01 mai 2008

87. Eisenstein et Alexandrov : Octobre

1001 films de Schneider : Octobre
Titre anglais : Ten Days That Shook the World


Film soviétique réalisé en 1927 par Sergei M. Eisenstein et Gregori Alexandrov
Avec Vladimir Popov, Vassili Nikandrov, Layaschenko

Propagande 101
On ne s'attardera pas sur le contenu de cette oeuvre de commande pour commémorer le 10ème anniversaire de la prise de Petrograd-Leningrad-St-Pétersbourg par les Bolchéviques. La valeur historique de ce document est totalement compromise par l'ombre omniprésente du petit père des peuples (Staline) qui impose autocensure d'abord puis, on n'est jamais mieux servi que par soi-même, taille dans le produit fini pour le rendre plus conforme à la vision du pouvoir en place; par exemple, de nombreux plans où on retrouvait le personnage de Trotski ont été supprimés.

J'ai lu certaines analyses qui traitaient d'Octobre comme si c'était un documentaire; on en est à des années-lumière. Il faudrait parler plutôt de docu-menteur ou de documen-taire.

Pour prendre la mesure de la situation, imaginez Bush commandant à Spielberg de faire un film commémorant le cinquième anniversaire de la prise de Bagdad par les Américains; le dit film étant évidemment supervisé par les néo-cons(ervateurs) de Washington. On parlerait du canular du siècle dans les salles de rédaction tant une telle situation serait impensable.

Octobre est un poème symphonique, un oratorio, une épopée "à la Chanson de Roland", n'y cherchons pas une analyse historique scientifique de la Révolution d'Octobre.

Si Octobre est un chef-d'œuvre de l'histoire du cinéma c'est, évidemment, au traitement cinématographique qu'il le doit. Une grande partie de l'art cinématographique d'Eisenstein est rassemblé dans cette œuvre. Il définit une forme de langage cinématographique qui caractérisera toute son œuvre. Selon Eisenstein, un film devrait pouvoir se passer d'intertitres (voir Le Dernier des hommes de Murnau) ou du moins les utiliser au minimum; certains éléments stylistiques du langage cinématographique devraient compenser la parole ou le texte. C'est ce que Eisenstein veut démontrer et Octobre est une complète réussite à ce niveau.

Deux éléments stylistiques retenus :
1. Montage rapide et saccadé des plans.
Au début du film, 60 secondes, 20 plans. Impression d'urgence; insurrection du peuple comme une débâcle au printemps.
Pour demeurer fidèle à la comparaison mentionnée plus haut, vous ne pourrez pas vous empêcher de faire le parallèle entre la destruction de la statue du Tsar et celle de Saddam Hussein, un certain 9 avril 2003.
2. Le "montage intellectuel"
Créer une signification nouvelle par la juxtaposition de deux images ou de deux plans successifs qui, pris séparément, n'ont pas cette signification. C'est la juxtaposition qui crée le sens.
Par exemple, un plan de Kerensky, chef du gouvernement provisoire que veulent renverser les bolchéviques parce qu'il reproduit à nouveau l'ancien pouvoir impérial tsariste, est suivi d'une image de Napoléon. Reçu 10 sur 10 mon capitaine!

Aujourd'hui, cette technique fait les beaux jours de la caricature ou de la pancarte de manifestation; c'est probablement pour ça que les films d'Eisenstein nous apparaissent souvent comme d'énormes caricatures d'autant plus qu'ils étaient la plupart du temps des commandes du pouvoir en place.

Lecture cinéphilique
Hitchcock/Truffaut.
Probablement, le plus célèbre livre sur le cinéma jamais écrit. Entre 1962 et 1966, tous les étés, Truffaut rencontre Hitchcock à Universal City à Hollywood et lui pose des questions (plus de 500) sur son œuvre. Chacun de ses films est analysé.

Contrairement au milieu cinématographique européen où Hitchcock est considéré comme un des plus grands réalisateurs de l'histoire du cinéma, l'ensemble des critiques américains le considérait plutôt comme un cabotin qui développait une œuvre facile destinée au grand public. Ce qui faisait dire à un de ses critiques s'adressant à Truffaut : "Ce livre fera plus de mal à votre réputation en Amérique que votre plus mauvais film" Truffaut ajoute : "Heureusement, Charles Thomas Samuels se trompait et il se suicida un ou deux ans plus tard, pour de meilleures raisons, j'espère."

Critique. Cahiers du Cinéma. Janvier 1967. Numéro 186. Ici Leningrad par Michel Petris
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Visionné, la première fois, le 14 décembre 1971 à la télévision à Québec

Mon 87ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 22 janvier 2023