03 décembre 2007

60. Anderson : If...

1001 films de Schneider : If..



Film anglais réalisé en 1968 par Lyndsay Anderson
Avec Malcolm McDowell, David Wood, Richard Warwick, Christine Noonan et Robert Swann.

Tourné peu après Mai-68 et les grandes manifestations étudiantes en Occident, If est un des films les plus représentatifs de cette période de bouillonnement contestataire de la jeunesse occidentale. 

Cette contestation qui semblait être, à son départ, un grand chambardement de la société occidentale, ne devait s'avérer finalement qu'être un coup de gueule typique de la crise d'adolescence d'une société en mutation. Bon, d'accord, je simplifie un peu. Mais le parallèle entre le film traitant de la rébellion justifiée d'un petit groupe d'étudiants et cette période de contestation est trop évident pour ne pas céder à la tentation de faire ce raccourci.

À part quelques dérives surréalistes, si appréciées des adolescents, le film est d'un réalisme implacable. Le déroulement chronologique de l'histoire est d'une telle rigueur que la fin nous apparaît comme un ovni provenant d'un film tourné dans les années 1990 dans une quelconque école secondaire américaine (ça c'est un cliché, les USA n'ayant pas l'exclusivité de ces massacres; toujours se souvenir des femmes massacrées le 6 décembre 1989 à l'école Polytechnique de Montréal).

La rébellion attendue des étudiants est d'une telle ampleur que l'horreur qu'elle avait créée chez les spectateurs de l'époque fait plutôt sourire aujourd'hui tant les ficelles de la manipulation du réalisateur sont apparentes. Il voulait créer un émoi dans cette société britannique si conservatrice. Il y a réussi au-delà de toute espérance, le film ayant obtenu le "X certificate", fusée qui fit de ce film un des plus grands succès commerciaux de l'histoire du cinéma britannique. Et, évidemment, on ne pouvait y échapper, il est devenu, de ce fait, un film-culte.

Film-culte : valise fourre-tout dans laquelle se retrouvent des films qui ont en commun leur immunité face à la critique. On y trouve du meilleur et du pire (les films d'Edward Wood). On en est à 759, rien que çà, sur le site AlloCiné.

On retrouve, comme dans Les Petites marguerites de Vera Chytilova l'alternance entre la couleur et le noir et blanc, apparemment parce qu'il n'y avait plus d'argent (des "on-dit" de critiques) pour acheter de la pellicule couleur avant la fin du tournage mais probablement plus pour se conformer à une certaine tendance populaire à cette époque du cinéma d'art et d'essai qu'on pourrait appeler le déconstructivisme, pleinement illustré dans Persona de Bergman. Il s'agissait de rappeler constamment aux spectateurs le caractère artificiel du cinéma, son aspect "produit industriel" en semant tout au long du film des éléments qui nous rappellent que nous sommes des spectateurs et que nous n'appartenons pas à la réalité du film.

Malgré tout ce que j'ai dit précédemment, j'ai adoré ce film. Ce film traverse le temps d'une manière remarquable si l'on fait exception de certaines séquences, peu nombreuses il faut l'avouer, qui nous rappellent cette période du "pouvoir des fleurs" où l'onirisme, l'ésotérisme et le surréalisme imprégnaient une grande partie de la production artistique.

Le souvenir que j'en gardais était assez horrible. Le contexte dans lequel je l'ai vu, la première fois, est responsable de cette perception.

Je commençais ma deuxième et dernière année d'enseignement à titre de professeur de Géographie dans une école secondaire (école pour les 12-16 ans) de la région de Québec et j'étais très malheureux. On m'avait confié des classes de Secondaire III (14 ans). Deux semaines, à peine, après le début des classes, j'étais immergé par les problèmes de gestion de classe : indiscipline, violences verbales, confrontations avec certains élèves délinquants.  La routine typique de l'enseignement dans une école secondaire, quoi. Les trois délinquants du film d'Anderson me replongeaient dans les affres de ma vie quotidienne. En conséquence, j'ai longtemps gardé une certaine appréhension illogique vis-à-vis les films où l'on retrouvait Malcolm McDowell; et deux ans plus tard, A Clockwork Orange n'allait certainement pas arranger les choses.

Cannes 1969 : Palme d'or

Visionné, la première fois, le 11 septembre 1969 au cinéma Empire à Québec
Dans l'actualité du jour :
"La projection du film Z du réalisateur français Costa-Gavras a été marquée hier soir par des incidents dans plusieurs salles parisiennes. Des engins fumigènes ont été lancés entraînant l'interruption de la projection dans 4 cinémas." (Journal L'Action, de Québec).
Des groupes de droite ont revendiqué cette action en contrepartie des actions de groupes de gauche qui perturbaient, depuis le début de l'année, la projection du film de John Wayne, Les Bérets verts, justifiant l'intervention des USA au Vietnam.
Mon 60ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 17 janvier 2023