09 mai 2008

88. Lang : Metropolis

1001 films de Schneider : Metropolis


Film allemand réalisé en 1927 par Fritz Lang
Avec Alfred Abel, Gustav Fröhlich, Rudolf Klein-Rogge, Brigitte Helm
D'après le roman de Thea von Harbou, Metropolis.

Quel feu d'artifice!
Les spectateurs ont dû être complètement pétrifiés par la démesure de cette œuvre. Pas de précédents dans une telle démesure. Birth of a Nation de Griffith qui pourrait s'en approcher est maintenue à distance par son scénario connu par tous à travers les livres d'histoire. Avec Metropolis, on sort du temps et de l'espace connu. Le scénario, assez simple, s'efface derrière le gigantisme des décors et de la figuration (37,000 personnes). Coût de la production converti en dollars d'aujourd'hui : 200 millions$

Metropolis fait partie de cette vision idéologique récurrente du progrès et de la science : ceux-ci nous mènent tout droit vers l'enfer. Metropolis a ouvert la voie à une pléthore de films qui nous dépeindront la ville comme un lieu dantesque : Blade Runner, Dark City, The Fifth Element, Solyent Green (Titre français: Soleil vert, film sous-estimé), etc. On aime bien se faire peur. 

On a cru un moment que les villes occidentales se dirigeaient vers cette destinée (pensons à New York des années 1970; je me souviens, lors de ma première visite à New York en 1979, être arrivé dans la ville par le tunnel Lincoln qui aboutit sur la 42ème rue, découvrant une dizaine de voitures désossées et criblées de balles) mais, dans un sursaut salutaire, les villes occidentales, même les plus grandes, sont redevenus des lieux de désirabilité résidentielle. La ville-centre qui, pendant des décennies, s'est vidée de sa population au profit des banlieues (surtout dans les villes nord-américaines) devenant des lieux de désolation et de criminalité élevée est à nouveau réinvestie par les populations. Renaissance de la ville : les industries ont quitté le cœur des villes, les espaces résidentiels ont été rénovés, les cours d'eau ont été dépollués, des parcs ont été aménagés, les rues piétonnes se sont développées, la rue principale a repris vie. Il fait bon, à nouveau, habiter au cœur des villes; l'augmentation exorbitante du prix des logements en fait foi. Comme quoi, le pire n'est pas toujours certain.

Metropolis : la ville de 2006 (année indiquée dans le roman).


En réalité, cette photo me fait plus penser aux villes d'Amérique du Nord des années 1960-1970, à l'époque de ce qu'on appelait le "urban renewal" (démolir la ville ancienne obsolète afin d'y reconstruire une ville à la Le Corbusier : tours à bureau, tours résidentielles, reliées par des autoroutes qui pénètrent au cœur de la cité). Voir ci-dessous un projet pour le quartier médiéval du Marais à Paris qui devait disparaître pour laisser place au Plan Voisin, œuvre de Le Corbusier.


Heureusement, Paris a échappé à ce massacre. Le futur, d'accord, mais ailleurs, pas au détriment de l'histoire de la ville. Et c'est bien ailleurs, à La Défense, que les promoteurs de ce type de développement ont appliqué les grandes théories urbanistiques de Le Corbusier

Si je m'emballe tellement à chaque fois que la question urbaine apparaît c'est qu'on entre au cœur de ma vie professionnelle : 31 ans d'enseignement consacré au Monde urbain. Ça laisse des traces indélébiles.

Grande faille dans ma cinéphilie : je n'ai jamais vu Metropolis sur grand écran. 

Octobre et Metropolis résolvent la lutte des classes !
Deux films tournés en 1927 par deux des plus grands réalisateurs de cette époque : Eisenstein et Lang
Deux films qui traitent de la même thématique : la lutte des classes et sa résolution.

Coïncidence jamais soulignée dans les articles lus consacrés à ces deux films.
Si la résolution de la lutte des classes par le renversement du pouvoir en place par la population (thèse défendue par Eisenstein dans Octobre) nous apparaît pratiquement incontournable dans un régime dictatorial, comment regarder sans rire la résolution de la lutte des classes proposée par Lang dans Metropolis. 

Dans la thèse défendue par Lang et, incidemment, par le régime nazi qui s'apprête à prendre le pouvoir, le capital (la bourgeoisie vivant au sommet de Metropolis) et le travail (la masse obscure des travailleurs dont les quartiers sont enfouis dans les catacombes de la ville) apprennent à collaborer dans l'harmonie et l'amour pour le bon fonctionnement de Metropolis.

Visionné, la première fois, en 1971 à la télévision à Québec.
Mon 88ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 22 janvier 2023