03 mars 2007

23. Antonioni : L' Éclipse

1001 films de Schneider : L'Éclipse


Film italien réalisé en 1962 par Michelangelo Antonioni 
Avec Monica Vitti, Alain Delon, Francisco Rabal, Louis Seigner

Voilà, je me retrouve comme à 20 ans, avec la même déchirure entre mon émotion et ma raison. Essayant d'aimer intellectuellement un film qui m'a laissé de glace. Dans les années 60, en sortant des films de Godard, entre autre, je vivais constamment cette dichotomie entre raison et émotion. Mais, pour être bien accueilli dans certains cercles "intellectuels", il n'était pas question de montrer cette ambivalence. Alors je restais sur ma frustration; ce qui s'est traduit, quelques années plus tard, par le rejet en masse de tous ces films d'art et d'essai des années 60. Un des objectifs de ce site est de revoir quelques-uns de ces films (les meilleurs) avec un regard plus analytique afin de me débarrasser des préjugés que j'ai traînés tout au cours de ma vie contre cette catégorie de films. Et ça marche (voir texte sur l'Avventura)

Si on ne fait pas attention au fil rouge qui parcourt la trilogie antonionienne (L'Avventura, la Notte, L'Eclisse), on a l'impression que L'Éclipse est un collage de séquences faiblement reliées entre elles. Le fil rouge, c'est le couple impossible, c'est l'incapacité de communiquer; c'est Vittoria (Vitti) qui ne peut pas exprimer ce qu'elle pense ou ce qu'elle ressent à ses deux amants ("no lo so"). On retrouve également, comme dans L'Avventura, cette idée que le film et l'histoire ne sont pas deux éléments qui doivent correspondre dans le temps. Dans les deux cas, le film se termine au beau milieu d'une histoire de couple en marche.

Mais c'est plus l'aspect patchwork qui m'a marqué; j'ai donc eu tendance à découper le film en longues séquences que je trouvais plus ou moins intéressantes. D'abord, réglons le cas des deux séquences de la Bourse : longues et sans intérêt sauf peut-être pour la scène de la minute de silence en souvenir d'un collègue décédé. J'ai eu de la difficulté à piffer Delon en jeune raider de la Bourse.

Une séquence prodigieuse : les 18 minutes de la rupture entre Vittoria et Riccardo, au tout début du film, une prouesse technique digne d'anthologie. 18 minutes de plans en champs et contre-champs, de plans en profondeur de champ, découpés au bistouri, de positions de caméra inédites. Un ravissement.

Le géographe que je suis fut émerveillé par la séquence de la balade en petit avion au-dessus de Vérone : vues aériennes des Arènes et des quartiers environnants, imbattables.

L'éclipse, quelle éclipse? L'histoire d'amour entre Vittoria (Vitti) et Piero (Delon) est laissée en plan. Les 7 dernières minutes du film sont consacrées à l'éclipse de Soleil qui s'empare graduellement de l'écran. Le 15 février 1961, probablement en plein tournage de L'Éclipse, il y eut une éclipse totale de Soleil en Italie du Nord. Ces derniers plans de plus en plus assombris par l'éclipse nous transmet une image de fin du monde qui pourrait être causée par l'holocauste nucléaire qui imprègne tous les esprits dans cette période durant laquelle la tension entre les USA et l'URSS atteignait son sommet.

Critique : Cahiers du Cinéma. Octobre 1962. Numéro 136. Prométhée enchaîné par André S. Labarthe.
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Cannes 1962. Prix du jury

Visionné, la première fois, en 1967 à la télévision à Québec
Mon 23ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 30 janvier 2023