23 février 2008

74. Carné : Le Jour se lève

1001 films de Schneider : Le Jour se lève



Film français réalisé en 1939 par Marcel Carné
Avec Jean Gabin, Jacqueline Laurent, Jules Berry, Arletty.

Sorti en France le 9 juin 1939, moins de deux mois avant le déclenchement de la grande marée brune nazie. Le Jour se lève, jamais titre ne fut plus mal à propos, si peu synchrone avec la réalité sociopolitique de son époque. Le jour se lève, en effet, mais sur six ans de "nuits et brouillards".

Pour un Québécois tel que moi dont la formation scolaire a été beaucoup imprégnée par la culture française (littérature, chanson, histoire) ce film résume toute la nostalgie et la tristesse de la vieille France des années difficiles d'avant-guerre.

Dès le premier plan, on entre à pieds joints dans le Paris des classes laborieuses, comme on disait à l'époque : bistrots, meublés, rues noires et sales et en toile de fond (on est quand même dans les studios de Joinville) une grue, des immeubles et un ciel lourd. Le décor est jeté (celui dessiné par Alexandre Trauner, le plus grand décorateur de l'histoire du cinéma français). C'est là que, pendant toute une nuit, faisant échez à l'assaut des policiers, l'ouvrier François revivra son passé récent qui le mènera, au point du jour, à se suicider.

L'utilisation de trois flashbacks pour décrire le passé de François, technique peu connue du public à l'époque, dérouta le public à un tel point qu'il fallut lui expliquer avant le début du film qu'il s'agissait de l'histoire d'un meurtrier qui se souvenait de son passé.

François (Gabin) dit à Françoise (Jacqueline Laurent) qui le rencontre à l'usine : "Le travail, c'est la liberté". Sarcastique (se souvenir de l'échec du Front populaire et du recul de la condition ouvrière) mais aussi prémonitoire (slogan sur les portes d'entrée des camps de concentration nazis "Arbeit macht frei", le travail rend libre).

Pour notre plus grand plaisir, on retrouve Arletty avec sa gouaille habituelle et sa voix à la limite du supportable. Elle nous sort encore une de ses fameuses réparties qui demeurent inoubliables : " Est-ce que j'ai une gueule à faire l'amour avec des souvenirs? " Arletty est aussi fameuse pour ses "one-liners". On peut en voir une liste sur le site de Wikipédia consacrée à sa carrière.

Lecture cinéphilique
Persévérance de Serge Daney, ancien rédacteur en chef des Cahiers du cinéma, décédé en 1992 à l'âge de 48 ans. "Pour Serge Daney, il s'agit d'envisager enfin sa ciné-biographie, il s'agit de prendre à bras-le-corps le matériau de sa vie même de ciné-fils et de boucler sa propre histoire, son itinéraire d'enfant né en 1944 puis d'adolescent et de jeune homme qui, à travers l'amour du cinéma, allait écrire sa vie, c'est-à-dire la confondre avec une certaine histoire du cinéma.". Évidemment, cette lecture me rejoint au plus haut point, moi qui tente, bien maladroitement, de faire de ce site une sorte d'autobiographie à travers les films de Schneider.

Il y de ces hasards (pas le premier observé sur ce site) touchants. La première phrase du livre de Daney : "Au nombre des films que je n'ai jamais vus, il n'y a pas seulement Octobre, Le Jour se lève ou Bambi..."

Technique intéressante utilisée par Daney. Pour développer un regard plus critique sur la forme des films, il s'efforce de reconnaître les 20 premiers plans du film. Et pour chacun des plans, il essaie d'identifier les éléments suivants : sorte de plan, longueur, éclairage, position des personnages, etc.

Venise 1939. Meilleur film étranger
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Visionné, la première fois, le 11 juin 1971 à la télévision à Québec
Cette année 1971, je l'ai passée au 32 rue de la Fabrique à Québec en plein cœur du Vieux-Québec à deux pas du cinéma Empire, lieu de mes premières fréquentations des réalisateurs de la Nouvelle Vague. Lieu mythique entre tous dans mes pérégrinations résidentielles.
Mon 74ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 19 janvier 2023