15 juin 2008

93. Cocteau : Orphée

1001 films de Schneider  : Orphée


Film français réalisé en 1949 par Jean Cocteau
Avec Jean Marais, François Périer, Maria Casarès, Marie Déa, Juliette Gréco

Bon sang que cette œuvre que j'avais beaucoup aimée au sortir de l'adolescence m'apparaît aujourd'hui mineure. Malaise devant ce film dont le traitement des thèmes (la vie, l'amour, la mort) a plusieurs fois des résonances de théâtre amateur; le jeu des acteurs amplifiant souvent cette perception. Quant aux effets spéciaux qui en feraient une œuvre phare aux dires de certains, ils sont plutôt contemporains de l'époque du cinéma muet.

Le poète, cet être surdoué qui flotte au-dessus du marécage dans lequel se débat le commun des mortels : plus capable de supporter cela. Allez Cocteau, on remballe sa panoplie du parfait poète et on saute à pied joint dans la misère du monde.

Durant mon adolescence, Cocteau fut pendant un certain temps mon idole. Cet éternel adolescent avait créé un univers qui ne pouvait que plaire à la jeunesse rebelle à laquelle je voulais tellement appartenir. Che Guevara, quelques années plus tard, allait renvoyer Cocteau et son monde fantasmagorique rejoindre les costumes et les déguisements dans les coffres qui s'empoussiéraient dans les greniers de mon enfance.

J'aime beaucoup la première séquence au café qui nous plonge au cœur du St-Germain-des-Prés des existentialistes d'après-guerre. On y retrouve même la muse germanopratine, Juliette Gréco que, malheureusement, on ne reconnaît pas (c'était avant le remodelage de son nez).
Unique présence au cinéma de Claude Mauriac, un auteur que j'affectionne particulièrement pour son insurpassable œuvre sur le temps qui passe, Le temps immobile

Lecture cinéphilique : Liv Ullmann : Devenir.

Devenir : Mouvement progressif par lequel les choses (les êtres?) se transforment
J'ai longtemps hésité avant de mettre cette photo. J'adore tellement Liv Ullmann; j'avais l'impression de la trahir, de la blesser en soulignant cruellement le passage du temps sur son merveilleux visage. Mais les yeux sont ceux de ses 17 ans. Et qu'on ne vienne surtout pas me dire qu'elle a acquis de la maturité, de la sagesse. Liv les échangerait illico pour retrouver son visage à la B.B. de 1972. De Gaulle disait : "La vieillesse est un lent naufrage". Naufrage, d'accord. Lent, pas sûr.

Devenir : premier de ses trois volumes consacrés à ses mémoires.
Ses études, ses débuts de comédienne, sa solitude, sa souffrance suite à l'échec de sa relation amoureuse avec Ingmar Bergman et son échec hollywoodien au plus grand plaisir de ses admirateurs. Un peu décousu tout ça mais lire Liv Ullmann c'est un baume au cœur. 

Critique. Cahiers du Cinéma. Février 1964. Numéro 152. Par Jean-Luc Godard
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Visionné, la première fois, en 1972 à la télévision à Québec
Mon 93ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 23 janvier 2023

09 juin 2008

92. Biberman : Salt of the Earth

1001 films de Schneider : Salt of the Earth
Le Sel de la terre



Film américain réalisé en 1954 par Herbert J. Biberman
Avec Rosaura Revueltas, Will Geer, Juan Chacon

Premier et seul (?) film communiste de l'histoire des USA; film communiste dans le sens de "réalisé et produit par des personnes appartenant ou ayant appartenus au parti communiste des USA."

Le Sel de la terre est une réponse au House Committee on Un-American Activities (HCUA) qui avait fait emprisonner (de 6 mois à 1 an) avant de les bannir d'Hollywood dix membres ou sympathisants du parti communiste qui avaient refusé de collaborer aux enquêtes menées en 1947 par le comité sur les activités des membres du milieu cinématographique qui pouvaient mettre en péril la sécurité des USA.

Les dix d'Hollywood : Herbert Biberman, Alvah Bessie, Lester Cole, Edward Dmytrick (réalisateur d'une cinquantaine de films qui sera réhabilité après avoir décidé de collaborer avec la commission), Ring Lardner, John Howard Larson, Albert Maltz, Samuel Ornitz, Adrian Scott et Dalton Trumbo dont le film Johnny Got His Gun peut être considéré comme le plus sombre et le plus effrayant plaidoyer contre la guerre.

En 1947, manifestation du Comité du "premier amendement" contre le déroulement de l'enquête de l'HCUA. À la tête de la manif : Lauren Bacall et Humphrey Bogart.

The Salt of the Earth
Interdit aux USA jusqu'en 1965
Même si vous détestez les films pesamment didactiques dans la lignée des films soviétiques à vocation révolutionnaire de la période stalinienne, il faut quand même voir ce film. Bizarre de formulation mais qui correspond à mon ambivalence face à ce film. 

Oublions le côté "solidarité mes frères et mes sœurs, ensemble nous vaincrons" qui relève plus de l'utopie du "grand soir" que de la réalité sociale dans laquelle se vit quotidiennement la lutte des classes. Zola, dans Germinal, près de 100 ans auparavant, avait déjà souligné les illusions de ce type de solidarité et surtout l'échec des masses face au Capital. Qui peut vraiment croire à la victoire finale des travailleurs de la mine dans le film de Biberman ?

Cependant, grand film très à l'avant-garde sur la lutte des femmes pour obtenir l'égalité entre les sexes. Dix ans avant les grands combats du féminisme, ce film pose les jalons de ces combats à venir. Je suis resté estomaqué par la justesse de l'analyse mais surtout par son avant-gardisme.
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Solidarity Forever : chant syndical créé en 1915 par Ralph Chaplin pour l'Industrial Workers of the World. Chant que j'ai retrouvé dans toutes les grèves (au moins une quinzaine) auxquelles j'ai participé. Chant tellement galvaudé qu'il en est devenu une source de moquerie.

Au début du film, on entend dans le village la sirène de la mine qui annonce qu'il y a eu un accident. Ça m'a rappelé mon enfance dans le quartier ouvrier de Limoilou à Québec, lorsqu'on entendait la sirène de la plus grosse entreprise, une papetière, l'Anglo Pulp Company, appelant les secours ambulanciers mais aussi semant la panique parmi les gens de ma rue dont la plupart des hommes y travaillaient.

Lecture cinéphilique
Éric Neuhoff, La séance du mercredi à 14 heures
Un tout petit livre. Bien tassé, il ferait moins de 100 pages. Un cadeau pour cinéphile amoureux fou de cinéma mais aussi un peu compulsif. L'auteur s'amuse au "name droppings" à mon plus grand plaisir. Des tonnes d'anecdotes, des jugements à l'emporte-pièce et à l'emporte cœur, qui quelquefois me font sursauter. Exemple : "...qui aurait envie de se déplacer pour détailler les mollets de Juliette Binoche..." (méchant, non?). Mais aussi des phrases à la Truffaut, telle "Le problème fut longtemps de trouver autre choses à aimer dans la vie. Le cinéma est tellement mieux que tout le reste." (Éric Neuhoff a aussi écrit Lettre ouverte à François Truffaut, pour les inconditionnels de Frank Truff.) Deux belles pages qui commencent par "Mettons. François Truffaut n'est pas mort."

Mais, malheureusement, on n'y échappe pas. Quand un cinéphile parle ou écrit, il s'empêtre toujours les deux pieds dans la nostalgie et ça finit, immanquablement, par "Le cinéma que nous aimions était en train de mourir" ou bien "Bientôt, personne n'ira plus au cinéma, sauf les acteurs les soirs de première." Ils sont souvent comme ça : des passionnés qui roulent à 200 à l'heure, le regard dans le rétroviseur.

Critique. Cahiers du Cinéma. Mai 1955. Numéro 47. Un Dynamisme clair et réaliste par Willy Acher
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Visionné, la première fois, le 4 avril 1972 à la télévision à Québec
Montréal, capitale mondiale du terrorisme??? 

Dans l'actualité du jour : Deux bombes faisant un mort explosent à la mission commerciale cubaine à Montréal. Depuis 10 ans (1962), à Montréal : une douzaine de bombes faisant 5 morts et deux prises d'otages dont une avec mort d'homme (un ministre du gouvernement québécois). Front de Libération du Québec.
Mon 92ème film visionné de la liste des 1001 films de Schneider
Mis à jour le 23 janvier 2023