29 janvier 2008

70. Hopper : Easy Rider


1001 films de Schneider: Easy Rider


Film américain réalisé en 1969 par Dennis Hopper
Avec Peter Fonda, Dennis Hopper, Jack Nicholson

Le road-movie for ever.
Je ne connais pas de films qui correspondent, avec une telle perfection, au concept de road-movie.

Pas d'histoire dans cette traversée de l'Ouest américain, de Los Angeles à New Orleans. Seulement la route, deux gars vaguement hippies sur leur moto équipée de choppers (équipement associé plutôt aux gangs de motards, style Hell's Angels pas vraiment adeptes de la contre-culture!), peu de dialogues, des paysages dignes des plus beaux westerns (Monument Valley), des chansons sublimes (Steppenwolf, The Band, Roger McGuinn des Byrds chantant une chanson de Dylan, etc), et des rencontres marquantes. Tout ça joyeusement entremêlé de cannabis, de cocaïne et d'acide.

J'avais oublié (l'ai-je jamais su ?) à quel point le personnage de Peter Fonda (Wyatt) est touchant. Face au caractère mal dégrossi de Billy (Dennis Hopper), Wyatt est d'une douceur angélique malgré son attirail de Captain America. Il flotte sur les événements, peu sensibles à l'environnement. Ses rencontres sont toujours riches de tendresse et d'affection.

Un festival d'icônes de la contre-culture : la liberté les cheveux dans le vent, les psychotropes à volonté, la Commune où l'on pratique l'amour libre et où les filles s'offrent à tout venant, une VW Wesphalia déglinguée, la musique rock, les pays rednecks où les panneaux-réclames « Beautify America, Get a Haircut » côtoient les « Support Your Local Police ».

Hopper et Fonda ont été inspirés par le film italien Il Sorpasso (Le fanfaron) de Dino Risi qui raconte le voyage de deux types à travers l'Italie en décapotable. Avec Vittorio Gassman et Jean-Louis Trintignant. Film à voir, donc.

Je dois dire que ce type de films n'était pas vraiment mon bag pour utiliser une expression populaire à l'époque. Je carburais plus aux films engagés politiquement ou bien aux films intimistes à la Bergman. Easy Rider m'apparaissait plus comme un gros trip d'adolescents attardés, peu politisés, inconscients, flottants au-dessus de la réalité sociopolitique de l'époque.

Et je déteste que ce film soit perçu comme porte-étendard de cette époque, malencontreusement appelée Flower Power (encore un truc de médias !).

Critique. Cahiers du Cinéma. Juin 1969. Numéro 213. Par Bernard Eisenschitz
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Cannes 1969. Meilleur premier film

Visionné, la première fois, le 28 février 1971 au cinéma à Québec
Mon 70ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 19 janvier 2023

23 janvier 2008

69. Buñuel : Los Olvidados

1001 films de Schneider : Los Olvidados
Les Réprouvés
Autre titre français : Pitié pour eux (ça fait ciné-club de Jésuites, non?)


Film mexicain réalisé en 1950 par Luis Buñuel
Avec Alfonso Mejia, Roberto Cobo, Estela India, Miguel Inclan, Alma Delia Fuentes.

Le titre est un peu ironique (les oubliés, en français) parce que s'il est un film qui risque de nous marquer à jamais, c'est bien celui-là.

Je viens de le revoir pour la première fois depuis 1971 et je n'avais rien oublié du décor des bidonvilles de Mexico, de la cruauté de ces enfants-des-rues abandonnés à leur sort, des séquences inoubliables où l'on voit ces enfants qui, à prime abord attireraient notre compassion, s'attaquer violemment à un vieillard aveugle, voler un homme sans jambes qui se déplace sur un plateau à roulettes, tuer sauvagement un des leurs. Rien n'est oublié.

Quand j'ai vu ce film pour la première fois, il tombait dans un terreau fertile. L'été précédent, j'avais eu mon premier contact avec le Mexique. Six semaines à parcourir le Mexique, du Rio Grande jusqu'à Isla Mujeres à la pointe du Yucatan après une traversée Québec-Laredo, Texas, entassés à quatre dans une Datsun 510 (Nissan, pour les moins de 50 ans), quatre jours de galère à 40°C.

Premier contact avec le sous-développement économique : un choc pour des jeunes "gringos" simili-hippie comme nous. La misère, partout. On n'avait d'yeux que pour elle : fascinés, traumatisés, scandalisés. Et ces enfants, des milliers, aux yeux tristes : insupportable vision. Voyage inoubliable. Toujours près du cœur.

Los Olvidados, c'est aussi le film dont j'ai parlé le plus souvent au cours de ma carrière d'enseignant. Dans un cours intitulé Espace urbain, au chapitre sur le développement urbain dans les pays du Tiers monde, je parlais des bidonvilles, cette forme d'occupation anarchique et illégale du sol urbain en périphérie des villes du tiers-monde. Et paf, à chaque fois, je disais à mes étudiants : il faut absolument voir Los Olvidados, vous y verrez la misère telle que vécue dans ces quartiers pourris. Autant faire pousser des bananes au Nunavut.

Ce ne serait pas un film de Buñuel s'il n'y avait pas au moins une séquence sulfureuse : Meche (Alma Delia Fuentes), jeune adolescente, qui se frotte les cuisses avec du lait d'ânesse, ouf!!!.

Los Olvidados. Couverture du numéro 7 des Cahiers du cinéma. Décembre 1951.

La couverture des Cahiers du cinéma a pris cette forme pendant les 159 premiers numéros jusqu'en octobre 1964. Ces fameux Cahiers Jaunes ont une résonance particulière auprès de la génération des cinéphiles des années 50 et 60. C'est pendant cette période que se définira une nouvelle approche critique vis-à-vis des films. Particulièrement, on y introduira la notion d'auteur de film. Le réalisateur n'est plus un simple maillon de la chaîne de production; il est considéré dorénavant comme le principal artisan. La plupart des rédacteurs de la revue deviendront, à partir de 1959, les principaux artisans de la Nouvelle Vague : Truffaut, Rohmer, Chabrol, Godard, Rivette, Doniol-Valcroze...

Lecture cinéphilique : Antoine de Baecque. La cinéphilie : Invention d'un regard, histoire d'une culture. 1944-1968. 
Un livre fascinant concernant cette période durant laquelle s'élabora la notion de cinéphilie (ceux qui mettent le cinéma au cœur de leur vie... dur, dur pour l'entourage).

Il semble qu'il existe une version DVD (mexicaine?) dans laquelle l'on retrouve une séquence qui propose une alternative heureuse au dénouement du film. Ce serait la suite logique de la colère des autorités mexicaines à la sortie du film en 1950 lorsqu'elles constatèrent que le film présentait une image dégradante de leur pays. On dit que Buñuel est passé à un cheveu d'être expulsé du pays à cause de Los Olvidados.

Critique. Cahiers du Cinéma. Décembre 1951. Numéro 7. Par delà la victime par Jacques Doniol-Valcroze.
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Cannes 1951. Meilleur réalisateur
Cahiers du Cinéma : Dans la liste des 10 meilleurs films de l'année 1950

Visionné, la première fois, en février 1971 au cinéma à Québec
Mon 69ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 19 janvier 2023

17 janvier 2008

68. Ford : The Grapes of Wrath

1001 films de Schneider  : The Grapes of Wrath
Les Raisins de la colère


Film américain réalisé en 1940 par John Ford
Avec Henry Fonda (Tom Joad), Jane Darwell, John Carradine
Adapté du roman de John Steinbeck qui lui a valu le prix Pulitzer (le Goncourt américain) en 1939.

Bon sens que la réalité socio-politique était simple à analyser à cette époque-là.

Petit résumé du film : D'un côté les bourgeois exploiteurs à la grosse berline et au gros cigare qui manie, sans vergogne, le "big stick" de la loi et de l'ordre et de l'autre le misérable prolétariat, banni de ses terres, jeté sur les routes et à la merci des grands propriétaires terriens. Assistant à cette lutte inégale et impitoyable, des fonctionnaires du gouvernement (celui de Roosevelt) qui annoncent les premiers balbutiements de l'État-providence.

Certains diront que rien n'a changé, sauf la manière. Mais, ce qui est certain c'est que ce type d'analyse simple, en général truffée de colères bien senties, appliquée à nos sociétés riches ne tient plus vraiment la route. Il faut mieux affiner notre argumentation.
 
Et le film dans tout ça? Les images. Il me semble, qu'au-delà du drame sociopolitique, c'est ce qui m'a le plus emballé en visionnant ce film à nouveau.

À la caméra, Gregg Toland. Considéré comme le plus grand caméraman de l'ère du cinéma noir et blanc. On peut déjà voir à l’œuvre dans The Grapes of Wrath sa technique du clair-obscur qu'il a utilisé à profusion dans Citizen Kane. Le clair-obscur est une technique picturale dans laquelle des parties claires côtoient immédiatement des parties très sombres, créant des effets de contrastes parfois violents.

Ci-dessous, exemple d'un clair-obscur typique de Toland.


Cette technique du clair-obscur est inspiré des œuvres de Michelangelo Merisi, dit Le Caravage. En art, on appelle cette technique le chiaroscuro. 

Un des premiers grands road-movies de l'histoire du cinéma  : Tom Joad (Henri Fonda), au volant d'un camion pourri et surchargé, entreprend de mener sa famille de l'Oklahoma à la Californie, en empruntant la route américaine la plus mythique qui soit, U.S.66, qui débute à Chicago pour se terminer à Los Angeles. Des millions de Tom Joad emprunteront cette route après la grande dépression de 1929-1932, fuyant le "dust bowl" (région dont les terres ont été transformées en poussière par plusieurs années de sécheresse et par une surutilisation) pour aller briser leur rêve au contact des grands exploitants de produits agricoles californiens.

Premier plan du film : Henri Fonda marche seul sur une route empoussiéré au milieu de la plaine. On a l'impression qu'il s'en va à la rencontre de Charles Bronson dans Il était une fois dans l'Ouest, tellement sa démarche est identique à celle qu'il aura 38 ans plus tard.
 
Oscars 1941. Deux statuettes : réalisation et meilleure actrice de soutien à Jane Darwell

Visionné, la première fois, en février 1971 à la télévision à Québec
Mon 68ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 19 janvier 2023

11 janvier 2008

67. Truffaut : Tirez sur le pianiste

1001 films de Schneider : Tirez sur le pianiste


Film français réalisé en 1960 par François Truffaut
Avec Charles Aznavour, Marie Dubois, Nicole Berger, Michèle Mercier, Albert Rémy

" J'ai horreur des films de gangsters. Je les déteste. Je déteste Lino Ventura. " François Truffaut, dans une interview donnée en 1965 à Jean-Pierre Chartier, dans le cadre de l'émission Cinéastes de notre tempsPourtant, après avoir vu 1500 films américains, il sent qu'il doit payer sa dette à ce cinéma, d'où son pari de faire un pastiche de film noir.

Dans ce film, Truffaut mélange tous les genres (film de gangster, comédie, drame sentimental) au risque de perdre le spectateur en cours de route si celui-ci tient absolument à s'investir dans ce faux-film de gangsters. En effet, comment prendre au sérieux ces gangsters qui, au cours d'un enlèvement, s'amusent avec les otages à discuter des relations hommes-femmes, au point de susciter un éclat de rire général au sein de cette improbable petite bande.

Après le génial Les Quatre cents coups, ce film (le 2ème long métrage de Truffaut) fut un dur coup à avaler pour les amateurs de Truffaut. On ne savait plus où donner de la critique. Heureusement, Jules et Jim, un an plus tard, allait refaire l'unanimité.

Mis à part l'intérêt suscité par l'exercice-hommage au film noir américain, je n'avais pas et je n'ai toujours pas trouvé beaucoup d'intérêt dans ce film qui m'apparaît plutôt comme un exercice de style.


Pendant le tournage, Truffaut, Aznavour et Marie Dubois

Charles Aznavour, en pianiste timide, joue le rôle de sa vie. Ça n'a rien à voir avec le film mais on a l'impression qu'il porte sur ses épaules tout le drame du pauvre immigrant de la chanson de Bob Dylan I Pity the Poor Immigrant, tiré de l'album John Wesley Harding.

Marie Dubois, dans le premier rôle de sa vie, crève l'écran.

Nicole Berger (la femme du pianiste du film, suicidée), étoile filante du cinéma, meurt dans un accident d'auto en 1967, à l'âge de 32 ans.

Chanson entendue à la radio pendant le trajet du pianiste (Aznavour) et de la serveuse Léna (Marie Dubois) vers la ferme enneigée dans les Alpes : Dialogue d'amoureux de Félix Leclerc, interprétée par celui-ci et Lucienne Vernay. Je suis surpris d'avoir complètement oublié cette séquence lors de mon visionnement d'alors. Truffaut empruntant un élément de la culture québécoise; j'aurais dû être bouleversé.

Une découverte tardive. Je ne connaissais pas Boby Lapointe. Méchant numéro, ce type. Aznavour au piano et Boby Lapointe qui chante Framboise : " Avanie et Framboise sont les mamelles du destin. "

Critique. Cahiers du Cinéma. Janvier 1961. Numéro 115. L'Âme du canon par Pierre Kast.
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Cahiers du Cinéma : Dans la liste des 10 meilleurs films de l'année 1960.

Visionné, la première fois, le 9 juin 1970 à la télévision à Québec
En juin 1970, une bombe éclate dans la société québécoise : la sortie de Deux femmes en or de Claude Fournier, le plus célèbre film érotique québécois. La ménagère de banlieue (Brossard près de Montréal) dans tous ses états intimes. Un navet sur le plan cinématographique mais un film qui a jeté à terre les derniers remparts de la pudibonderie de la société québécoise d'antan.
Film de cul-te, évidemment.
Mon 67ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 23 janvier 2023

10 janvier 2008

66. Fellini : La Dolce Vita

1001 films de Schneider : La Dolce Vita


Film italien réalisé en 1960 par Federico Fellini
Avec Marcello Mastroianni, Anita Ekberg, Anouk Aimée, Yvonne Furneaux, Magali Noël, Alain Cuny

J'avais peu de souvenirs de ce film au titre, pourtant, si évocateur. Il me semblait qu'Anita Ekberg occupait un rôle au moins aussi important que celui joué par Marcello Mastroianni. Erreur découlant probablement de l'empreinte indélébile dans mon cœur de cinéphile de la séquence où l'on voit l'Anita en question prenant sa douche (on se calme, elle était habillée) dans la fontaine de Trevi à Rome. "She was gorgeous" expression que de petits malins persistent à traduire par "Elle était gorgeuse". Les photos ci-contre ne leur donnent pas tout à fait tort, non ?

Cette scène est à classer parmi les plus célèbres séquences de l'histoire du cinéma. Elle est à jamais associée à La Dolce Vita, même si la présence d'Anita Ekberg est finalement assez courte; moins de 25 minutes sur un film de 3 heures.

Même si elle est devenue une attraction touristique surpeuplée, voir la Fontaine de Trévi, à l'heure d'Anita et de Marcello, demeure une expérience émotionnelle intense.

Cette scène fait partie d'une douzaine de tableaux qui constituent la trame du film. Ces tableaux illustrent la vie "in-signifiante" d'un journaliste à potins, Marcello (Marcello Mastroianni, exceptionnel), dont le boulot le force à suivre des célébrités et des aristocrates, tous plus ou moins futiles et décadents les uns que les autres.

Aurais-je le culot d'affirmer que M. Fellini, par la redondance de certains tableaux, allonge inutilement la démonstration des misères existentielles de son héros? 

Antonioni nous montrera dans sa trilogie du début des années 1960 que l'on peut très efficacement démontrer les crises existentielles de personnages à l'intérieur d'un cadre filmique de 120 minutes alors que La Dolce Vita en fait 180. Mais, ne boudons pas notre plaisir. Ce sont 180 minutes d'images merveilleuses bercées par la musique inoubliable de Nino Rota, compositeur attaché à l’œuvre de Fellini qui a composé la bagatelle de 162 pièces de musique pour le cinéma au cours de sa carrière.

Paparazzo, c'est le nom du photographe qui accompagne Marcello dans ses tournées à la recherche de proies pour son journal à sensations. Il se retrouve souvent au milieu d'une meute de photographes à l'assaut de célébrités artistiques. C'est à la suite de ce film que le terme paparazzo (paparazzi au pluriel) fut accolé aux photographes spécialisés dans la chasse aux célébrités. Chasse plus souvent associée au viol de l'intimité de ces mêmes individus dont les seins ou les fesses se retrouveront immanquablement dans les pages centrales d'un quelconque Paris-Match.

On pense que Fellini a utilisé le patronyme d’un camarade de classe insolent et agressif. Ou bien, Fellini aurait créé le néologisme à partir des mots italiens « papatacci » qui désigne un type de moustique agaçant et « razzo », l’éclair.

Ce film a créé un léger tsunami chez les ecclésiastiques ultra-catholique d'Italie et d'Espagne. Fellini a failli être excommunié à cause de la scène où l'on voit Anita Ekberg déguisée en ecclésiastique grimpant les escaliers d'un clocher d'église qui donne sur la place St-Pierre au Vatican. En Espagne, ce film fut interdit jusqu'en 1981.

Critique. Cahiers du Cinéma. Juillet 1960. Numéro 109. Il Dolce Fellini par Jean-Louis Laugier.
Les 300 premiers numéros des Cahiers du Cinéma sur Archive.org

Oscars 1962. Costumes
Cannes 1960. Palme d'or

Visionné, la première fois, le 3 janvier 1970, à la télévision à Québec
Ce jour-là, au cinéma Empire de la rue de la Fabrique à Québec, mon cinéma préféré entre tous à cette époque, on projette Paris n'existe pas de Robert Benayoun qui n'a réalisé que deux films. Quelqu'un a-t-il déjà vu ce film? La présence de Gainsbourg (musique et interprétation) m'intrigue et me donne le goût de voir ce film. Deux extraits sur YouTube
Mon 66ème film visionné de la liste des 1001 films du livre de Schneider
Mis à jour le 18 janvier 2023