20 janvier 2013

245. Bergman : Les communiants

1001 films de Schneider : Les communiants

Retiré de la liste de Schneider en 2013
 

Film suédois réalisé en 1962 par Ingmar Bergman
Avec Gunnar Björnstrand (pasteur), Ingrid Thulin (l'ex-maitresse du pasteur), Max von Sydow (le pêcheur), Gunnel Lindblom (la femme du pêcheur)
Ce film fait partie de la trilogie qu'on appelle le "silence de Dieu" : précédé par À travers le miroir et suivi par Le silence

J'essaie d'imaginer la réaction du public qui verrait ce film dans un multiplex du centre-ville, un samedi soir. Déjà l'an dernier ça sortait en masse lors de la projection du film muet L'artiste à laquelle j'ai assistée.  Alors, imaginez la réaction des spectateurs après la séquence initiale de 12 minutes en noir et blanc d'un prêtre en train de dire la messe dans une chapelle déserte du nord de la Suède - hécatombe au box-office.

Pourtant plus je vois ce film, c'est ma 5ième fois, plus je découvre un chef-d’œuvre traitant de la condition existentielle de l'homme.

Le plus noir, le plus désespéré des films de Bergman. Même l'amour ne peut rien contre le silence de Dieu... qui n'existe pas. Tout est à désespérer de la condition humaine dans ce film : le pasteur qui perd la foi, sa maîtresse qu'il rejette ignominieusement - l'amour ne nous sauvera pas -, le suicide d'un pêcheur obsédé par l'imminence d'un conflit nucléaire annoncée par les essais nucléaires chinois. Tout ça dans un paysage d'hiver glauque que le soleil semble avoir déserté à jamais.

Le silence de Dieu mais pour les paroissiens c'est surtout le silence du pasteur
Critique. Cahiers du Cinéma. Juillet 1965. Numéro 168. Bergman à la trace par Jean Collet
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Cahiers du Cinéma : Dans la liste des 10 meilleurs films de l'année 1965

Visionné, la première fois, le 14 décembre 1988 au cinéma St-André-des-Arts à Paris
Un peu comme dans Les Communiants, en ce mois de décembre à Paris, le soleil n'existe pas. On a droit aux sempiternelles brumes matinales suivi d'un ciel gris mur à mur... "Avec un ciel si gris qu´un canal s´est pendu". Pendant un mois, jusqu'à notre retour au Québec le 30 décembre, aucun rayon de soleil. Puis, le plaisir de retrouver les ciels bleu d'acier du Québec de janvier par moins 20 degrés. Bon, bien, après dix jours de ce régime, vivement les brumes matinales de Paris.
Mon 245ème film visionné de la  liste des 1001 films du livre de Schneider 
Mis à jour le 5 avril 2023

15 janvier 2013

244. Carné : Les enfants du paradis

1001 films de Schneider : Les enfants du paradis


Film français réalisé en 1945 par Marcel Carné
Avec Arletty (Garance), Jean-Louis Barrault (Baptiste), Pierre Brasseur (Frédérick Lemaître), Pierre Renoir, Maria Casarès, Marcel Herrand

C'est dommage pour nous Québécois de la génération du baby-boom mais  Les Enfants du paradis nous rappelle une période de l'histoire québécoise tristement célèbre qu'on a appelé "la grande noirceur" (pendant le règne du premier ministre québécois Maurice Duplessis de 1936 à 1939 puis de 1944 à 1959) pendant laquelle la religion catholique exerçât un pouvoir abusif sur la culture. 

En effet, ce film fut interdit de projection au Québec lors de sa sortie en 1947. Cette année-là, Les enfants du paradis doit être projeté à l'Université de Montréal dans le cadre d'un festival de films français. Le Bureau de la censure l'interdit jugeant le film pornographique parce que l'actrice Arletty y dégrafe son corsage. Le délégué de la France interprète ce refus comme une insulte à son pays.

On parle ici d'un grand poème de Prévert mis en images, d'un sommet du réalisme poétique. Une autre collaboration fructueuse du tandem Carné-Prévert (Quai des brumes, Le jour se lève, Les visiteurs du soir). 

C'est Paris 1830, le boulevard du crime (la rue canaille de l'époque), un trio amoureux et un magistral hymne au théâtre à travers ses acteurs.
 
La réalisation de cette œuvre majeure s’est faite en pleine Occupation. Des débuts du tournage, en 1943, aux studios de la Victorine à Nice (le clin d’œil de Truffaut dans La Nuit américaine), puis aux studios Francoeur à Paris, jusqu’à la sortie du film le 15 mars 1945, le tournage des Enfants du Paradis connaîtra de nombreuses vicissitudes liées à la situation politique que traversait la France à cette époque. 

Arletty sera absente lors de la première du film étant mise en accusation à cause de sa relation amoureuse avec un officier allemand ce qui lui fit dire lors de son arrestation : "Si mon cœur est français, mon cul, lui, est international ! »
 
Arletty, le degré zéro de l'interprétation. Mais on lui pardonne tout à cause de répliques comme : "On m'appelle Garance. Garance, c'est le nom d'une fleur" dites sur le ton le plus automate possible. Bresson a dû l'aimer cette Artletty, lui qui a toujours chercher chez ses comédiens amateurs une déclamation mécanique. Il devait leur dire : vous voulez faire comédien eh bien imitez Arletty.

On retrouve Jacques Prévert dans ces multiples jeux de mots faciles qui pimentent le scénario. En voici un célèbre : (Le commissaire à Garance) : "Comment vous appelez-vous?" " Moi, je ne m'appelle jamais, je suis toujours là. J'ai pas besoin de m'appeler. Mais les autres m'appellent Garance, si ça peut vous intéresser."

Baptiste le mime (Jean-Louis Barrault) et Garance (Arletty, à 47 ans quand même)

Une séquence qui est à se tordre de rire : la représentation de la pièce L'Auberge des Adrets (dessins et texte complet sur Gallica) et la bouffonnerie qu'en fait Frédérick Lemaitre (Pierre Brasseur).

Venise 1946. Prix pour le film

Visionné, la première fois, le 2 décembre 1988 au cinéma à Paris 
Mon 244ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 5 avril 2023

03 janvier 2013

243. Bergman : À travers le miroir

1001 films : À travers le miroir


Film suédois réalisé en 1961 par Ingmar Bergman
Avec Harriet Andersson (Karin), Gunnar Björnstrand (David), Max von Sydow (Marin), Lars Passgard (Minus)

Encore un Bergman. Il faut dire que nous sommes en novembre 1988 et que je suis en plein milieu d'une grande rétrospective Bergman au cinéma St-André-des-Arts à Paris.

Le début de la décennie 1960 est marquée chez Bergman par des œuvres qui abordent le thème de la psychose (Le silence, Les communiants, Persona, L'heure du loup).
 
À travers le miroir est une œuvre magistrale qui atteint des abysses de dépression et de désespoir avec une performance homérique de Harriet Andersson que je rêvais de rencontrer en Suède, à l'été 2012. Harriet, à 80 ans, en train de siroter un café, seule, au fond d'un café d'Uppsala - pur moment de grâce dans mon imagination.

Le grand thème de ce film, c'est évidemment la schizophrénie. Où il appert que Dieu est un symptôme obligé de cette maladie mentale. Traverser le miroir dans ce cas-ci, c'est entrer dans un monde hallucinatoire où Dieu est présent mais qu'il peut aussi se transformer en araignée - moment d'horreur absolu.

L'autre thème important de ce film, c'est la culpabilité du père de Karin. Il se sent affreusement coupable de recycler du matériel biographique - la maladie de sa fille - en production littéraire. Ce personnage du père incarne la culpabilité de Bergman dont la carrière théâtrale et cinématographique  a phagocyté sa vie familiale. Quatre épouses (on ne compte pas ses maitresses - la plupart des rôles principaux féminins de ses films) et sept enfants pendant la période qui précède ce film. Cette phrase de David, le père de Karin, qui résume cette culpabilité : "It makes me sick to think of the lives, sacrificed to my so-called art."

Luc Moullet des Cahiers du Cinéma devait dormir au gaz quand il a vu À travers le miroir : "Propos vagues sur Dieu et l'humanité, d'un niveau primaire assez provocant, photo atrocement terne, c'est du Wyler fatigué. L'accumulation des effets est indispensable à la réussite de Bergman (???); or ici, malheureusement, il reste très honnête et très simple." Cahiers du Cinéma numéro 135 de septembre 1962. L'art de passer complètement à côté d'un film.

En mai-juin 2011, au New York Theatre Worshop, ma jeune actrice préférée, Carey Mulligan (inoubliable dans Never Let Me Go), jouait le rôle de Karin, interprétée dans le film de Bergman par Harriet Andersson.


Critique. Cahiers du Cinéma. Novembre 1962. Numéro 137. Ouvert sur ces oiseaux uniques par Jacques Doniol-Valcroze.
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Oscars 1962. Meilleur film en langue étrangère
Berlin 1962. Meilleur film selon International Catholic Organisation for Cinema

Visionné, la première fois, le 15 novembre 1988 au cinéma St-André-des-Arts à Paris
Mon 243ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 5 avril 2023