1950. Lors d'une audience sénatoriale (9 juin 1954), transmise à la télévision, lorsque McCarthy s'attaqua à un membre du cabinet d'avocats dirigé par Welch, celui-ci répliqua en ces termes :
" Senator, may we not drop this? We know he belonged to the Lawyers Guild...Let us not assassinate this lad further, Senator. You have done enough. Have you no sense of decency, sir? At long last, have you left no sense of decency? " Les applaudissements nourris des spectateurs qui suivirent cet échange ne laissèrent aucun doute : l'ère de Joseph McCarthy touchait à sa fin. (On peut voir cet échange sur YouTube).

Venise 1959. Meilleur acteur : James Stewart
Oscars 1960. Sept nominations. Aucune statuette

Visionné, la première fois, le 8 septembre 1976 à la télévision à Montréal
Mon 135ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 29 décembre 2022

15 juin 2009

134. Forman : One Flew Over the Cuckoo's Nest


Titre français : l'horrible et insignifiant : Vol au-dessus d'un nid de coucou
En anglais, cuckoo signifie, entre autres, quelqu'un qui n'a pas toute sa tête. En français, coucou n'a pas cette signification : arbre, fleur, oiseau, horloge. Alors : Vol au-dessus d'un nid d'horloges ? N'aurait-il pas été préférable d'utiliser le titre français du roman dont a été tiré ce film, La machine à brouillard (on dirait un titre de film de Samuel Fuller) ? Pas sûr.

Film américain réalisé en 1975 par Milos Forman
Avec Jack Nicholson, Louise Fletcher, William Redfield, Sydney Lassick, Brad Dourif, Christopher Lloyd, Wil Sampson, Danny DeVito, Vincent Schiavelli dit l'homme-aux-yeux-tristes.

Rencontre brutale avec une des pires méthodes thérapeutiques - la lobotomie - utilisées par la psychiatrie et qui a tant contribué à la discréditer aux yeux du public. Immédiatement après la Seconde guerre mondiale, la lobotomie, les électro-chocs et les techniques de lavage de cerveau étaient des pratiques courantes en psychiatrie clinique. Des histoires d'horreur.

One Flew Over the Cuckoo's Nest entrebâille la porte sur ces pratiques d'un autre âge.
Je lisais, dernièrement, dans la jeune et excellente revue française XXI, un reportage sur l'ainée de la famille Kennedy qui, à cause de sa personnalité dérangeante, aurait été extirpée de la famille, exilée dans le North Country et mis hors d'état de nuire par les bons soins du docteur Walter Freeman alias "pic à glace" (outil qu'il utilisait pour pratiquer ses lobotomies - histoire d'horreur, vous disais-je) un des premiers psychiatres américains à pratiquer la lobotomie dans les années 1940.

Quelque chose m'agace dans ce film.
L'unanimité des louanges recueillies par ce film, culminant lors des Academy Awards qui lui attribuèrent une des plus extraordinaires récoltes de statuettes dans l'histoire du cinéma américain, sonne l'alarme du critique grincheux dont j'aime bien, de temps à autre, porter les habits.

Pourquoi tant d'unanimité ? Le scénario, pardi ! et l'interprétation qu'on en fait.

Qu'il est bon, sans coup férir, de mettre au pilori l'ordre établi quand il présente un tel entêtement à abuser de son pouvoir de contrainte et de punition. À bas le fascisme ! Qui pourrait ne pas endosser un tel slogan. Et tout le monde saute dans la parade.

On ne peut pas résister à être séduit par ce film qui déboulonne devant nous les mécanismes du pouvoir totalitaire (les institutions psychiatriques sont souvent la métaphore de la société totalitaire). Milos Forman, le réalisateur, n'hésitait pas à faire un parallèle entre l'univers concentrationnaire du centre psychiatrique et la vie dans son pays d'origine, la Tchécoslovaquie de l'époque communiste.

Ce qui m'agace ? Le manichéisme des bons contre les méchants : un western de fous.

Mais, j'aime bien ce film quand même, surtout à cause de Jack Nicholson, dans une des ses plus époustouflantes prestations d'acteur de sa carrière.

Quelqu'un peut-il m'expliquer ce que la scène du bateau de pêche vient foutre dans ce film. À part la séquence où Nicholson présente les différents patients à titre de psychiatre, tout le reste aurait dû aboutir dans la corbeille de la salle de montage.

Oscars 1976 : Cinq statuettes : Jack Nicholson (acteur), Louise Fletcher (actrice), Milos Forman (réalisateur),  film,  scénario provenant d'un matériel existant.

Visionné, la première fois, le 13 août 1976 au cinéma à Québec
Fin de mon deuxième séjour à l'école d'été de Français de l'Université Laval à titre de professeur de français, langue seconde... en effet, très secondaire dans ce pays.
Mon 134ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 29 décembre 2022

08 juin 2009

133. Hawks : Scarface



Film américain réalisé en 1932 par Howard Hawks
Avec Paul Muni (Scarface, Camonte), Ann Dvorak, Karen Morley (Poppy), Osgood Perkins, George Raft, Boris Karloff.

D'abord ceci : L'affrontement entre le jeune producteur Howard Hughes qui n'a que 26 ans lorsqu'il entreprend la production de Scarface et le Production Code, mieux connu sous le nom de Code Hays qui, à partir 1934, va imposer une autocensure auprès des producteurs d'Hollywood.

Ce code était un guide de bonne conduite que le cinéma devait emprunter.

Hughes va essayer de plaire aux censeurs en changeant complètement la fin du film - au lieu de mourir abattu par la police, Scarface sera jugé et condamné à être pendu, donnant ainsi l'occasion à un juge de pacotille de nous asséner la sirupeuse moralité des bien-pensants. Mais les censeurs exigèrent plus. La réponse de Hughes sera magistrale : le film sera présenté partout dans la version originale.

Seule concession : la présentation d'un carton, avant le début du film, condamnant le crime organisé.

Bonbons mélangés (expression québécoise de mon enfance)
- Scarface allait devenir le modèle universel des films de gangsters. Et qui d'autre qu'Al Capone pouvait en être le principal personnage ?

- Paul Muni écrase le caricatural James Cagney dans le rôle de gangster.

- Muni, inoubliable dans I Am a Fugitive from a Chain Gang de Mervin LeRoy (à voir, toutes affaires cessantes). Film tourné la même année que Scarface. Après seulement deux films à son actif, Muni fournit les deux plus grandes performances de sa carrière, malheureusement écourtée par de multiples problèmes de santé.

- Avant de commettre ses assassinats, Tony Camonte (Muni) siffle un petit air. Pensez-vous à un personnage d'un film tourné l'année précédente dont l'acteur est d'origine austro-hongroise comme Muni ? " Eh oui ", Peter Lorre dans M le maudit. 

- Scarface, en français, le balafré. La balafre sur le visage de Camonte a la forme d'un X - lettre que l'on retrouvera sous différentes graphies à chaque fois qu'il y aura assassinat.



- Scarface a été tourné à partir d'un scénario typiquement hollywoodien quant à sa fabrication. Pas moins de 6 personnes ont contribué à l'écriture de ce scénario. On est loin du cinéma d'auteur de la Nouvelle Vague.

Lecture cinéphilique 
Les fantômes du muet de Didier Blonde.
Si vous aimez le romancier français Patrick Modiano, vous allez craquer pour cette vingtaine de courts récits qui nous ramènent au temps du cinéma muet.

Blonde : " Chaque fois que je vois ces films, je pars à la recherche de disparus, et c'est un monde de revenants que je découvre, baigné dans la mélancolie du noir et blanc, avant qu'un irrépressible regard jeté en arrière ne le plonge à nouveau dans la nuit. " Du pur Modiano.

Vous dire que Modiano est un de mes auteurs fétiches ne surprendra pas les lecteurs réguliers de ce site consacré à faire, depuis plus de deux ans, des plongées dans mon passé afin d'y sauver de l'oubli les événements marquants de ma vie.

Modiano et Blonde recherchent des disparus. Plus humblement mais plus narcissiquement, je préserve de la disparition des morceaux de moi-même.

Il faut lire Modiano. Vous y gagnerez une sensibilité et votre visionnement des films anciens y gagnera en intérêt.

Visionné, la première fois, le 18 août 1976 à la télévision à Montréal
Mon 133ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 28 février 2023

11 mai 2009

132. Renoir : Boudu, sauvé des eaux



Film français réalisé en 1931 par Jean Renoir
Avec Michel Simon (Priape Boudu), Charles Granval (Édouard Lestingois), Marcelle Hainia (Emma Lestingois), Sévérine Lerczinska (Chloé Anne-Marie)

D'abord, parlons de Paris.
Boudu, sauvé des eaux, c'est le Paris de René Clair, revu et corrigé par Jean Renoir.

Lors du message sur le film Le million, je parlais de ma tristesse de ne pas voir, dans ce film de René Clair, le Paris des années 30, ayant plutôt à me farcir, à la place des vraies rues de Paris, des maquettes et du carton-pâte
.
Le hasard a voulu, en 1976, que je vois le film de Renoir seulement 4 jours après celui de Clair. Alors, voilà, Renoir me donne le Paris dont je rêvais en voyant le film de René Clair.

Lorsque je ne ne suis pas scotché à mon écran de télé ou de portable, je donne des conférences et des cours : Venise, ville médiévale en péril; Les changements climatiques; Tremblements de terre, tsunami et volcans; La Traversée des Alpes françaises à pied et L'histoire de la ville : de Babylone à New York. Je termine toujours ce dernier cours en présentant un diaporama de photos sur Paris, ce qui permet de faire une synthèse de l'histoire de l'urbanisme en Occident.

Alors, Paris, pour moi, c'est la Ville; Hemingway ne disait-il pas Paris est une fête. (J'ai toujours pensé jusqu'à aujourd'hui que le titre était Paris est mille fêtes - pour vous dire mon préjugé pro-Paris). Livre incontournable pour les amoureux de Paris. Expérience urbaine à jamais inoubliable - mes six mois à Paris en 1988.

Tout ça pour dire que j'ai été fasciné par ce Paris de 1931 que Renoir nous présente. Mais, surtout, impressionné par cette séquence où l'on voit Michel Simon, en clochard, déambuler sur les quais de la Seine, passant devant les bouquinistes, complètement noyé dans la foule anonyme. Un faux documentaire plus vrai que vrai.

Boudu, mais c'est Néandertal dans votre salon.
C'est le surmoi en vacances.
Quand le surmoi n'y est pas, le Ça danse.
(Droits d'auteur enregistrés pour ces 3 phrases.)

Deux séquences avaient causé des émeutes lors de la sortie du film au point d'en suspendre la projection 
Boudu, mangeant avec ses doigts des sardines dégoulinantes et Boudu, essuyant le cirage encore frais de ses chaussures avec les draps en satin de la bourgeoise.

En fait, tout le film est une immense tarte à la crème lancée à la figure de la bonne société.

La finale du film, c'est Boudu, sauvé des autres.
Dans le deuxième scénario de noyade, Boudu n'est pas sauvé des eaux mais, plutôt, il se sauve des autres, de l'encadrement trop serré de la société et, tel un poème de Prévert, il bondit hors de l'École (qui dit École avec une majuscule, dit dogmatisme, n'est-ce pas ?) et, déguisé en épouvantail (ce qu'il est, de fait, pour la société), s'en va parcourir les chemins de France.

Visionné, la première fois, le 6 juin 1976 à la télévision à Montréal
Mon 132ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 28 décembre 2022

03 mai 2009

131. Clair : Le Million



Film français réalisé en 1931 par René Clair
Avec René Lefebvre, Annabella, Jean-Louis Allibert, Paul Ollivier, Vanda Gréville

Charmant, mignon, sentant le printemps, mais une comédie musicale du pauvre, quand même, surtout quand on sait ce qui se fait et ce qui se prépare, à ce moment-là, aux USA, côté comédies musicales (42nd Street, Footlight Parade, Gold Diggers of 33).

On peut aimer, mais pardi que ça fait piécette de salle paroissiale. Je sais, c'est du réalisme poétique. Mais me crée une grosse fatigue, le réalisme poétique. J'ai trop donné lors de ma tendre adolescence dans Cocteau et compagnie. Alors, maintenant autre chose.

Pourquoi donc Paris en carton-pâte ? D'accord, des décors magnifiques - les toits de Paris sont remarquables même si les cheminées tanguent dangereusement lors des poursuites. C'est un poème, ce décor. (Alexandre Trautner, le plus grand décorateur de cinéma s'y trouve à ses débuts). 

Mais peut-on vraiment ne pas être chagriné par toute cette vie parisienne qui se déroule en dehors des studios de Joinville-le-Pont (je crois) et qui nous échappe à jamais. Le Paris de 1930, mais si, on en veut.

Je suis en train de visionner les dix épisodes de la magistrale série de Louis Feuillade, Les Vampires, tournée en 1915 : un monument. Très surpris par la vivacité des différentes histoires. D'habitude, les films muets, sauf quelques trop rares exceptions, m'assomment d'ennui même si j'y trouve un certain plaisir intellectuel à découvrir l'histoire du cinéma en marche. Mais ici, chaque épisode nous réserve des surprises quant au déroulement de l'histoire, mais, surtout, ce qui surprend, plus particulièrement, c'est l'abondance des plans et des séquences tournés en extérieur.

Toujours Les Vampires. Pas de Paris en carton-pâte mais Paris live; entre autres, une séquence merveilleuse où l'on voit les personnages montés à Montmartre en passant près du Sacré-Cœur, avec en arrière-plan, Amélie Poulain (je vous jure!). J'aurais aimé que Carné emprunte la même voie pour Le Million au lieu de revenir au Paris de studio des débuts du cinéma.

Tiré de DVD Toile : "Quand sortit Les Temps modernes de Charles Chaplin, Tobis, le distributeur du film de René Clair voulut engager une action judiciaire pour plagiat. Le réalisateur ne souhaita pas s'y associer, déclarant que c'était pour lui un compliment si le film de l'artiste américain était inspiré du sien. L'affaire, plaidée en France et aux Etats-Unis, dura jusqu'à la veille de la Seconde Guerre mondiale. Sur la pression de ses avocats, Chaplin accepta une transaction. Lui et Clair restèrent amis."

Chaplin a piqué une autre idée de René Clair. La séquence de rugby sur la scène de l'Opéra se retrouve, presqu'à l'identique (un poulet au lieu d'un blouson), dans la scène de la salle de bal dans Les Temps modernes

Deux perles de René Clair :
1. Il prédit la fin du cinéma avec l'arrivée du parlant - difficile de se planter plus que ça.
2. Laurel et Hardy ? " Personne ne les trouve drôles, sauf le public. " 
Du pré-Yogi Berra. Vous ne connaissez pas ce fameux receveur des Yankees de New York des années 1950 ? C'est lui qui disait des trucs comme : "C'est pas fini tant que ce n'est pas fini". Ou bien "This place is too crowded, nobody goes there anymore".

Visionné, la première fois, le 2 juin 1976 à la télévision à Montréal
Mon 131ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Retiré de la liste de Schneider en 2013.
Mis à jour le 28 décembre 2022

26 avril 2009

130. Fassbinder : Fox et ses amis



Film allemand réalisé en 1975 par Rainer Werner Fassbinder
Avec Rainer Werner Fassbinder (Fox) , Peter Chatel, Karlheinz Böhm, Harry Baer, Ingrid Caven.

Lutte des classes 101.
Que l'histoire se déroule dans la communauté gaie de Munich n'est qu'accessoire. Ce qui, d'ailleurs, attira les foudres de la dite communauté sur le jeune réalisateur allemand.

En effet, pas de combat pour les droits des homosexuels, ni apologie de leur mode de vie, ce film présente un conflit entre des représentants de deux classes sociales différentes, leur orientation sexuelle n'étant à aucun moment un élément important de la problématique. En faisant l'impasse sur la difficulté d'intégration des gais dans la société, Fassbinder ne rendait pas un très bon service à la lutte des homosexuels pour la reconnaissance de leurs droits - d'où les foudres qu'il s'attira.

Hormis quelques scènes de nudité intégrale qui m'avaient ému à l'époque, on oublie rapidement que toute cette histoire se passe dans un milieu homosexuel. Jamais, l'orientation sexuelle des personnages ne semble poser problème - par exemple, les parents des deux protagonistes n'y trouvent rien à redire. Il semblerait, en regardant ce film, que la société civile de l'Allemagne de 1975 était complètement ouverte à l'expression de la diversité sexuelle, ce qui n'était certainement pas le cas.

Merci de nous enseigner que les gais sont tout à fait comme les straights quant à leur comportement en société. L'orientation sexuelle n'a aucun incident sur la gestion de la relation des classes, sur l'exploitation de l'homme par l'homme, sur l'incapacité à gérer adéquatement le pouvoir. Alors, ne pas se cacher derrière une fausse apparence d'ouverture à l'autre parce que notre pratique sexuelle n'est pas celle de la majorité. Le substantif "straight" (conservateur, réactionnaire, esprit obtus) transcende tous les groupes sociaux, gais inclus. 

À mettre dans le même bain que cette bluette qui date des années 1970 qui essaie de nous faire croire que le monde serait meilleur s'il était dirigé par des femmes. Le monde est tel parce qu'il y a diversité de valeurs, d'intérêts et d'opinions plus pas mal d'autres choses. Il n'y a pas une telle chose que la femme une et universelle dispensatrice d'amour et de paix.

Visionné, la première fois, le 26 mai 1976 au cinéma St-Denis à Montréal
Mon premier film à thématique gai depuis... Blanche-Neige et les sept nains.
Mon 130ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 28 décembre 2022

19 avril 2009

129. Renoir : Partie de campagne



Film français réalisé en 1936 par Jean Renoir
Avec Sylvia Bataille, Georges Darnoux, Jane Marken, André Gabriello, Jacques Brunius, Paul Temps

Quarante minutes de pure merveille.

La Symphonie pastorale de Beethoven, mise en images.

1936. Le Front Populaire, les vacances, l'insouciance, l'été sur le bord de l'eau, quelque diable poussant la belle, un baiser en gros plan (très gros plan - rare), mouillé d'une larme pour le bonheur impossible, l'orage, puis, bientôt, les bottes allemandes aux portes de Paris.



Victoire du Front populaire. 3 mai 1936

Tourné du 15 juillet au 25 août 1936, près de Marlotte et Montigny-sur-Loing, sur les berges de l'Essonne et au pont des Sorques sur le Loing. À cause de dissensions entre le réalisateur et le producteur, Pierre Braunberger, le film ne sortit que 10 ans plus tard à Paris.

Les horreurs de la distribution du film classique français au Québec : j'avais une copie VHS détériorée repiquée d'un original abimé avec des sous-titres en anglais blanc sur blanc - un horrible produit. Parce que nous, en région 1 (Amérique du Nord), on n'a pas encore droit à une copie numérisée sur dvd. Il faut attendre que Criterion ou Kino introduise ce titre dans leur collection; comme ils sont pratiquement les seuls à faire ce boulot, on souffre.

Lecture cinéphilique
Cahiers du Cinéma numéro 634. Mai 2008
Entretien avec Col Nedham, le fondateur de Internet Movie Database.
On y fait l'historique de la plus grande banque de données cinématographiques au monde.
Si, au départ, IMDB était britannique, elle est maintenant américaine depuis son rachat par Amazon

Visionné, la première fois, le 19 mai 1976 à la télévision à Montréal
Mon 129ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 7 février 2023

12 avril 2009

128. Coppola : The Godfather : Part II



Film américain réalisé en 1974 par Francis Ford Coppola
Avec Al Pacino, Robert Duvall, Diane Keaton, Robert de Niro, John Cazale, Talia Shire, Lee Strasberg (professeur d'art dramatique à l'Actor's Studio pendant 30 ans - professeur de Pacino, de De Niro et de Brando - autant dire que sans lui Godfather aurait été tout autre). 

Des moments forts qui expliquent pourquoi c'est mon film préféré de la saga des Godfather :

1. D'abord l'arrivée à Ellis Island de Vito Andolini.

2. La Havana, le 31 décembre 1958 : l'entrée des "barbudos" dans la capitale pendant que le système pourri de Batista se délite à vue d'œil.
Castro et Guevara qui amassent un maximum de capital de sympathie du monde entier; capital que Castro va dilapider lentement au cours de son règne entaché par l'équarrissage des droits de l'homme.
Le partage du pouvoir : le grand échec de tous les systèmes communistes du 20ème siècle. Pas un n'a pu résister à la dictature. Peut-être que le chilien Allende y serait arrivé, ayant été le premier (le seul?) dirigeant communiste élu lors d'un scrutin électoral.

3. Michael Corleone qui corrige le détestable Comment se faire des amis de Dale Carnegie, (j'ai toujours détesté ce livre, ce titre, que, par ailleurs, je n'ai jamais lu. Mais le mandat du livre m'horripilait au plus haut niveau. ).
Alors voilà la version des Corleone de Comment se faire des amis : Lire en continuité la scène durant laquelle le sénateur de l'Utah dit à Michael son profond mépris des ritals mafieux et celle, quelques jours plus tard, dans la chambre d'un motel appartenant aux Corleone, alors que le même gouverneur se retrouve au lit à côté d'une fille brutalement assassinée, implorant l'amitié de ces même ritals pour le sortir de cet horrible cauchemar.

4. La solitude du "tueur" de fond.
Michael, pour assurer et affermir son pouvoir, fait le vide autour de lui. D'où la dernière séquence où l'on voit Michael qui, à l'instar de Charles Foster Kane, se retrouve seul dans son Xanadu du lac Tahoe au Nevada. Sombre et triste.

Ellis Island



De 1892 à 1954, le port d'arrivée de millions d'immigrants européens.

On n'oubliera jamais dans Titanic de James Cameron, l'image de Kate Winslet, sur le bateau qui a rescapé les naufragés du Titanic, regardant la Statue de la Liberté lorsque le bateau entre dans la baie de New York.

Quel moment émouvant pour moi lorsqu'il y a quelques années, j'ai trouvé dans la banque de données de Ellis Island le nom de ma grand-mère, Matilde Mauri. L'histoire familiale avait toujours été confuse à propos de son arrivée au Canada et là, j'avais sous les yeux, le registre du bateau sur lequel elle s'était embarquée au Havre le 13 avril 1913 avec sa sœur, Rachele et sa mère. Je pouvais presque imaginer le fonctionnaire lui demandant son nom, son âge (19 ans), sa provenance (Carlazzo, Lombardia, Italia) et sa destination (Montréal, Canada).

On peut imaginer les frissons de ma grand-mère en voyant la Statue de la liberté après une traversée durant laquelle on a du commémorer le naufrage du Titanic qui avait eu lieu tout juste un an auparavant.


Mais c'est à mon grand-père que je pensais en voyant le jeune Vito Andolini arrivé seul à Ellis Island.
Mon grand-père, provenant de Lucca en Toscane, avait quitté, seul, son village à l'âge de 13 ans (1904) avec une pancarte autour du cou, indiquant son identité. Il se rendit, seul, à Gênes et prit, seul, le bateau l'amenant à Halifax au Canada puis en train jusqu'à Montréal où l'attendait son père. Sur le bateau, il devint l'ami d'un Italien de son âge provenant de Carlazzo (Carlo Mauri) et qui allait devenir, en 1915, son beau-frère, en mariant sa sœur Matilde Mauri

J'ai lu chez David Thomson dans son bouquin "Have You Seen...?" (Les 1000 meilleurs films de Thomson commentés sur 1000 pages) qu'il existe un remontage chronologique des deux premiers Godfather - expérience que je nous souhaite tous.

Oscars 1975 : Six statuettes : film, réalisation, scénario, acteur de soutien à Robert DeNiro, direction artistique, musique.

Visionné, la première fois, le 15 mai 1976 au ciné-parc de St-Bruno, banlieue de Montréal
C'est quoi ces conneries d'aller voir un tel film dans un ciné-parc.
Mon 128ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 5 février 2023

05 avril 2009

127. Cassavetes : A Woman Under the Influence


Une Femme sous influence

Film américain réalisé en 1974 par John Cassavetes
Avec Gena Rowlands, Peter Falk, Lady Rowlands, Katherine Cassavetes.

Mon titre sous-jacent :
La folie en tant que mode de gestion de la violence conjugale.

Allez, un peu de psychologie-maison pour sortir d'une première impression que j'estime fausse.

Pour moi, la personne la plus dysfonctionnelle de ce couple n'est pas celle qui porte le symptôme. Cette folie apparente de l'épouse n'est là que pour canaliser la violence refoulée du mari qui trouve ainsi un exutoire socialement acceptable. En effet, quel mari pourrait supporter calmement un tel désordre émotionnel chez sa femme - d'où la compassion qu'il attire de la part de ses partenaires de travail et des spectateurs (et de la plupart des critiques de cinéma) mais pas de la famille immédiate qui a une vision plus juste et plus nuancée du drame familial.

Les accès colériques et, quelquefois, très violents du mari ne sont pas le fait d'un homme déboussolé par la folie de sa femme. Il faut inverser la relation causale. C'est la folie de la femme qui est la conséquence de la violence potentielle du mari. C'est sa façon de survivre dans ce couple. C'est un classique de la violence conjugale.

Cette phrase du mari, venue de nulle part, est lourde de sens :
" Ma femme n'est pas cinglée. D'accord, elle pourrait se jeter sous une voiture ou mettre le feu à la maison mais elle n'est pas cinglée ". En fait, le mari parle de lui-même parce que l'on voit bien que ces comportements ne font pas partie de la folie de sa femme mais de la sienne propre - folie potentiellement violente (voir la dernière séquence du film).

Je sais, je n'ai vu nulle part une telle analyse. Mais je persiste quand même.

Avec Cassavetes, on est à des années-lumière de Hollywood. Son œuvre, qui commence au début des années 60, est à mettre en parallèle avec la production de la Nouvelle vague. On sort des studios et des scénarios taillés au couteau pour investir les personnages, donner de la place à l'intimité et mettre la caméra en liberté.

Cassavetes, le plus français des réalisateurs américains, ne serait-ce que par son habileté à gérer les scènes de table : le petit déjeuner au spaghetti est une œuvre d'anthologie.

Visionné, la première fois, le 14 mai 1976 au cinéma Élysée à Montréal
Je venais d'emménager (le 1er mai) dans un appartement de la rue Bourbonnière à Montréal (mon 8ème déménagement en 7 ans) où je verrai, à la télé, les Jeux olympiques de Montréal sans mettre les pieds au stade qui est à 500 mètres de chez-moi. C'était une décision politique : boycotter les jeux du maire Drapeau, le "roi" de Montréal depuis 16 ans et boycotter un stade qui nous coutera finalement 1,2 milliard de dollars : quelles aberrations ! - le stade et me priver de participer à la fête olympique.
Huit déménagements en 7 ans et un objet fidèle à travers toutes ses pérégrinations - ma boite de fiches de cinéma qui allait aboutir dans ce site, 30 ans plus tard.
Mon 127ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 5 décembre 2022