24 mars 2007

29. Bunuel : Belle de Jour

1001 films de Schneider : Belle de Jour



Film français réalisé en 1967 par Luis Bunuel
Avec Catherine Deneuve, Jean Sorel, Michel Piccoli, Geneviève Page, Pierre Clémenti, Françoise Fabian et Macha Méril.

La plus belle œuvre érotique de Bunuel.

La scène d'ouverture nous laisse pantois. La rupture entre le fantasme sadomasochiste qui inaugure le film et la scène suivante illustrant la réalité du "au lion d'or" est la plus belle douche écossaise qu'il m'ait été donné de vivre au cinéma. Tout simplement génial.

Frigide, visage glacial, contact froid, un habillement impeccable (du Yves Saint-Laurent), voilà pour Sévérine, la bourgeoise de Neuilly. Mais cette muraille ne peut étouffer en permanence ces braises intérieures allumées dès l'enfance (?) qui foutent le camp, déguisées en fantasme masochiste ou en Belle de Jour, tous les après-midis chez madame Anaïs.

Séverine, pute le jour et vierge le soir, n'arrive que difficilement à cloisonner ses deux vies : d'abord ses fantasmes font régulièrement irruption dans sa vie de sainte-nitouche, puis un ami de son mari, Husson (perversement bien joué par Piccoli), la harcèle constamment en mettant en doute sa candeur et ses airs de vertueuse. Finalement, c'est Marcel (Clementi) qui fera éclater la clôture qui sépare la Belle de Jour de l'Épouse du Soir, en faisant une intrusion dramatique dans le nid conjugal, ce qui se terminera par une scène de mauvais film policier.

Des jours et des nuits à me remettre de ce film.
Les nuits pour Baise de Jour et les jours pour ce Clémenti en jeune écorché prêt à jeter sa vie aux orties pour cette improbable femme fatale.

Clémenti, en manteau de cuir, avec sa canne et son râtelier métallique m'avait complètement séduit. Ce voyou, misérablement macho, en fait, un enfant perdu dans un monde factice, était devenu mon héros d'un jour. Je me vois encore essayant d'imiter sa claudication en marchant sur les remparts du Vieux-Québec à côté d'une Séverine d'un petit village de Portneuf, à mille lieues géographiques et sociologiques de Neuilly-sur-Seine.

Et pendant ce temps, un autre de mes héros, Ernesto Che Guevara, mourait dans une prison infecte de la Bolivie, assassiné lâchement. Pas de procès pour les héros médiatiques, ce qu'il était devenu depuis son exil volontaire de Cuba pour aller allumer un foco de la révolution socialiste dans la campagne bolivienne. Mais la CIA veillait. L'avantage de mourir jeune pour un héros politique est de lui éviter de devenir un vieux dictateur assis sur son passé de jeune révolutionnaire romantique. Toute coïncidence avec une personne existante serait totalement appropriée.

Pierre Clementi est mort à 57 ans d'un cancer du foie. Fidel Castro vit toujours. (Décédé en 2016 à l'âge de 90 ans)

Critique : Cahiers du Cinéma. Juillet-Août 1967. Numéro 192. Séverine sortit à cinq heures par Jean Narboni.
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Cahiers du Cinéma : Dans la liste des 10 meilleurs films de l'année 1967

Visionné, la première fois, en octobre 1967 au cinéma Empire à Québec
Mon 29ème film visionné des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 13 janvier 2023