30 juin 2009

136. Visconti : Le guépard

1001 films de Schneider : Le guépard



Film italien réalisé en 1963 par Luchino Visconti
Avec Burt Lancaster, Alain Delon, Claudia Cardinale, Paolo Stoppa, Rina Morelli, Romolo Valli, Terence Hill, Pierre Clementi, Lucilla Morlacchi, Serge Reggiani

Le casting du siècle : Burt Lancaster en improbable aristocrate sicilien du 19ème siècle. Cet acteur américain plutôt habitué des westerns et des films d'action a été imposé à Visconti par le coproducteur américain à des fins de rentabilité commerciale. Visconti transforma littéralement cet acteur - ce cowboy comme il disait. Mais on pouvait soupçonner un génie de la composition dans cet acteur qu'on peut voir dans l'interprétation qu'il fit du prisonnier Robert Franklin Stroud dans Birdman of Alcatraz (1962).

Une immense pâtisserie que ce Guépard.
Comment peut-on supporter tant de beauté cinématographique pendant 3 heures !
Tout dans la forme : de multiples plans comme autant de toiles de maître; des paysages jaunes, oranges, ocres d'un dépouillement qui frôle l'ascèse ; des costumes, ceux du bal en particulier, à faire pâlir tous les carnavals de Venise ; l'éclatante Claudia Cardinale qui débarque après 1 heure de métrage pour injecter de la passion, de la beauté, de la vie dans ce monde moribond - le premier gros plan de Claudia qui se mord les lèvres... anthologique.

Au beau milieu d'une époque marquée par l'émancipation des colonies, la montée de la démocratie et la multiplication des partis de gauche, il a eu du culot ce Visconti, ancien aristocrate (comte de Lonate Pozzolo) converti au communisme, de traduire en film le roman Il Gattopardo de Giuseppe Tomasi di Lampedusa tout à la gloire de l'aristocratie sicilienne.

Beaucoup ne lui ont pas pardonné de nous avoir, pendant trois heures, plongé dans la grandeur et les misères de l'aristocratie en réussissant le tour de force de rendre le personnage du Prince Salina, le plus attachant de tous. Bon, d'accord, Angelica (Claudia Cardinale) est terriblement attachante aussi, mais sur un autre registre.

Le comble de la mauvaise foi : Michel Delahaye et Jacques Rivette des Cahiers du Cinéma d'août 1963 classent le film dans la catégorie à voir à la rigueur. Position idéologique ?

La perfection au cinéma ? La séquence du bal. La vie, l'amour, la mort en 50 minutes.

Lecture cinéphilique en cours
La vie passera comme un rêve de Gilles Jacob, directeur ou président du festival de Cannes de 1977 à 2007.
Un tiers de parcouru : immense déception.
Des mémoires en 74 chapitres présentées dans le désordre (un vieux truc d'éditeurs pour camoufler quoi ? les faiblesses de l'écriture ?). Un immense fouillis de flashbacks et de flashforwards dont les contenus annoncés s'avèrent, finalement, de peu d'intérêts.
Achat suite à la lecture d'une critique. Apparemment, encore une critique faite à partir de la 4ème de couverture. "J'horreure"
Si vous adorez les coulisses du Festival de Cannes, la meilleure partie de ce livre un peu brouillon, commencez à lire à partir de la page 166.

Critique. Cahiers du Cinéma. Aout 1963. Numéro 146. Le Prince par Jean-André Fieschi
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Cannes 1963 : Palme d'or

Visionné, la première fois, le 12 septembre 1976 au cinéma à Montréal
Mon 136ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 29 décembre 2022

22 juin 2009

135. Preminger : Anatomy of a Murder

1001 films de Schneider : Anatomy of a Murder
Autopsie d'un meurtre


Film américain réalisé en 1959 par Otto Preminger 
Avec James Stewart, Lee Remick, Ben Gazzara, George C. Scott, Arthur O'Connell, Eve Arden
Musique de Duke Ellington. Il faut voir le Duke jouer en duo avec Stewart dans un pub du Upper Michigan. Mémorable pour tout fan de jazz.

Pas encore un film de procès !
J'en ai tellement marre des films de procès que j'avais plein d'appréhension à revoir ce film dont je n'avais, bizarrement, gardé aucun souvenir. Mais, surprise, j'ai plongé avec appétit dans cette belle représentation détaillée de la justice-spectacle où l'on découvre que les faits, finalement peu importants, sont totalement balayés par la rhétorique des avocats. Il est curieux, en ce sens, que le réalisateur n'ait pas jugé bon de nous faire assister à la plaidoirie finale des deux parties, ce qui est, habituellement, le point d'orgue d'un procès.

Fin surprenante, tant elle est abrupte. On a l'impression que le producteur, regardant sa montre et découvrant qu'on en était rendu à 160 minutes de métrage, sort le drapeau à damier et somme le réalisateur de rentrer à l'écurie. Donc pas de plaidoiries finales, ni de blablabla moralisateur, mais plutôt, à titre de dernière séquence, un drôle de rendez-vous autour d'une poubelle dans un parc de maisons-mobiles dans un coin perdu du Michigan près de la frontière canadienne - j'adore.

Une des grandes performances de James Stewart en avocat décontracté, amateur de jazz et de pêche à la ligne, qui réussit à protéger sa virginité (mais pourquoi donc ?) malgré les attaques répétées de Lee Remick qui utilisent ses dessous à titre d'armes de séduction massive.

Le juge du procès est interprété par Joseph N. Welch, renommé pour avoir été le juge qui initia la chute en disgrâce du sénateur McCarthy, le grand inquisiteur de la chasse aux communistes dans les années 1950. Lors d'une audience sénatoriale (9 juin 1954), transmise à la télévision, lorsque McCarthy s'attaqua à un membre du cabinet d'avocats dirigé par Welch, celui-ci répliqua en ces termes :
" Senator, may we not drop this? We know he belonged to the Lawyers Guild...Let us not assassinate this lad further, Senator. You have done enough. Have you no sense of decency, sir? At long last, have you left no sense of decency? " Les applaudissements nourris des spectateurs qui suivirent cet échange ne laissèrent aucun doute : l'ère de Joseph McCarthy touchait à sa fin. (On peut voir cet échange sur YouTube).

Critique. Cahiers du Cinéma. Novembre 1959. Numéro 101. Ottobiographie par Luc Moulet
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Venise 1959. Meilleur acteur : James Stewart
Oscars 1960. Sept nominations. Aucune statuette

Visionné, la première fois, le 8 septembre 1976 à la télévision à Montréal
Mon 135ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 29 décembre 2022

15 juin 2009

134. Forman : One Flew Over the Cuckoo's Nest

1001 films de Schneider : One Flew Over the Cuckoo's Nest
Titre français : l'horrible et in-signifiant : Vol au-dessus d'un nid de coucou
En anglais, cuckoo signifie, entre autres, quelqu'un qui n'a pas toute sa tête. En français, coucou n'a pas cette signification : arbre, fleur, oiseau, horloge. Alors : Vol au-dessus d'un nid d'horloges ? N'aurait-il pas été préférable d'utiliser le titre français du roman dont a été tiré ce film, La machine à brouillard (on dirait un titre de film de Samuel Fuller) ? Pas sûr.


Film américain réalisé en 1975 par Milos Forman
Avec Jack Nicholson, Louise Fletcher, William Redfield, Sydney Lassick, Brad Dourif, Christopher Lloyd, Wil Sampson, Danny DeVito, Vincent Schiavelli dit l'homme-aux-yeux-tristes.

Rencontre brutale avec une des pires méthodes thérapeutiques - la lobotomie - utilisées par la psychiatrie et qui a tant contribué à la discréditer aux yeux du public. Immédiatement après la Seconde guerre mondiale, la lobotomie, les électro-chocs et les techniques de lavage de cerveau étaient des pratiques courantes en psychiatrie clinique. Des histoires d'horreur.

One Flew Over the Cuckoo's Nest entrebâille la porte sur ces pratiques d'un autre âge.
Je lisais, dernièrement, dans la jeune et excellente revue française XXI, un reportage sur l'ainée de la famille Kennedy qui, à cause de sa personnalité dérangeante, aurait été extirpée de la famille, exilée dans le North Country et mis hors d'état de nuire par les bons soins du docteur Walter Freeman alias "pic à glace" (outil qu'il utilisait pour pratiquer ses lobotomies - histoire d'horreur, vous disais-je) un des premiers psychiatres américains à pratiquer la lobotomie dans les années 1940.

Quelque chose m'agace dans ce film.
L'unanimité des louanges recueillies par ce film, culminant lors des Academy Awards qui lui attribuèrent une des plus extraordinaires récoltes de statuettes dans l'histoire du cinéma américain, sonne l'alarme du critique grincheux dont j'aime bien, de temps à autre, porter les habits.

Pourquoi tant d'unanimité ? Le scénario, pardi ! et l'interprétation qu'on en fait.

Qu'il est bon, sans coup férir, de mettre au pilori l'ordre établi quand il présente un tel entêtement à abuser de son pouvoir de contrainte et de punition. À bas le fascisme ! Qui pourrait ne pas endosser un tel slogan. Et tout le monde saute dans la parade.

On ne peut pas résister à être séduit par ce film qui déboulonne devant nous les mécanismes du pouvoir totalitaire (les institutions psychiatriques sont souvent la métaphore de la société totalitaire). Milos Forman, le réalisateur, n'hésitait pas à faire un parallèle entre l'univers concentrationnaire du centre psychiatrique et la vie dans son pays d'origine, la Tchécoslovaquie de l'époque communiste.

Ce qui m'agace ? Le manichéisme des bons contre les méchants : un western de fous.

Mais, j'aime bien ce film quand même, surtout à cause de Jack Nicholson, dans une des ses plus époustouflantes prestations d'acteur de sa carrière.

Quelqu'un peut-il m'expliquer ce que la scène du bateau de pêche vient foutre dans ce film. À part la séquence où Nicholson présente les différents patients à titre de psychiatre, tout le reste aurait dû aboutir dans la corbeille de la salle de montage.

Critique. Cahiers du Cinéma. Mai 1976. Numéro 266. Réserves par Serge Daney
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Oscars 1976 : Cinq statuettes : Jack Nicholson (acteur), Louise Fletcher (actrice), Milos Forman (réalisateur),  film,  scénario provenant d'un matériel existant.

Visionné, la première fois, le 13 août 1976 au cinéma à Québec
Fin de mon deuxième séjour à l'école d'été de Français de l'Université Laval à titre de professeur de français, langue seconde... en effet, très secondaire dans ce pays.
Mon 134ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 29 décembre 2022

08 juin 2009

133. Hawks : Scarface

1001 films de Schneider : Scarface


Film américain réalisé en 1932 par Howard Hawks
Avec Paul Muni (Scarface, Camonte), Ann Dvorak, Karen Morley (Poppy), Osgood Perkins, George Raft, Boris Karloff.

D'abord ceci : L'affrontement entre le jeune producteur Howard Hughes qui n'a que 26 ans lorsqu'il entreprend la production de Scarface et le Production Code, mieux connu sous le nom de Code Hays qui, à partir 1934, va imposer une autocensure auprès des producteurs d'Hollywood.

Ce code était un guide de bonne conduite que le cinéma devait emprunter.

Hughes va essayer de plaire aux censeurs en changeant complètement la fin du film - au lieu de mourir abattu par la police, Scarface sera jugé et condamné à être pendu, donnant ainsi l'occasion à un juge de pacotille de nous asséner la sirupeuse moralité des bien-pensants. Mais les censeurs exigèrent plus. La réponse de Hughes sera magistrale : le film sera présenté partout dans la version originale.

Seule concession : la présentation d'un carton, avant le début du film, condamnant le crime organisé.

Bonbons mélangés (expression québécoise de mon enfance)
- Scarface allait devenir le modèle universel des films de gangsters. Et qui d'autre qu'Al Capone pouvait en être le principal personnage ?

- Paul Muni écrase le caricatural James Cagney dans le rôle de gangster.

- Muni, inoubliable dans I Am a Fugitive from a Chain Gang de Mervin LeRoy (à voir, toutes affaires cessantes). Film tourné la même année que Scarface. Après seulement deux films à son actif, Muni fournit les deux plus grandes performances de sa carrière, malheureusement écourtée par de multiples problèmes de santé.

- Avant de commettre ses assassinats, Tony Camonte (Muni) siffle un petit air. Pensez-vous à un personnage d'un film tourné l'année précédente dont l'acteur est d'origine austro-hongroise comme Muni ? " Eh oui ", Peter Lorre dans M le maudit. 

- Scarface, en français, le balafré. La balafre sur le visage de Camonte a la forme d'un X - lettre que l'on retrouvera sous différentes graphies à chaque fois qu'il y aura assassinat.



- Scarface a été tourné à partir d'un scénario typiquement hollywoodien quant à sa fabrication. Pas moins de 6 personnes ont contribué à l'écriture de ce scénario. On est loin du cinéma d'auteur de la Nouvelle Vague.

Lecture cinéphilique 
Les fantômes du muet de Didier Blonde.
Si vous aimez le romancier français Patrick Modiano, vous allez craquer pour cette vingtaine de courts récits qui nous ramènent au temps du cinéma muet.

Blonde : " Chaque fois que je vois ces films, je pars à la recherche de disparus, et c'est un monde de revenants que je découvre, baigné dans la mélancolie du noir et blanc, avant qu'un irrépressible regard jeté en arrière ne le plonge à nouveau dans la nuit. " Du pur Modiano.

Vous dire que Modiano est un de mes auteurs fétiches ne surprendra pas les lecteurs réguliers de ce site consacré à faire, depuis plus de deux ans, des plongées dans mon passé afin d'y sauver de l'oubli les événements marquants de ma vie.

Modiano et Blonde recherchent des disparus. Plus humblement mais plus narcissiquement, je préserve de la disparition des morceaux de moi-même.

Il faut lire Modiano. Vous y gagnerez une sensibilité et votre visionnement des films anciens y gagnera en intérêt.

Critique. Cahiers du Cinéma. Janvier 1963. Numéro 139. Par Jean-Louis Comolli
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Visionné, la première fois, le 18 août 1976 à la télévision à Montréal
Mon 133ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 28 février 2023