21 novembre 2009

150. Oshima : L' empire des sens

1001 films de Schneider : L'empire des sens


Film japonais réalisé en 1976 par Nagisa Oshima
Avec Tatsuya Fuji, Eiko Matsuda

C'est le début de l'été de 1977, je viens d'arriver à Paris avec le projet de faire avec Annie, un demi-tour de la Méditerranée en auto : deux mois pour parcourir France-Espagne-Maroc-Algérie-Tunisie-Italie-France. Avons loué une Simca à laquelle nous avons l'intention de mettre 10 000 kilomètres au compteur. En attendant mon amie qui n'arrivera que dans quelques jours, je me balade dans Paris. À cause du décalage horaire, je me lève tôt pour aller me promener dans les dernières échoppes des Halles qui n'ont pas encore été transférées à Rungis. J'aime bien fréquenter les cafés de l'aube, bondés de travailleurs qui viennent de finir leur nuit; la bière et les p'tits rouges de comptoir coulent à flot dans une atmosphère terriblement enfumée à six heures du matin.

J'habite le célèbre hôtel Saint-André-des-Arts (célèbre auprès de la clientèle nord-américaine, parce que bien coté dans le guide Paris on 15$ a Day, ai-je bien dit 15$ par jour ?) sur la rue du même nom au cœur du Quartier Latin à côté du mythique cinéma Saint-André-des-Arts, haut-lieu de la cinéphilie depuis les années 1950. C'est là que je verrai L'Empire des sens.

Je ne connaissais rien de ce film. Imaginez le choc ressenti. Le lieu, le cinéaste me disaient bien que je n'étais pas dans une salle de cinéma porno mais, quand même, je n'avais jamais vu de scènes sexuelles aussi explicites dans toute ma carrière de cinéphile. Cela étant, j'ai été submergé par cette histoire de passion amoureuse, non, pas amoureuse, sexuelle. C'est la radicalité du désir sexuel qui nous bouleverse, qui nous transporte au-delà des différentes exhibitions crues de la mécanique sexuelle.

Ai no corrida signifie littéralement "La corrida de l'amour". Belle métaphore qui illustre bien ce duel entre la femme et l'homme dans lequel les protagonistes échangeront leur rôle. Si, au début, l'homme se positionne comme le maître d'œuvre de la jouissance, peu à peu, cette maîtrise lui échappera au profit de la femme qui, par la multiplication des "encore" - le mot de la jouissance féminine - lui fera rendre armes et bagages et quelques éléments de sa plomberie personnelle, le trophée du toréador, si je peux me permettre de compléter la métaphore de la corrida.

Eiko Matsuda, interprète du personnage historique (puisqu'inspiré d'une affaire criminelle japonaise de 1936) Sada Abe, était une actrice non-professionnelle. Elle restera à jamais étiquetée par ce film, ce qui l'empêchera de continuer sa carrière au cinéma.

Critique. Cahiers du Cinéma. Mars 1976. Numéro 265. Par Pascal Bonitzer. Septembre 1975. Numéro 270. L'Essence du pire par Pascal Bonitzer. Janvier 1977. Numéro 273. Encore sur L'Empire des sens par Sara Rafowicz
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Visionné, la première fois, le 20 juin 1977 au cinéma St-André-des-Arts à Paris
Mon 150ème film visionné des films du livre de Schneider
Mis à jour le 29 décembre 2022